Option nationale et axe gauche-droite

Chronique de Pierre Gouin

Au cours des derniers mois plusieurs textes sur Vigile ont insisté sur la nécessité de créer une coalition indépendantiste dont le programme éviterait les prises de position clairement de gauche ou de droite, ce qui permettrait de réunir le maximum d’appui à l’objectif prioritaire, soit la création d’un État québécois. La logique de cette proposition se comprend aisément et il me semble qu’elle peut aussi s’appliquer à un nouveau parti qui se donne comme premier objectif l’indépendance du Québec. On peut donc se demander si le programme d’Option nationale peut être acceptable autant pour les indépendantistes de gauche que de droite, à tout le moins pour les modérés de ces deux tendances. Il faut en effet reconnaître qu’un parti qui vise la création d’un État du Québec est rejeté a priori par la droite néolibérale, ennemie de l’État. Le thème de la convergence d’intérêt entre les fédéralistes canadiens et les forces d’expansion du capitalisme antidémocratique a aussi été abordé régulièrement sur Vigile.
Une analyse sommaire du programme permet de conclure, d’abord, que l’extrême gauche comme l’extrême droite n’y trouvent pas leur compte, mais aussi que plusieurs qui se considèrent de centre droit auront de la difficulté à soutenir l’Option nationale. On ne discerne d’ailleurs, ni dans le programme ni dans le discours, une volonté de la part des dirigeants de respecter la neutralité idéologique dont il est question ici. Au-delà de la création même d’un État, il y a des fonctions d’un État québécois qui se devaient d’apparaître au programme d’Option nationale, telle l’affirmation du français comme seule langue officielle, avec toutes les mesures de protection jugées nécessaires, et le contrôle de l’exploitation des ressources naturelles en tant que propriété exclusive de la population québécoise.
En ce qui a trait à la fiscalité, on ne peut reprocher à l’Option nationale de se situer nettement à gauche dans ses orientations. Toutes les études démontrent qu’au Québec comme ailleurs les disparités se sont accrues entre les riches et les pauvres alors que l’impôt sur les revenus élevés était allégé, et on peut même penser que cette évolution menace la stabilité politique du monde industrialisé. On peut donc croire que des gens plutôt à droite acceptent qu’un retour du pendule soit devenu nécessaire. ON ne fait qu’annoncer un réexamen des paliers d’imposition.
Par contre, la proposition de gratuité scolaire à tous les niveaux, qui implique un plus grand financement de l’éducation supérieure par la taxation, pourrait rencontrer des objections de principe et éloigner une partie de la clientèle indépendantiste. Une option alternative serait d’annoncer, en plus d’un gel des frais de scolarité, que la marge de manœuvre dégagée par la récupération des impôts payés à Ottawa sera utilisée en priorité pour implanter la gratuité scolaire et pour assurer l’accessibilité pour tous à des services publics gratuits et de qualité. Cette formulation à l’avantage de ne pas impliquer des hausses d’impôt ou des déséquilibres budgétaires.
Cependant, je pense que ce qui risque davantage de coûter des appuis à Option nationale est le rôle primordial que le parti semble attribuer à l’État dans le développement économique durable. Viser, sous l’impulsion de l’État, à une indépendance énergétique totale constitue un projet très discutable. De même, est-il approprié que, dans le programme du parti, la construction d’un monorail interurbain apparaisse aussi fondamentale que la construction du pays? Ces positions spécifiques, et quelques autres, ne sont pas essentielles à une plateforme gagnante et elles vont attirer des critiques vigoureuses qui auront un impact très négatif dans la population.
Le point important est que le contrôle de tous les impôts payés par les québécois ainsi que de tous les leviers de décision permettraient au gouvernement du Québec de soutenir une stratégie de développement conforme à ses priorités et à son potentiel propre. Ce principe étant établi, les propositions concrètes envisagées pourraient être présentées de façon plus stratégique. Le premier élément du volet de développement économique pourrait être le renouvellement de la politique industrielle du Québec à la lumière des connaissances les plus récentes disponibles dans ce domaine. Les propositions plus concrètes pourraient alors être présentées comme des options à évaluer.
J’ai toujours été sceptique quant à la possibilité de succès électoral pour un parti ou une coalition indépendantiste qui s’abstiendrait de présenter un programme politique suffisamment élaboré. Cependant, je crois qu’Option nationale pourrait éliminer de son programme certains éléments qui ne correspondent pas à des valeurs fondamentales et qui risquent de lui coûter des appuis significatifs.


