Les prix citron de l'incohérence

À l'Assemblée nationale, l'opposition officielle affiche souvent toute la cohérence d'une république de bananes sur le point de manquer de bananes.

L'affaire Desmarais


Jean-Simon Gagné Le Soleil (Québec)
1- Il n'y a pas si longtemps, Stephen Harper promettait d'en finir avec les sénateurs non élus. C'était l'époque où M. Harper se présentait comme le preux chevalier blanc, pourfendant les méchants libéraux qui nommaient leurs copains au Sénat. Notre Sénat, n'était-ce pas une pâle imitation de la Chambre des lords britanniques, parfois surnommée la «Chambre des morts»?
«Le Sénat non élu constitue une relique du XIXe siècle», disait le futur premier ministre, en 2005.
Six ans plus tard, Stephen Harper est devenu premier ministre. Et le preux chevalier n'éprouve pas le moindre scrupule à faire ce qu'il reprochait naguère aux libéraux. Il se sert du Sénat pour récompenser les copains. Ou pour consoler des conservateurs défaits lors d'élections, comme Josée Verner ou Larry Smith. Grâce au Sénat, M. Harper s'est même assuré la loyauté d'une figure populaire comme l'ancien entraîneur du Canadien Jacques Demers. Le sénateur Demers, qui n'avait «jamais songé à faire de la politique», s'est soudain mis à faire campagne pour les conservateurs.
Le message est clair : «Après la politique, il y a la vie. Et après la vie, il y a le Sénat.»
2- L'éternel deuxième citron.
À l'Assemblée nationale, l'opposition officielle affiche souvent toute la cohérence d'une république de bananes sur le point de manquer de bananes.
Cette semaine, le Parti québécois propose une loi spéciale pour empêcher que l'entente sur la gestion du futur amphithéâtre de Québec soit contestée devant les tribunaux par des citoyens.
Au même moment, le Parti dénonce une loi «matraque» du gouvernement, qui retirerait à des citoyens le droit de contester devant les tribunaux le tracé de l'autoroute 73, en Beauce.
À l'intérieur du PQ, des voix anonymes ont dénoncé l'incohérence. Pas très fort, semble-t-il. Pour reconquérir la région de Québec, le PQ n'est pas seulement prêt à vendre son âme. Il propose en plus la livraison gratuite.
«Il ne faut pas comparer des pommes et des oranges», a expliqué mercredi le leader parlementaire du Parti, Stéphane Bédard. Imperturbable, M. Bédard se disait convaincu de la légalité de l'entente sur la gestion de l'amphithéâtre, même s'il a reconnu qu'il n'avait consulté «aucun avis juridique sur le sujet».
Une telle foi aveugle, c'est impressionnant. M. Bédard aurait fait merveille au cirque, dans le rôle du dompteur qui place sa tête dans la gueule grande ouverte du lion affamé, après s'être enduit les cheveux de sauce BBQ.
3- On a souvent accusé le gouvernement Charest de faire croire qu'il avait planifié des choses qui se seraient produites de toute façon. Mais voilà qu'avec le nouveau régime de redevances versées par les compagnies minières, le gouvernement assure qu'il a réalisé une réforme majeure.
C'est lorsqu'il s'agit d'évaluer la merveille que les choses se gâtent un peu. Même qu'en voyant les différences de calcul des uns et des autres, on se félicite qu'ils ne soient pas devenus professeurs de mathématiques.
La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a d'abord décrit le nouveau régime «comme le plus contraignant au pays».
Plus modeste, un porte-parole ministériel l'a ensuite classé parmi «le top 3» au Canada.
Finalement, le ministre des Finances, Raymond Bachand, s'est contenté d'évoquer «l'un des régimes plus exigeants du Canada».
Au total, le gouvernement annonce que le Québec touchera jusqu'à 16 % des profits réalisés par les mines. Mais ces chiffres sont vivement contestés par une compilation de la coalition Québec meilleure mine et MiningWatch Canada, qui ramène la part de l'État à 2 %. La Coalition soutient aussi que le Québec n'a touché que 1,1 % sur la richesse tirée de son sous-sol, entre 2002 et 2009. Pour la même période, la moyenne canadienne se situe autour 5,5 %.
Alors, est-ce que le gouvernement du Québec a raison de se péter les bretelles? Pour l'instant, la réponse ressemblerait à ce que John Lennon racontait à la blague de son collège Ringo Starr, à l'époque des Beatles.
«Est-ce que Ringo Starr est le meilleur joueur de batterie du monde?» avait demandé un journaliste.
Et Lennon avait répondu : «Il n'est même pas le meilleur joueur de batterie des Beatles...»


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