Liberté, identité, égalité

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L'amateurisme diplomatique canadien

Depuis un an, Justin Trudeau a été accueilli comme une véritable vedette rock à la Maison-Blanche, il a déclenché des mouvements d'hystérie aux Philippines et il a fait sensation en Chine, mais c'est de la Wallonie, en principe un allié francophone du Canada, que lui vient sa première rebuffade sur la scène internationale.
En bloquant obstinément la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, la Wallonie veut envoyer le message - en Europe, au Canada, mais surtout aux géants américains et chinois - qu'elle est, économiquement, maître chez elle.
Toute proportion, démographique et politique, gardée, c'est comme si l'Île-du-Prince-Édouard avait fait capoter l'Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, il y a un peu plus de 20 ans.
Pour le Canada, pour le Québec et pour leurs dirigeants, Justin Trudeau en tête, c'est très contrariant. Très embêtant, aussi, parce que le premier ministre libéral fait des nouveaux traités de libre-échange la pierre angulaire de sa politique économique à l'international.
D'autres personnalités ont mis tout leur poids dans la balance, notamment Jean Charest et Pierre Marc Johnson, le premier reconnu comme un des instigateurs de l'accord, le second ayant mené les négociations pour le Québec.
La réaction, vendredi, de la ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, qui a ravalé péniblement ses larmes en quittant la table des négociations à Bruxelles, en disait long sur l'ampleur du camouflet infligé au Canada.
Déjà que cette sortie théâtrale n'a pas impressionné nos cousins wallons, le Canada s'est ridiculisé un peu plus en multipliant les ultimatums en fin de semaine. « C'est pas sérieux, a tranché hier le chef de gouvernement de Wallonie, Paul Magnette. Ce n'est pas compatible avec le processus démocratique. »
André Antoine, président du Parlement wallon, en a rajouté hier, sur Twitter, touchant cette fois la principale raison du refus : « Nous sommes confrontés à une marmelade de textes. Il nous faut du temps pour analyser leur cohérence. » On ne pourra pas l'accuser de ne pas avoir le sens de la formule.
Le système politique belge, et l'échafaudage fragile qui permet le maintien de son gouvernement, explique en partie l'impasse actuelle. Il n'aura suffi, en définitive, que d'une poignée d'élus opiniâtres réfractaires au traité de libre-échange pour stopper le train avant son arrivée en gare.
Voilà assurément un test pour la politique commerciale internationale du gouvernement Trudeau, mais encore davantage pour l'Union européenne, qui en avait déjà plein les bras avec le Brexit de l'Angleterre, autre bastion d'irréductibles.
De ce côté-ci de l'Atlantique, cela relativise le poids réel des provinces canadiennes, qui ne pourraient pas, à moins de faire front commun et de lancer toute une cabale contre le gouvernement fédéral, bloquer un tel traité. Une province n'aurait pas le pouvoir constitutionnel de réussir un tel coup de force.
On peut bien sûr (c'est le réflexe naturel) reprocher aux Wallons de se replier sur eux-mêmes, de tourner le dos aux grands ensembles économiques, mais leur réticence met en lumière le principal problème de ce genre de négociations : le manque de transparence.
À chaque négociation de nouveaux traités de libre-échange, des voix s'élèvent pour critiquer le processus et pour sonner l'alarme devant le poids des multinationales.
Ce que les Wallons disent, en gros, c'est que la protection de leur identité (économique dans ce cas-ci, mais aussi culturelle et politique) est menacée. Il y a des limites à la fraternité, semble-t-il, même avec l'ami canadien.
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