Accord Canada-Chine sur l'investissement

Ombres chinoises sur le Canada

Le Canada brade nos ressources et nos droits à notre insu, par la porte d'en arrière

Le gouvernement fédéral a déposé il y a quelques semaines un nouveau projet de loi monstre de plus de 450 pages qui sera adopté, sans véritable débat par le Parlement d'ici le 1er novembre prochain. Caché dans le projet de loi C-45 se retrouve un accord Canada-Chine sur l'investissement, l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre le Canada et la Chine, qui aura des effets graves et irréversibles sur la souveraineté canadienne et qui porte atteinte à notre démocratie. Cet accord doit être stoppé.
Depuis 2010, les entreprises d'État chinoises ont acquis plus de 13 milliards $ d'actifs dans les sables bitumineux. Dans une seule transaction qui doit encore être approuvée par Ottawa, la Chinese National Offshore Oil Company (CNOOC) souhaite faire l'acquisition de Nexen pour la somme de 14 milliards $.
Une autre compagnie, Sinopec, a acquis des parts dans le projet d'oléoduc Northern Gateway qui doit permettre d'acheminer le pétrole canadien vers la Chine à travers les forêts et les montagnes de Colombie britannique. À ce rythme, une part significative des ressources pétrolières canadiennes sera sous contrôle chinois d'ici quelques années.

Le poids croissant des investissements chinois au Canada comporte un prix politique. Afin de sécuriser ses investissements, la Chine a négocié secrètement avec Ottawa le FIPPA, un traité qui accorde des droits inédits à des entreprises d'État chinoises dont les entreprises canadiennes ne bénéficient même pas, et qui porte atteinte à la souveraineté du Canada et aux pouvoirs constitutionnels des provinces.
L'APIE est l'accord commercial sur l'investissement le plus important depuis l'ALÉNA, conclu en 1992. Il accorde aux sociétés d'État chinoises le droit de poursuivre le Canada pour obtenir des dommages-intérêts pour des décisions prises par les municipalités, les gouvernements provinciaux, territoriaux ou par le gouvernement fédéral qui ont pour effet de nuire à leurs investissements. Ces poursuites et les décisions qui en découleront seront tenues secrètes. L'accord aura une durée de 31 ans et ne pourra être révoqué.
Selon Gus Van Harten, professeur de droit à l'Université York, les droits concédés par ce traité aux sociétés d'État chinoises ont des impacts sur les pouvoirs provinciaux en matière de ressources naturelles, de taxation et de droits de propriété. Le traité s'applique aux lois et réglementations provinciales, de même qu'aux décisions des tribunaux qui affectent les droits des compagnies chinoises.
Par ce traité les sociétés d'État chinoises obtiennent beaucoup plus que ce que les entreprises canadiennes obtiendront en Chine, et même que ce qu'elles ont au Canada, soit la possibilité de poursuivre le Canada à l'extérieur des cours canadiennes pour renverser des décisions législatives, réglementaires ou judiciaires qui vont à l'encontre de leurs intérêts.
En signant ce traité, le Canada abdique donc une partie de sa souveraineté au profit de l'État chinois et de ses entreprises sans obtenir de réciprocité pour les entreprises canadiennes en Chine.
Il ne sera pas nécessaire pour les entreprises chinoises de détenir une part majoritaire dans une entreprise canadienne pour invoquer le traité. Une compagnie chinoise possédant une part minoritaire dans une entreprise canadienne pourra poursuivre le Canada et obtenir une compensation financière.
Ainsi, une compagnie canadienne ou étrangère qui souhaite contester les lois canadiennes n'aura qu'à se trouver un partenaire chinois. Ceci ouvre la porte à une contestation tous azimuts de nos lois et réglementations. Ainsi, Sinopec, partenaire d'Enbridge dans le projet Northern Gateway, pourrait poursuivre la Colombie-Britannique si la province met de barrières à ce projet.
Les impacts du traité vont bien au-delà des sables bitumineux : les sociétés d'état chinoises sont aussi actives dans le secteur minier et lorgnent du côté du Plan Nord québécois. La compagnie Jilin Jien Nickel Industries a déjà fait l'acquisition d'une mine de Nickel dans le Nord québécois et sera protégée par l'accord comme tous les investissements à venir.
La capacité du Québec de gérer ses ressources naturelles sera désormais balisée par un accord signé par Ottawa sans consultation aucune avec les provinces.
Bien entendu le traité n'empêchera pas les divers paliers de gouvernement de continuer de réglementer pour protéger l'environnement, la santé et la sécurité des populations. Mais si ces réglementations ont pour effet de nuire aux entreprises chinoises, celles-ci pourront poursuivre les gouvernements et obtenir des compensations financières qui pourraient atteindre des milliards de dollars.
Dans ce contexte, il est probable que les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral deviennent plus frileux lorsque vient le temps d'adopter de nouvelles réglementations puisqu'ils voudront éviter de s'exposer à des poursuites coûteuses. Le traité aura donc un effet de verrou sur de nouvelles réglementations.
Par exemple, on voit mal comment le Canada pourra réglementer les émissions de gaz à effet de serre, instaurer une taxe sur la carbone ou rehausser les réglementations dans les sables bitumineux sans affecter les investissements chinois et s'exposer à des poursuites.
Mais l'aspect le plus troublant du traité est qu'il accorde aux sociétés d'État chinoises une protection pleine et entière contre l'opposition du public. C'est donc dire que si des citoyens canadiens organisaient une manifestation contre un projet porté par une compagnie chinoise, le Canada serait tenu d'user de son pouvoir policier pour protéger l'investisseur chinois contre la population canadienne.
Il fut un temps où le Canada protégeait sa souveraineté et sa population contre la menace communiste. Le Canada accepte aujourd'hui d'abdiquer une partie de sa souveraineté et de protéger le Parti communiste chinois et ses entreprises contre les citoyens canadiens. Le tout au nom du libre marché !
Il est inconcevable qu'un traité qui porte autant atteinte à la souveraineté canadienne, aux compétences des provinces et aux droits du public soit adopté en l'absence totale de débat démocratique au Parlement et d'un bout à l'autre du pays. C'est pourquoi nous devons nous y opposer fermement. Ce gouvernement a obtenu un mandat majoritaire, mais il n'a pas obtenu des Canadiens le mandat de vendre notre souveraineté à la Chine.


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