LE MODUS OPERANDI DES SPOLIATEURS (22)

Le tandem Desmarais/Frère face à une plainte au criminel en France

Des infractions semblables ont-elles été commises au Québec ?

Chronique de Richard Le Hir

Le dépôt le 24 août dernier d’une requête (texte complet ci-dessous) au Conseil d’État, l’instance suprême en matière administrative en France, nous permet d’apprendre qu’une « plainte contre X » a été déposée le 2 juillet 2012, au Parquet de Paris, enregistrée sous le n° P 12 184 730 12, pour « abus de pouvoir, corruption active et passive, trafic d’influence » , par Jean-Marie Kuhn, un homme d’affaires français qui prétend avoir été lésé par le tandem Desmarais/Frère dans le cadre d’une transaction survenue en 2006 .

Jean-Marie Kuhn poursuit cette affaire avec ténacité et sans relâche depuis lors. Éconduit par l’administration judiciaire française, très politisée, à quelques reprises, il est parvenu à convaincre, en juillet 2009, les autorités belges qui enquêtent sur cette affaire depuis et qui, sur la base de la preuve recueillie, se sont jointes en décembre 2009 à sa plainte.

Comme il l’explique dans sa requête au Conseil d’État,

« En décembre 2009 le Procureur du Roi s’est joint à ma plainte et a requis le Juge d’Instruction d’instruire des chefs de faux et usage de faux, faux bilans et usage de faux bilans dans l’établissement des comptes de QUICK RESTAURANTS S.A.

Très rapidement de nombreuses complicités actives, passives et institutionnelles sont apparues dont celle, pleine et entière de la CDC [Note de RLH : Caisse des Dépôts et Consignations, l’équivalant français de notre Caisse de dépôt et de placement au Québec].

Le 17 octobre 2011, les autorités judiciaires belges ont lancé une commission rogatoire internationale en France, dont le traitement a été confié par le Procureur de la République de Paris au Doyen des Juges d’Instruction. »

L’enquête belge suit son cours et « prospère », aux dires de Jean-Marie Kuhn dans sa requête au Conseil d’État. Avec cette dernière, à laquelle certains médias en France , et en Belgique ont fait écho quelques jours après son dépôt, l'affaire change carrément de registre et devient une affaire d'État.

Vu l’existence au Québec d’une institution semblable à la CDC de France, et vu la proximité des liens entre notre CDPQ et l’Empire Desmarais que j’ai largement documentés dans de nombreux articles sur Vigile et dans mon livre intitulé Desmarais : La dépossession tranquille, la question se pose de savoir si des infractions similaires à celles que Jean-Marie Kuhn prétend avoir été commises en France n’ont pas également été commises au Québec.

Dans sa requête au Conseil d’État, Jean-Marie Kuhn demande la destitution de Jean-Pierre Jouyet, nommé tout récemment par le président Hollande à la tête de la CDC. Je vous invite à lire attentivement ce document qui constitue une pièce essentielle pour la bonne compréhension du modus operandi du duo Desmarais/Frère.

REQUÊTE au CONSEIL d’ÉTAT
EN VUE DE L’ANNULATION DU DÉCRET DU 19 JUILLET 2012
PORTANT NOMINATION DE
MONSIEUR JEAN-PIERRE JOUYET,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES,
AU POSTE DE
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État,
Mesdames et Messieurs les Magistrats et Conseillers,

J’ai l’honneur de vous adresser, en ma triple qualité de lanceur d’alerte et plaignant dans l’affaire QUICK/GDF-SUEZ, de citoyen français, et d’actionnaire des Sociétés GDF-SUEZ, SUEZ ENVIRONNEMENT, EIFFAGE et GBL (pièce 1 a/b/c/d) , la présente requête pour obtenir l’annulation du Décret du 19 juillet 2012 (pièce 2) qui porte nomination de Monsieur Jean-Pierre JOUYET au poste de Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

Cette nomination me paraît choquante, critiquable voire dangereuse, et totalement injustifiée ainsi que j’en ferai la démonstration ci-dessous.

L’affaire QUICK/GDF-SUEZ a été largement médiatisée en France, en Belgique, en Suisse et au Canada.

Deux articles pour la résumer rapidement : celui paru dans Le RÉPUBLICAIN LORRAIN du 18 novembre 2011 (pièce 3), et celui paru dans le quotidien belge Le SOIR du 19 novembre 2011 (pièce 4).

