Non à la rue Amherst

Richler-Amherst : les indésirables


J’avoue que la longue missive de [Fabien Loszach (Le Devoir, 24 août 2009, A 7)->21334] sur le changement de nom de la rue Amherst me laisse songeur. Autant d’arguments pour en arriver à une banalisation de la commémoration et de l’histoire a de quoi surprendre et décevoir. Je n’en dirai pas plus en souhaitant que cette confusion des genres et des interprétations ne deviennent jamais une règle car voilà nous serions alors vraiment dans le tragique.
Pour avoir habité une partie de mon enfance sur la rue Wolfe à Montréal et à côté de la rue Amherst, j’ai longtemps cherché à comprendre pourquoi ces personnages devaient être signalés officiellement dans un quartier alors essentiellement francophone. Depuis, je ne me pose plus la question car je sais qu’en terme de commémoration il y a des choix qui se font et que c’est même nécessaire pour la formation d’une mémoire collective. Cependant dans ce cas-ci le choix était triste : celui d’un peuple qui favorise un hommage officiel à ses propres conquérants. Fallait-il s’y opposer ouvertement ? J’avoue n’avoir jamais songé à le faire depuis ce temps.
Pourtant dans un ouvrage à paraître prochainement intitulé Une chasse-galerie à Montréal , je me prononce clairement pour la disparition de l’appellation rue Amherst car je pense qu’il est temps de faire des choix à ce sujet. Des choix comme on en a fait en France avec le nom du Maréchal Pétain ou avec celui d’Hitler en Allemagne par exemple. Tous les peuples font de tels choix à certains moments de leur histoire et pourquoi pas nous? Pour garantir un accès au tragique? La mémoire est aussi un choix et il importe de le dire. Amherst ne serait pas un Pétain ou un Hitler? Le tragique se mesure mal. Nous savons que ce que Amherst a fait aux Amérindiens et aux Québécois est profondément méprisable alors pourquoi maintenir une commémoration aussi sinistre?
D’autres font des choix aussi : des lobbys juïfs ont demandé la disparition de la Station de métro Lionel-Groulx; le boulevard René-Lévesque ne se rend toujours pas jusqu’à Westmount. René Lévesque est un grand démocrate reconnu pourtant et pourquoi Westmount refuse-t-elle de le commémorer ? Par choix, tout simplement. Alors pourquoi eux et pas nous ? La Ville de Montréal peut choisir de refuser le nom d’Amherst pour une de ses rues et celui de Wolfe aussi et c’est un choix possible, ni mièvre, ni de quelque manière raciste. Cessons donc d’éluder l’histoire et de diluer la commémoration et donnons lui plutôt un sens. Notre population et nos jeunes (ceux qui demandent le plus la disparition de ce nom odieux de rue Amherst) se sentiront de ce fait plus impliqué et plus fiers de leur histoire. Et n’est-ce pas là le vrai rôle de la commémoration.
***
Serge Gauthier Ph.D.
Docteur en ethnologie historique

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Serge Gauthier9 articles

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Serge Gauthier, Ph.D.
_ Président de la Société d’histoire de Charlevoix

Serge Gauthier est historien et ethnologue. Il détient un Doctorat de
l’Université Laval et il a publié de nombreux livres et articles sur
l’histoire de Charlevoix et aussi du Québec.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2009

    Je ne considère pas qu'il y ait un ordre quelconque pour faire les choses. Je considère plutôt que la société québécoise est assez riche en ressources humaines et assez spécialisée pour travailler à la fois sur l'odonymie, l'affichage, la loi 101 et l'analphabétisme. L'alphabétisation est effectivement un défi que le Québec se doit de relever, mais cela n'empêche pas de travailler sur d'autres dossiers au même moment.
    Jonathan Godin

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2009

    wowo AM
    Les missionnaires ont, entre autres, appris et préservé les langues amérindiennes, on peut faire pire comme "génocide culturel". Les relations entre Français et Indiens n'ont pas été les mêmes qu'entre Anglais et Indiens. Donne rien de montrer ainsi ton ignorance.
    Ce que Amherst a fait n'est pas "culturel" mais simplement criminel.
    Et il l'a fait contre les alliés des Français qui continuaient de se battre au nom de leur alliance française.
    Et quelle est donc cette manie de névrosé de toujours vouloir excuser les fautes des Anglais et affirmant que c'était pareil pour les Français?
    C'est comme un ressort qui se détend dès qu'on touche au maître.

  • Jonathan Godin Répondre

    27 août 2009

    On pourrait lui donner le nom Avenue Pierre-Bourgault.
    1-Elle s'appelait autrefois rue St-Jean-Baptiste, ce serait donc un juste retour des choses que Pierre Bourgault comblerait de façon exemplaire.
    2-Elle traverse le quartier gai, orientation sexuelle assumée fièrement par Bourgault, un pionnier parmi les politiciens à ce sujet.
    3-Cela permettrait une intersection pleine de symbolique, soit celle du Boulevard René-Lévesque et de l'Avenue Pierre-Bourgault.
    4-Elle est située non loin du quartier où Bourgault a rendu l'âme, soit Le Plateau. D'ailleurs, on pourrait changer par le fait même l'Avenue du Parc-Lafontaine qui n'est que le prolongement de la rue Amherst et qui n'apporte rien de vraiment pertinent à l'odonymie montréalaise.
    5-Bourgault n'a qu'une seule rue qui rend hommage à sa mémoire, une rue perdue de Boisbriand dans un banal quartier de banlieue, rien de représentatif pour un tel homme. Bourgault mérite davantage.
    À quand les rues Gérald-Godin, Camille-Laurin, Hubert-Aquin...
    Quelques suggestions: Wolfe(Gérald-Godin), Sherbrooke(Camille-Laurin) et Ontario(Hubert-Aquin).
    Jonathan Godin