Se disant convaincu que le premier ministre Stephen Harper n'a aucune volonté politique d'aller au-delà d'une reconnaissance sur papier de la nation québécoise, le chef bloquiste Gilles Duceppe a pressé hier le gouvernement conservateur de passer de la parole aux actes en appuyant les propositions concrètes formulées par sa formation en matière d'identité, de langue et de culture. Sans quoi, a-t-il affirmé, les Québécois devront reconnaître que ce n'était que de «l'hypocrisie destinée à les tromper».
Le Bloc québécois exige ainsi une modification au Code canadien du travail, pour que les Québécois travaillant pour le gouvernement fédéral, des entreprises de télécommunications ou des aéroports, soient soumis à la loi 101. «Au Québec, la loi 101 ne s'applique pas dans les entreprises sous juridiction fédérale, a rappelé M. Duceppe. Or, la langue de travail au Québec, c'est le français. L'Office de la langue française ne peut rien faire lorsqu'un travailleur oeuvrant sous juridiction fédérale porte plainte, puisque la loi québécoise ne s'applique pas.»
Son parti a d'ailleurs déjà proposé une modification au Code canadien du travail pour corriger la situation, sans succès. «Nous avons déjà déposé une motion en ce sens, et le Parti conservateur de Stephen Harper l'a rejetée», a souligné le chef bloquiste. Malgré ce refus, il a promis de revenir à la charge.
Les syndicats
Des représentants de quatre grandes centrales syndicales québécoises ont aussi pris part au point de presse tenu hier à Montréal. Elles souhaitaient ainsi signifier leur appui aux initiatives bloquistes. «Avec la pénurie de travailleurs et travailleuses qu'on est en train de vivre et qui s'en va en accélérant, on va devoir, au Québec, avoir recours à l'immigration pour combler les postes dans les années à venir, a d'ailleurs souligné le président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault. Le fil conducteur, la langue de travail, doit être le français si on veut continuer à survivre comme nation.»
Le Bloc a également déposé un projet de loi visant à doter le Québec d'un Conseil québécois de la radiodiffusion et des télécommunications. La province pourrait ainsi se doter de «sa propre réglementation en fonction des préoccupations et des intérêts de la nation québécoise», a expliqué M. Duceppe. Selon lui, il s'agit de faire en sorte que la culture, dans son ensemble, relève du Québec. Comme celle-ci est de plus en plus véhiculée par la télévision et la radio, il doit avoir la maîtrise de ces outils de communication. La chose est d'autant plus importante que, pour le moment, a-t-il soutenu, «dans les lois fédérales, la culture québécoise, ça n'existe pas».
Enfin, les bloquistes souhaitent que le Québec puisse se soustraire aux exigences de la Loi sur le multiculturalisme, affirmant qu'elle «fractionne la société en une multitude de solitudes». La Chambre des communes devra se prononcer à ce sujet le 18 juin. «Le modèle du multiculturalisme canadien est inadéquat pour le Québec, croit lui aussi le trésorier de la Confédération des syndicats nationaux, Pierre Patry. Outre la francisation des immigrants, il faudrait aussi développer des programmes de formation pour faire la promotion de la réalité interculturelle, qui permet d'adhérer aux valeurs communes dans le respect des différentes cultures. Ces valeurs sont, par exemple, l'égalité entre les hommes et les femmes et la promotion de la laïcité.»
Rappelant que la Chambre des communes a reconnu l'existence de la nation québécoise il y a déjà près d'un an et demi, M. Duceppe a de nouveau déploré que «les fondements de la nation québécoise demeurent trop souvent niés». Selon lui, Stephen Harper n'est toujours pas passé de la parole aux gestes parce qu'il «a peur d'une réaction du reste du Canada». «Je comprends difficilement, parce que [les demandes du Bloc] n'enlèvent rien au reste du Canada», a-t-il indiqué.
«Lorsqu'il a identifié le Québec comme une nation, Stephen Harper a reconnu que les problématiques auxquelles le Québec est confronté ne sont pas les mêmes que celles des provinces canadiennes. Or, pour faire face à ces défis, le Québec doit disposer des outils qui lui sont nécessaires, autant au plan de l'épanouissement de sa culture, de sa politique d'immigration ou encore de la protection de sa langue. Les conservateurs ont ainsi ouvert une porte, mais ils refusent d'en franchir le seuil», a ajouté la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Lina Bonamie.
«Nous avons nos propres façons de faire les choses au Québec parce que nous sommes confrontés à une situation unique. C'est pourquoi le Québec doit profiter d'une marge de manoeuvre qui lui est suffisante s'il veut relever les défis qui se poseront devant lui au cours des années à venir», a résumé Michel Arsenault.
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Avec La Presse canadienne
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