L’affaire QUICK/GDF-SUEZ est une extraordinaire affaire de corruption, tant par les montants que par le haut niveau des personnalités financières, administratives et politiques impliquées.

Elle découle d’un pacte de corruption entre Monsieur Albert FRÈRE, citoyen belge, son associé canadien Paul DESMARAIS, et la Caisse des Dépôts et Consignations française.

Messieurs FRERE et DESMARAIS sont actionnaires, au travers de leur holding GBL, notamment de TOTAL, GDF-SUEZ, SUEZ ENVIRONNEMENT, IMERYS, PERNOD RICARD, LAFARGE. Ils exercent dans ces Sociétés, grâce à leurs relations politiques, une influence démesurée si on la rapporte au niveau réel de leur participation.

Le 24 juillet 2009, j’ai déposé une plainte avec constitution de partie civile
(pièce 5) en Belgique, visant l’acquisition de QUICK par la CDC au Groupe FRERE.

En décembre 2009 le Procureur du Roi s’est joint à ma plainte et a requis le Juge d’Instruction d’instruire des chefs de faux et usage de faux, faux bilans et usage de faux bilans dans l’établissement des comptes de QUICK RESTAURANTS S.A. (pièce 6).

Très rapidement de nombreuses complicités actives, passives et institutionnelles sont apparues dont celle, pleine et entière de la CDC.

Le 17 octobre 2011, les autorités judiciaires belges ont lancé une commission rogatoire internationale en France, dont le traitement a été confié par le Procureur de la République de Paris au Doyen des Juges d’Instruction (pièce 7).

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a ouvert un dossier lors de ma première saisine qui remonte au 9 juin 2008, et différents échanges ont eu lieu.

Le Président SARKOZY a nommé Monsieur Jean-Pierre JOUYET à la Présidence de l’AMF le 15 décembre 2008.

Le 16 décembre 2008, j’ai alerté Monsieur JOUYET par courrier avec accusé de réception (pièce 8).

Mon courrier est resté sans réponse officielle mais Monsieur JOUYET a immédiatement fait procéder au classement sans suite de l’affaire.

Ma plainte prospérant en Belgique, et de nouveaux éléments ayant été révélés qui mettent en cause de manière gravissime la CDC, je suis revenu en janvier 2012 vers l’AMF et plusieurs correspondances ont été échangées.

Là encore, comme en 2008, les éléments échangés ont démontré l’incontestable gravité de l’affaire puisque l’AMF, dans son courrier du 4 juin 2012 (pièce 9), indique « Je ne puis que vous rappeler à nouveau que les éléments que vous portez à notre connaissance relèvent de qualifications pénales qui sont de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire ». sic

Et, toujours comme en 2008, lorsque le niveau de gravité commande une action pour faire ouvrir une enquête par l’AMF ou alerter le Procureur de la République, Monsieur JOUYET reste inerte, sachant que toute enquête mènerait inévitablement à Messieurs FRÈRE et DESMARAIS.

Cette inertie engage naturellement la responsabilité de Monsieur Jean-Pierre JOUYET à qui je me suis adressé personnellement à chaque fois.

Cette situation est tout simplement inacceptable et insupportable dans un État de droit, et elle est inimaginable dans toute démocratie digne de ce nom.

Il m’a donc fallu rechercher pourquoi Monsieur JOUYET empêchait l’AMF d’accomplir ses importantes missions, ci-dessous rappelées :

« L'AMF est un organisme public indépendant, doté de la personnalité morale et disposant d'une
autonomie financière, qui a pour missions de veiller :
• à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers ;
• à l'information des investisseurs ;
• au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. »

Il se trouve que Monsieur Jean-Pierre JOUYET est l’époux de Madame Brigitte TAITTINGER,héritière du Groupe TAITTINGER.

Le Groupe FRÈRE était associé au Groupe TAITTINGER de 2001 à 2006, au travers de sa holding belge Compagnie Nationale à Portefeuille (CNP), (pièces 10 et 11).

Cette situation explique sans doute aucun les raisons pour lesquelles Monsieur JOUYET a refusé que l’AMF accomplisse les investigations nécessaires, protégeant ainsi tout l’empire FRÈRE/DESMARAIS constitué essentiellement des fleurons du CAC 40.

Monsieur Jean-Pierre JOUYET reconnaît d’ailleurs, lors de ses auditions devant la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat, être en lien avec Monsieur Albert FRÈRE depuis 1992.