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9 commentaires

  • Pierre Gouin Répondre

    15 décembre 2011

    Encore une fois les commentaires sont aussi importants que l’article. Mes orientations politiques ne sont peut-être pas évidentes alors je vais les préciser. Je suis indépendantiste et si des élections avaient lieu maintenant j’appuierais l’Option nationale. L’idée d’une coalition indépendantiste est intéressante mais elle suppose que les partenaires potentiels oublient temporairement les priorités autres que l’indépendance. Il semble que cela n’arrivera pas. Je me définis de centre-gauche et sur certains points plus à gauche que le programme d’ON. Cependant je ne demanderais pas à ON de modifier son programme pour me satisfaire.
    On trouve dans les commentaires cette idée de prioriser l’indépendance, par exemple dans le commentaire de M. Savoie : «faisons d’abord l’indépendance en abolissant le système fédéral sur notre territoire et dans un deuxième temps, les citoyens choisiront le type et la nature du projet de société qu’ils voudront privilégier» mais on me répond ailleurs que tous les détails du programme d’ON sont essentiels.
    J’ai déjà parlé du développement économique mais cet élément du programme inclus un volet excessivement vert. La défense de l’environnement est une valeur fondamentale et tous les sondages vont démontrer que la majorité de la population partage cette valeur, jusqu’à ce qu’on touche à leur automobile. Vendre des mesures environnementales concrètes c’est peut-être aussi difficile que de vendre l’indépendance, ON s’apprête à doubler la tâche. Pourtant, c’est tellement facile de faire de l’environnement un sujet gagnant face aux positions irresponsables du Canada.
    Puisque la plateforme d’ON est toujours en développement, c’est le temps d’en débattre.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2011

    La base de votre analyse basée sur l’axe gauche-droite n’est pas appropriée dans l’optique d’une lutte pour l’indépendance d’un peuple. Il faut, en effet, prioritairement distinguer entre l’objectif politique et le programme politique. Toute la plateforme d’ON est basée prioritairement sur le rapatriement des ATTRIBUTS de l’indépendance d’un pays et sur un projet de pays de façon secondaire. La plupart des mesures contenues dans la plateforme de base sont inapplicables sans le L-I-T.
    Prenons, par exemple, la gratuité de l’éducation pour tous de la maternel à l’université. Cette mesure s’autofinance SI le Québec encadre étroitement le développement national de nos richesses naturelles. Le même raisonnement s’applique concernant le déploiement du réseau de monorail à grande vitesse sur l’ensemble du territoire. Ce projet ne représente aucuns sacrifices financiers dès lors qu’un Québec indépendant récupère les économies d’impôts sur le développement des avions de chasse, la construction des navires de guerre et marchands du Canada, la fin des subventions à l’exploitation des sables bitumineux, les économies d’intérêts sur le prêt sans intérêts du gouvernement canadien pour financer hydro Terre-Neuve, la fin des subventions du développement de l’industrie automobile ontarienne, les retombées commerciales de cette technologie à l’échelle internationale et les revenus de son exploitation. Les autres mesures du programme se financent par les économies de fonctionnement engendrées par la fin de CERTAINS dédoublements de programmes gouvernementaux. La création de la banque du Québec fera le reste pour financer les secteurs économiques de niche ainsi que la recherche et développement massif pour soutenir le développement de la haute technologie (le cerveau est la plus grande ressource renouvelable du Québec). Nous prévoyons que toute cette activité nouvelle provoquera une pénurie de main-d’œuvre qualifiée que nous comblerons par une immigration massive qui enrichira le Québec de 3/4 de % de PIB supplémentaire par année. Une immigration que nous intégrerons culturellement et linguistiquement avec un budget consistant.
    En conclusion, faisons d’abord l’indépendance en abolissant le système fédéral sur notre territoire et dans un deuxième temps, les citoyens choisiront le type et la nature du projet de société qu’ils voudront privilégier.

  • Antoine Dubé Répondre

    15 décembre 2011

    Entièrement d'accord avec vous M.Gouin.
    Belle réaction de M.Cloutier cette fois.Je l'appuie également sur cette voie.
    Je vois poindre enfin une lumière au bout du tunnel de Vigile.
    Il faut que cela continue.

