Mon cadeau de Noël à Sugar Sammy: une plainte à l’OQLF

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Une attitude combative qui se manifeste à point nommé

Mon cadeau de Noël à Sugar Sammy: une plainte auprès de l’Office de la langue française

François Côté, avocat
LL.B., LL.M., M. II, M.Sc.
Doctorant en droit – Université de Sherbrooke

La nouvelle a fait le tour des médias et des réseaux sociaux depuis vendredi dernier: une plainte contre Sugar Sammy a été déposée auprès de l’Office québécois de la langue française pour Noël, en réaction à sa violation caractérisée des dispositions de la Charte de la langue française concernant l’affichage publicitaire*.

Cette plainte, je l’ai déposée à titre de citoyen. Sugar Sammy (Samir Khullar, de son véritable nom) est allé trop loin en se moquant ainsi ouvertement d’une loi fondamentale pour l’identité québécoise en la violant intentionnellement pour atteindre un objectif mercantile. C’est une chose de tenir une opinion politique par le truchement de l’humour – mais c’en est une autre de ridiculiser constamment l’identité nationale, les lois et les institutions de la société québécoise avec acharnement, jusqu’à s’en prendre à son apparente incapacité à se défendre en enfreignant délibérément les lois édictées pour sa protection. Sans vouloir imputer une pareille intention à Sugar Sammy, nombreux sont les parallèles que l’on pourrait ici tracer avec le harcèlement et l’intimidation envers tout un segment de la population.

Que les choses soient claires: il n’a jamais été question d’interdire l’anglais, ni de renfermer le Québec sur lui-même comme le prétendent souvent certains détracteurs du nationalisme québécois. Au contraire, l’anglais sera toujours bienvenu au Québec dans la sphère privée; et la reconnaissance des privilèges linguistiques accordés à la minorité historique anglophone leur est un droit acquis. Il ne saurait être question de dicter aux citoyens quelle langue parler dans leurs foyers. En matière publique, la chose est différente. Le français constitue un des piliers de notre identité nationale distincte, de notre vivre-ensemble collectif et de notre tissu social. Il nous rassemble et nous unit en tant que peuple, fort d’une expérience historique et d’une direction commune, toutes allégeances politiques confondues. Or sans peuple, sans nation, il n’y a plus que des individus juxtaposés. Certains y verraient une apothéose de la liberté, mais en réalité de tels individus ne sont pas «libres»: ils sont seuls – et condamnés à l’effacement.

La banalisation de l’affichage public dans une autre langue que le français attaque ouvertement la pertinence même de cette identité nationale, renvoyant avec elle la préservation de la langue française dans les oubliettes de la dissolution tranquille. Ceci, tout particulièrement auprès de la jeunesse et des néo-Québécois qui mouleront leur intégration sociale aux modèles et messages qu’ils reçoivent dans la vie quotidienne. «Speak white» jadis, « Québec-bashing » aujourd’hui. C’est précisément pour contrer cette menace que la Charte de la langue française a été, jusqu’à aujourd’hui, défendue par des efforts soutenus de tous nos gouvernements depuis près de 40 ans et qu’elle conserve toute sa pertinence à l’heure actuelle.

Évidemment, Sugar Sammy s’attendait à cette plainte, et, de l’aveu même de l’agence publicitaire responsable de sa campagne (Sid Lee), c’était prévu. Pas même 24 heures après avoir été informé que des plaintes (car je ne suis pas le seul à s’en être plaint) eurent été déposées à l’OQLF, des rubans noirs censurant l’affiche avec le message modifié «Pour Noël, j’ai eu une plainte de l’Office de la langue française» sont venus capitaliser sur ce fait, rendant l’Office quasi impuissant à agir maintenant que la situation était «corrigée». La moquerie était planifiée, et elle est maintenant exécutée. Soit on viole la loi et personne n’agit, ce qui renforce le sentiment d’impunité face aux violations de la Charte de la langue française et l’impuissance du fait français à se défendre, soit quelqu’un agit, et on profite alors de cette plainte pour tourner publiquement la loi au ridicule.

Certains critiqueront le fait que cette plainte aura peut-être constitué la plus efficace des publicités pour Sugar Sammy. Par contre, au-delà de toute considération publicitaire, dont l’impact reste encore à démontrer, cet événement aura contribué à la mise en lumière d’un autre message: si l’identité québécoise est vulnérable, elle n’est certainement pas morte. Plusieurs se désolent du recul constant du fait français dans la métropole, mais, comme sous l’emprise d’une forme d’impuissance apprise, ils se résignent à ne pouvoir que le subir. En déposant cette plainte, j’envoie, moi aussi, un message à la société québécoise: notre nation, notre langue, nos lois, nos institutions, ainsi que le désir d’en assurer la protection et la pérennité, sont tout à fait légitimes. Il est temps d’arrêter de subir et de nous affirmer.

N’en déplaise à tous les Sugar Sammy, la devise du Québec est «Je me souviens» et non «Qu’ils reposent en paix».


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