Devant cette situation, j’ai déposé, le 2 juillet 2012, une plainte contre X au Parquet de Paris (pièce 12), enregistrée sous le n° P 12 184 730 12, pour abus de pouvoir, corruption active et passive, trafic d’influence.

Il est clairement démontré que Monsieur JOUYET a constamment protégé Messieurs FRÈRE et DESMARAIS pendant toute la période où il était Président de l’AMF, soit du 15 décembre 2008 au 19 juillet 2012.

Ce faisant, Monsieur JOUYET a non seulement failli à sa mission mais il cause également un préjudice financier et moral aux actionnaires des Sociétés impactées par ces faits de corruption, le cours du titre GDF-SUEZ en est d’ailleurs, à titre d’exemple, très affecté.

La seule motivation de Monsieur JOUYET a été de protéger Messieurs FRÈRE et DESMARAIS en remerciement de l’enrichissement de plusieurs centaines de Millions € de son épouse obtenu grâce à Monsieur FRÈRE, enrichissement découlant de diverses opérations dont la cession du Groupe TAITTINGER/LOUVRE au fonds STARWOOD qui est connue, mais aussi par d’autres opérations opaques qui seraient encore en cours.

Madame TAITTINGER épouse JOUYET clame d’ailleurs sa satisfaction de STARWOOD dans une interview vidéo du 18 mars 2012 à France Info (DVD pièces 13 a/b/c).

Ma connaissance du dossier et diverses remontées d’informations m’ont appris que Messieurs FRÈRE et DESMARAIS sont à l’origine de la nomination de Monsieur JOUYET à l’AMF le 15 décembre 2008 et au poste éminent de Directeur Général de la CDC le 19 juillet 2012.

Monsieur JOUYET a été nommé à l’AMF dans le but de classer ma plainte qui fait peser un risque pénal sur de nombreuses sociétés sous contrôle de l’AMF appartenant à Messieurs FRÈRE et DESMARAIS ou à la CDC, à l’image de QUALIUM, filiale à 100% de la CDC. De l’avis de spécialistes, les agissements de QUALIUM dans l’affaire QUICK devaient conduire à un retrait immédiat de son agrément AMF. Le rôle de Monsieur JOUYET était donc essentiel car, s’il avait fait enquêter par l’AMF ou par le Parquet de Paris, c’est tout un pan de l’économie qui en aurait été impacté, et la CDC, Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, gravement mis en cause. De plus, si Monsieur JOUYET avait fait son devoir, il se trouverait dans une situation de conflit d’intérêts supplémentaire qui ne lui aurait pas permis de postuler à la CDC. Il n’a donc rien fait, préservant les intérêts de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, ceux de la CDC et les siens propres.

Monsieur JOUYET a ensuite accédé à la tête de la CDC pour poursuivre dans cette voie et, pire, faire acquérir par la CDC les actifs que veulent céder Messieurs FRÈRE et DESMARAIS à commencer par la participation qu’ils détiennent en GDF-SUEZ, SUEZ ENVIRONNEMENT et TOTAL. Ils affichent une moins-value de plus de 2, 5 MILLIARDS € sur ces positions (pièce 14), et leur projet est de les céder à la CDC, évidemment pas à la valeur de marché, mais avec une très confortable plus-value comme ils l’ont fait jusqu’à présent, la CDC acceptant de les débarrasser de leurs actifs en les surpayant comme cela a été le cas avec QUICK.

Le mode opératoire de Monsieur JOUYET sera le même que celui utilisé lors de la fusion de GDF avec SUEZ, à savoir invoquer le patriotisme économique pour tenter de justifier ces opérations injustifiables qui coûtent des Milliards € aux contribuables.

Certaines indiscrétions, de sources autorisées et fiables, attribuent également à l’influence de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS sur le Président SARKOZY l’étonnante nomination de Monsieur JOUYET au poste de Secrétaire d’État aux Affaires Européennes en 2007.

Monsieur FRÈRE a également favorisé la carrière de Monsieur Christophe de MARGERIE, autre membre éminent de la famille TAITTINGER, en le faisant accéder à la Présidence de TOTAL.

L’article paru dans les ECHOS du 14 février 2007 (pièce 15) indique, entre autres, que Monsieur Albert FRÈRE était un partenaire difficile pour TAITTINGER . Il a, en effet, manoeuvré pour forcer la cession à STARWOOD et, pour y parvenir, s’est attaché le soutien de Messieurs JOUYET et de MARGERIE qu’il a ensuite largement récompensés.

À la lumière de ces éléments, on comprend parfaitement la volonté et surtout l’intérêt de Messieurs FRERE et DESMARAIS de faire nommer Monsieur JOUYET, qui est incontestablement leur obligé, au poste éminent de Directeur Général de la CDC afin qu’il puisse continuer à servir leurs intérêts, c’est-à-dire étouffer l’affaire QUICK/GDFSUEZ et permettre l’acquisition, par la CDC, des actifs dont Messieurs FRÈRE et DESMARAIS veulent se débarrasser.

La volonté de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS s’est très vite concrétisée et le Président SARKOZY s’est vu contraint de refuser la reconduction de Monsieur de ROMANET, de renoncer à nommer son favori Monsieur Xavier MUSCA, Secrétaire Général de l’Elysée, et de remettre après l’élection présidentielle la nomination du futur Directeur Général de la CDC.

Il a donc été décidé d’un intérim irrégulier, confié, non pas au Secrétaire Général à qui le poste revenait de droit, mais à Monsieur GOSSET-GRAINVILLE, ancien avocat-associé au Cabinet GIDE de Bruxelles, ami et confident de Monsieur Albert FRÈRE, et Conseil dans les affaires réalisées par FRÈRE avec la CDC dont l’affaire QUICK et GDF-SUEZ.

En 2007, à la demande de Monsieur FRÈRE, Monsieur GOSSET-GRAINVILLE a été nommé au Cabinet du Premier Ministre FILLON pour devenir, en mai 2010, Directeur Général Adjoint de la CDC où il veille sur les intérêts de FRERE au point d’avoir tenté de récidiver avec deux affaires que j’ai réussi à faire avorter, ENTREMONT et CMA-CGM qui auraient à nouveau rapporté des centaines de Millions € à FRERE et qui constituent autant de détournements de fonds publics.

Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, ont été décorés de la Grand’Croix de la Légion d’Honneur par le Président SARKOZY pour des raisons incompréhensibles et totalement injustifiées, sauf à considérer qu’en raison de ma plainte, ils étaient dans une nécessaire quête d’honorabilité que le Président SARKOZY s’est empressé de satisfaire.

Messieurs FRÈRE et DESMARAIS avaient l’absolue garantie que Monsieur JOUYET serait nommé Directeur Général de la CDC par Monsieur SARKOZY dès sa réélection, ou, à défaut, par Monsieur HOLLANDE dont Monsieur JOUYET se présente comme l’ami le plus intime.

Et en attendant que Monsieur JOUYET, atout caché de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, prenne ses fonctions à la CDC une fois l’élection présidentielle passée, c’est Monsieur GOSSET-GRAINVILLE, autre obligé de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, qui dirigeait la CDC tout en chauffant la place à Monsieur JOUYET qui ne pouvait et ne devait surtout pas apparaître pendant la campagne mais rester en embuscade pour que cette stratégie réussisse.

C’est ainsi que Monsieur JOUYET, qui se délecte de la proximité avec le Président en exercice, quel qu’il soit et quelle que soit sa couleur politique, va jouer de son « amitié » retrouvée avec le Président HOLLANDE pour accéder au but final, c’est-à-dire devenir le Directeur Général de la CDC.

Madame JOUYET-TAITTINGER ne s’en cache d’ailleurs pas puisque, dans son interview à France Info du 18 mars 2012 déjà citée (DVD pièce 13 a), elle indique que « son mari est aujourd’hui très proche amicalement de François HOLLANDE » .

De là à conclure que Monsieur JOUYET s’est rapproché de Monsieur HOLLANDE par pur arrivisme il n’y a qu’un pas que certains n’hésiteront pas à franchir, à commencer par les véritables amis du Président de la République…

J’ai eu l’élégance d’alerter Monsieur le Président de la République et Monsieur le Premier Ministre des problèmes que poserait l’éventuelle nomination de Monsieur JOUYET, notamment par un courrier électronique du 27 juin 2012 (pièce 16) qui a déclenché un communiqué de Matignon le lendemain, par lequel le Premier Ministre proposait de la manière la plus officielle au Président la nomination de Monsieur JOUYET (pièce 17).

Ce communiqué, par sa précipitation, nous a appris -aux proches du dossier et à moi-même que l’équipe FRÈRE/DESMARAIS a déjà réussi à contaminer nos nouveaux dirigeants.

La situation est d’autant plus choquante que Monsieur François HOLLANDE m’avait adressé un courrier en date du 16 avril 2012 dans lequel il ne manquera pas, s’il est élu, « d’exiger des comptes sur l’affaire QUICK/GDF-SUEZ ». Il y indique également vouloir se montrer « impitoyable avec la corruption » et ne pas accorder de « faveur aux proches » (pièce 18).

Force est de constater que le Président de la République a nommé Monsieur JOUYET au poste de Directeur Général de la CDC, ce qui constitue, à l’évidence, une faveur faite à un proche et un laisser-faire pour la corruption et les conflits d’intérêts.

De la manière la plus flagrante, le Président s’est soumis au diktat de Messieurs FRÈRE et DESMARAIS, foulant au pied ses grands principes qui l’ont conduit à l’Elysée.

La nomination de Monsieur JOUYET a d’ailleurs suscité, dans tous les partis politiques, des interrogations, colère et oppositions (exemples pièce 19 a/b), qui se sont encore amplifiées après l’audition de Monsieur JOUYET par la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale et par celle du Sénat qui se sont réunies le 10 juillet 2012.

Ces auditions ont révélé le manque d’indépendance de Monsieur JOUYET et son incapacité à exercer toutes les prérogatives de sa fonction, notamment en raison des conflits d’intérêts provenant de l’AMF et qui le poursuivent à la CDC.

La Commission des Finances de l’Assemblée Nationale a interrogé Monsieur JOUYET sur ma plainte par l’intermédiaire de Monsieur le Député Charles de COURSON.

Nous étions stupéfaits de la manière dont la question a été posée et j’ai adressé le même jour un courrier à Monsieur de COURSON pour lui en faire part (pièce 20).

Il m’a répondu par une lettre du 31 juillet 2012 (pièce 21), tentant d’apporter des ajustements à son comportement qui paraissait particulièrement familier voire collusif avec Monsieur JOUYET, considérant que « l’objet de l’audition était de voir si Monsieur JOUYET présentait les compétences requises » et « qu’il revient à la Justice de trancher l’existence d’un conflit d’intérêts ».

Une telle interprétation, erronée et fallacieuse, ne pouvait qu’aboutir à l’accord des Commissions des Finances car Monsieur JOUYET présente, au vu de ses diplômes, au moins en théorie, les compétences requises.

Cette interprétation me conduit très naturellement devant votre Juridiction afin que le Juge suprême que vous êtes puisse effectivement trancher sur les conflits d’intérêts de Monsieur JOUYET et constater son impossibilité d’exercer pleinement, sereinement et dans le seul intérêt général les fonctions éminentes de Directeur Général de la CDC.

Au Sénat, la question a été posée avec grande compétence par Monsieur le Sénateur Vincent DELAHAYE qui a mis en exergue la seule question qui vaille, à savoir si l’affaire dont je vous saisis est de nature à remettre en cause la nomination de Monsieur JOUYET.

Le compte-rendu écrit de chaque audition (pièces 22/23) et surtout les enregistrements vidéo (DVD pièces 24/25) permettent de mesurer l’extrême embarras de Monsieur JOUYET qui apparaît jusque dans sa gestuelle, très explicite.

Ces auditions n’ont pas fait apparaître une particulière brillance ou compétence de Monsieur JOUYET ni même une vision claire de son projet pour la CDC.

En revanche, ces auditions ont démontré que Monsieur JOUYET, compte-tenu de ses antécédents à l’AMF, ne pourrait exercer la plénitude de ses fonctions à la CDC, au regard des multiples conflits d’intérêts dans lesquels il se trouve.

Pour sa défense, concernant mon affaire, Monsieur JOUYET invoque n’être devenu Président de l’AMF qu’après l’acquisition de QUICK par la CDC et après la fusion GDFSUEZ.

C’est un peu comme si un Procureur refusait d’enquêter au prétexte qu’il n’était pas présent sur les lieux au moment où le crime a été commis !

Or, le grave reproche que je fais à Monsieur JOUYET est de n’avoir ni ouvert d’enquête ni alerté le Parquet pendant qu’il était le Président de l’AMF.

Ses réponses sont, à l’évidence, un véritable camouflet pour la représentation nationale.

Mais à aucun moment Monsieur JOUYET ne conteste les faits, d’ailleurs, le pourrait-il ?

On remarquera aussi, que dans l’idée de Monsieur JOUYET, la mise sur le marché de GDF-SUEZ devait se limiter, pour l’AMF qui est pourtant le gendarme de la Bourse, à vérifier si les investisseurs disposent de toutes les informations nécessaires.

Il est bien le seul à raisonner ainsi car les analystes financiers suivent l’actualité des Sociétés et de leurs actionnaires et considèrent que si une Société recèle, en son capital, des fonds issus de la corruption ou du blanchiment, le risque pénal encouru va se répercuter dans le consensus et donc inévitablement sur le cours de l’action.

Enfin, et cela en dit long sur le personnage, Monsieur JOUYET a soigneusement dissimulé aux Parlementaires son passé d’avocat d’affaires associé au Cabinet JEANTET de 1995 à 1997. Ce passé a disparu de son CV (en aurait-il honte ?) mais figure encore sur celui au 12 novembre 2008 (pièce 26). Il s’occupait des intérêts de Monsieur FRERE et lui apportait, à l’évidence, une satisfaction telle que Monsieur FRÈRE a jugé utile de s’associer avec Madame JOUYET-TAITTINGER en 2001 et de favoriser la carrière de Monsieur JOUYET.

On comprend pourquoi Monsieur JOUYET est souvent présenté comme le haut fonctionnaire le plus influent de France. Qui, à part lui, peut se vanter de faire partie, en plus de son réseau administratif et politique, du réseau de la haute finance qui lui procure un pouvoir certain dans tous les domaines, y compris médiatique, et même judiciaire ?

L’audition au Sénat nous a tout de même apporté une information importante, à savoir que la relation entre Monsieur JOUYET et Monsieur FRÈRE remonte à 1992.

Monsieur JOUYET était indiscutablement dans un conflit d’intérêts flagrant lorsqu’il était Président de l’AMF.

Il est encore en conflit d’intérêts au poste de Directeur Général de la CDC avec la circonstance aggravante que cette dernière est actuellement sous le coup d’une information judiciaire suite à ma plainte déposée le 24 juillet 2009 en Belgique, information judiciaire qui vise de graves faits de corruption commis par le Groupe FRÈRE et par la CDC.

Je rappelle que le conflit d’intérêts est un élément constitutif de la corruption.
Je rappelle également que « la corruption consiste en l’abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins privées ».

Cette définition permet d'isoler trois éléments constitutifs de la corruption qui s’appliquent à Monsieur JOUYET, savoir:
• l’abus de pouvoir ;
• à des fins privées (donc ne profitant pas nécessairement à la personne abusant du pouvoir, mais incluant aussi bien les membres de sa proche famille ou ses amis) ;
• un pouvoir que l’on a reçu en délégation (qui peut donc émaner du secteur privé comme du secteur public).

La CDC a besoin d’une sévère remise en ordre après les faits que j’ai découverts et Monsieur JOUYET est certainement le moins qualifié pour mener à bien cette mission.

Sans trahir le secret de l’instruction ni la teneur des nouveaux éléments que mes Conseils sont en train de traiter et, avant que je me prononce sur leur éventuelle transmission aux autorités judiciaires, je puis affirmer que l’affaire QUICK/GDF-SUEZ est d’une gravité systémique.

Le blanchiment en bande organisée, l’off-shore, les montages sophistiqués, bref, tout ce qui est nécessaire pour mener à bien une corruption de très haut niveau, se pratique en France, à Paris, dans le 7ème arrondissement, au siège de la CDC !

Les titres de la société-cible belge QUICK RESTAURANTS SA ont servi d’instrument financier à la CDC, instrument jugé moins risqué qu’un autre élément de l’économie réelle tel un contrat d’armement international comme dans l’affaire des frégates de Taiwan ou l’affaire Karachi.

La CDC a ensuite adossé à cet instrument des opérations financières destinées à apporter notamment, mais pas seulement, 170 Millions € sous forme de dividendes illégaux à de mystérieux souscripteurs anonymes dénommés FCPR CDC CAPITAL 3 et CDC CAPITAL 3 B.

La note ci-jointe, succincte et volontairement incomplète, (pièce 27), décrit suffisamment l’opération QUICK pour que chacun puisse en comprendre l’essentiel.

L’AMF, dans son courrier du 16 février 2012 (pièce 28), avoue ne pas connaître l’identité de ces mystérieux souscripteurs et me renvoie sur la CDC que j’ai interrogée par télécopie du 23 février 2012 (pièce 29).

Le Conseil de la CDC a répondu, par une lettre officielle du 21 mars 2012 adressée à mon Conseil Maître Thierry VALLAT (pièce 30). Aux termes de ce courrier, la CDC ne conteste nullement les faits, mais s’obstine à préserver l’anonymat des souscripteurs.

Ce manque de coopération de la CDC, auquel nous nous attendions étant donné qu’elle s’avère être l’instigatrice de toute cette corruption, m’oblige à solliciter de nouveaux devoirs judiciaires et à verser de nouveaux et récents éléments au dossier judiciaire, qui déterminent les bénéficiaires des enrichissements personnels et des financements politiques occultes qui étaient, in fine, le véritable but de l’opération QUICK.

Cette situation, d’une gravité systémique, je le répète, exige que la CDC ait à sa tête un Directeur Général indépendant, capable d’exercer immédiatement la plénitude de ses fonctions, soucieux de l’intérêt général, impitoyable avec la corruption, ayant une vision claire, ambitieuse et une stratégie efficace, et dont l’autorité, en interne et en externe, est respectée.

Et la France a besoin d’une CDC au-dessus de tout soupçon, au service d’une politique économique dynamique, juste et ambitieuse.

Monsieur Pierre MENDES-FRANCE disait qu’il faut protéger les gouvernants de leurs propres faiblesses.

Je n’exclus pas que Monsieur JOUYET ait poussé le Président de la République à la faute en ne lui révélant pas tous les tenants et aboutissants, comme le souligne MEDIAPART dans sa publication du 28 juin 2012 (pièce 31).

Cependant, Monsieur le Président de la République s’est engagé à exiger des comptes sur l’affaire QUICK/GDF-SUEZ dans le courrier qu’il m’a adressé le 16 avril 2012. Je ne doute pas un seul instant du respect de cet engagement et je suis certain que Monsieur Emmanuel MACRON, secrétaire général adjoint de la Présidence, ancien de la Banque ROTHSCHILD à qui la CDC avait confié un mandat pour QUICK, et destinataire de mes correspondances, a pris grand soin d’informer Monsieur le Président de la République des véritables dessous de l’affaire QUICK, noms des souscripteurs, flux financiers, bénéficiaires, enrichissements personnels, financements politiques, etc.

Je ne veux pas croire que Monsieur le Président de la République couvre sciemment toute cette opération de corruption.

Je veux croire que nous sommes, seulement, devant une grande et grave faiblesse qui ne pourrait se produire dans aucun pays évolué et qu’il convient de corriger de toute urgence.

Monsieur le Vice-Président, Mesdames et Messieurs les Magistrats et Conseillers,

Pour toutes ces raisons qui vous apparaîtront impératives et qui ont commandé mon intervention, je sollicite l’annulation du Décret du 19 juillet 2012 portant nomination de Monsieur Jean-Pierre JOUYET, Inspecteur Général des Finances, au poste de Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations, signé par Monsieur le Président de la
République, Monsieur le Premier Ministre et Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances.

Paris, le 24 août 2012

Jean-Marie KUHN
Élisant domicile au Cabinet de Maître Thierry VALLAT, 50 avenue de la Grande Armée 75017 PARIS

Jean-Marie KUHN – Requête en annulation du Décret portant nomination de JP JOUYET à la CDC


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juillet 2014

    M.Lehire, je vous admire.J'avais besoin d'arguments et vous me les fournissez.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 septembre 2012

    Ici au Québec, Canada, la famille Desmarais à obtenu 27 milliards $ de la Caisse de Dépôts et de Placements du Québec, gracieuseté du Premier Ministre Me Jean Charest, sans droit et sans vergogne: soit 15 milliards $ pour La Presse de Power Corporation et de 12 milliards $ pour leur compagnie Totale en France, qui compend 3,400 stations d'essences; Allez sur Google et tapez: la petite histoire de la caisse de dépôts et de placements du Québec, faites sortir les 2 pages; Retournez sur Google et tapez: ameriquebec.net et faites sortir les 6 autres pages: les preuves accablantes à l'appui elles sont la; Le premier ministre Charest, depuis 2003 a payés 29,465 milliards $ pour BAILLONNER les médias ici au Québec, pour pas que les médias dénonces les 140 milliards $ plus précisément 139,948 milliards $ qu'il a DILAPIDÉS de la CDPQ, le bas de laine des 274,000 retraités-es du public et du para public: nous avons déposé une plainte a cet effet à la procureure en chef des poursuites criminelles et pénales, Me Nathalie Brissette, le 3 août 2012, nous attendons qu'elle remplisse ses devoir de charge de porter au criminel Me Jean Charest, pour avoir DILAPIDÉS 140 milliards $, sans droit et sans vergogne;
    Merci de m'avoir lu,
    Frank Audette-Siminski, fonctionnaire-retraité,
    7-5855 Henri-Bourassa Et,
    Montréal-Nord, Québec,
    H1G 2V1

  • Archives de Vigile Répondre

    14 septembre 2012

    Moi je vois Lucien Bouchard jouer le même rôle que Jean-Pierre Jouyet.
    Il est très prêt des politiciens,de la classe affaire et de Desmarais.
    Je suis convaincu qu'ils ont le même stratagème qu'en France.
    Vous devriez envoyer cet article à Pauline Marois.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2012

    La requête de Jean-Marie Kuhn démontre minucieusement et en détail l'approche que l'empire utilise pour arriver a ses fins.
    Le plus ironique est d'entendre Desmarais fils dire que l'influence qu'on leur accorde est grandement exagérer.
    Dans le même ordre d'idée l'empire Desmarais avec la complicité du fin renard Lucien Bouchard vient de lancer l'opération Léo Blouin.
    L'empire as toujours préparer et planifier en sous main et de de longue date ses stratégies d'approche pour évaluer le degré de maniabilité des politiciens .
    Et quoi de mieux que d'utiliser le manipulateur Lucien Bouchard dans une mise en scène et un scénario père-fils avec Léo Blouin pour tater le terrain dans une opération de reconnaissance qui vise deux buts .
    Permettre a un Lucien Bouchard durement écorner par son appui sans réserve aux gaz de shiste de se refaire une crédibilité aupres des québécois dans le scénario d'un père affable donnant des conseils a un représentant des jeunes et échangeant avec celui qui est perçu comme une étoile montante de la politique.
    En quelque mot ..une mission de reconnaissance en vue de placer ses pions en tatant le terrain pour évaluer la situation et faire rapport a Sagard
    Ensuite permettre au représentant de l'empire Desmarais de jauger de la capacité futur d'influencer ,de manipuler et et de corrompre au niveau des idées et des idéaux dans un premier temps un homme comme Léo Blouin et sur ce qu'il as perçu et constater comme faille sur sa personnalité et que l'empire pourrait exploiter a son profit.
    Le but de l'exercice du présentant de l'empire est de savoir qu'est ce que l'on peut faire comme chemin avec lui pour l'amener éventuellement dans le giron de l'empire et l'utiliser a nos fins.
    Le représentant de l'empire s'emploie a louer les qualités et le sens de la modération de Léo tout en accusant le parti québécois au sein duquel il évolue de se radicaliser.
    En fait cela ressemble a une offre subtile du représentant de l'empire a Léo Blouin qui se trouve sur la table.Laissez de coté ces radicaux ,la classe ,le parti québécois ,et vous aurez un bel avenir si vous décider de coopérer avec l'empire qui avec l'aide de ses médias et ses messagers comme Pratte vous épaulerons .
    La radicalisation pour Bouchard c'est s'opposer aux gaz de shiste ,s'opposer a la main mise de l'empire Desmarais sur certain de nos acquis issues de la révolution tranquille et surtout s'opposer au détournement de nos richesses naturelles vers les complices de Sagard .
    J'ai toujours trouver ironique de voir des fédéralistes comme Charest accuser et dénoncer Pauline Marois d'avoir détruit le système de santé et n'avoir que de bon mot et garder le silence sur Bouchard qui comme premier ministre est celui qui as donner l'ordre le faire.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2012

    Bonjour,
    Ce ne sont que des mafieux. Ils n'ont aucune morale, aucune classe. De "pauvres" morts-vivant se congratulant tout en entraînant la destruction.
    Sans me faire d'illusions, je lui souhaite l'annulation de ce décret et de gagner cette cause. Ceci dit, et d'ici là, il à intérêt à se protéger d'une fin malheureuse.
    J'espère aussi que votre article fera boule de neige.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 septembre 2012

    Encore merci M. Le Hir, cet "incident" est très éclairant à propos des requins qui menacent les intérêts de toute la population du Québec.
    J'en fait un résumé ici.
    http://allmediacom.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=439&action=edit&message=6&postpost=v2
    On ne peut s'empêcher de penser à Henri-Paul Rousseau, ex-patron de la Caisse de dépôts et de placement, et certainement lui aussi "obligé" de Desmarais.