  • Luc Bertrand Répondre

    15 décembre 2011

    Monsieur Gouin, ce qui prime d'abord c'est l'élimination de l'interférence d'Ottawa dans le paysage politique. Ce n'est qu'au lendemain d'un vote majoritaire de l'Assemblée nationale pour déclarer le Québec libre et souverain du Canada que l'État québécois disposera enfin, pour la première fois, de tous les moyens nécessaires à son développement et son émancipation, que ce soit du point de vue économique, social, culturel, démographique ou linguistique. Ce changement complet de régime constitutionnel impliquera nécessairement un réalignement des partis politiques, qu'ils le veuillent ou non, afin de s'ajuster à la nouvelle réalité politique et juridique.
    Je crois que le programme d'Option nationale, tout comme celui du Parti indépendantiste, est volontairement vague, sinon muet, sur des enjeux spécifiques tout simplement pour deux raisons: recueillir le plus d'appuis possible et laisser entendre qu'il est prématuré et imprudent de faire des promesses particulières étant donné qu'il est impossible d'anticiper les conditions économiques et sociales qui prévaudront une fois devenu indépendant. Ce serait mentir à la population de laisser entendre que la transition se fera rapidement et sans heurt à cause de notre situation géopolitique stratégique par rapport au reste du Canada. Cependant, plus l'appui à ON (ou au PI) sera considérable, plus le rapport de force de l'Assemblée nationale sera favorable face à Ottawa et plus rapidement se fera la reconnaissance internationale du nouveau statut du Québec.
    Il ne faut pas être surpris que le programme politique des deux partis indépendantistes (ON et PI) redonne plus de place à l'État dans le développement économique et la solidarité sociale, et cela s'imposera davantage après trois mandats libéraux qui ont littéralement sapé les forces vives de notre État. Il y aura une première phase de consolidation afin de redonner à l'État sa mission essentielle de redistribution de la richesse et d'aide de dernier recours, pour ne pas parler de déprogrammation nécessaire du message des organismes gouvernementaux après tant d'années de propagande canadianisante. Le mandat du premier gouvernement national du Québec ne manquera pas de défis et les attentes seront énormes.
    De plus, traditionnellement, le combat du Québec pour son indépendance et celui des travailleurs québécois pour leur émancipation face au pouvoir économique ont toujours été liés étroitement. Même aujourd'hui, ceux qui tirent avantage du système actuel sont davantage fédéralistes et conservateurs (dans le sens de "droite") que souverainistes et progressistes, cela va de soi. L'Oligarchie s'opposant à notre libération est toujours présente; la seule différence par rapport aux années 1960 est qu'elle est davantage francophone qu'anglophone. Ses appuis sont toujours les mêmes: les financiers de Bay Street et leurs machines à créer des politiciens pantins (Power Corp et autres).
    En plus de sa démission du combat pour réaliser l'indépendance, c'est d'ailleurs la rupture de la direction du Parti québécois avec sa base militante traditionnelle (indépendantistes, mouvements syndicaux et groupes communautaires) depuis 1996 qui est à l'origine de la désaffection des Québécois à son endroit, comme le démontrent les résultats électoraux absolus depuis 1994. Le PQ, depuis son virage à droite, a peut-être grugé une partie de l'électorat adéquiste (la majorité s'est tournée vers les libéraux avant la création récente de la CAQ), mais ces gains n'ont jamais compensé le départ de sa base traditionnelle.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2011

    Il ne s'agit pas de créer une coalition sur un programme de gouvernance provinciale mais sur une proposition commune d'accession à l'indépendance, chaque parti participant à la coalition gardant son programme de gouvernance propre qu'il soit de gauche, de droite ou centriste.
    J'ai proposé une solution simple qui pourrait recevoir l'adhésion des 4 partis (PQ, QS, ON et PI) soit la préparation et la présentation lors de l'élection d'un projet de loi transitoire sur la nation québécoise suivi d'une constituante citoyenne.
    Tous les 4 partis prônent une constituante citoyenne. Il s'agit donc de s'entendre sur un petit projet de loi transitoire de 10-15 articles qui contiendraient de grands consensus acceptables pour tous dont :
    - la nation
    - le territoire
    - la langue
    - la laicité
    - les institutions politiques minimales (exécutif, législatif et judiciaire)
    - les droits reliés à la citoyenneté
    - les droits des minorités (anglais, immigrants et autochtones)
    - la souveraineté monétaire
    La coalition se ferait sur la question nationale, pas sur l'axe gauche-droite.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2011

    M. Gouin,
    Votre analyse est très claire et je vous en félicite. Il faut cependant réaliser qu’il n’est absolument pas possible de plaire à tout le monde. L’éventail d’options gauche/droite est tellement variée qu’au départ, il ne faut pas se perdre dans les détails sinon nous n’en finirions jamais et nous ressemblerions ainsi au PQ qui n’a cessé de faire son lot de compromissions pour ratisser plus large son électorat. Vous voyez le résultat! Je suis persuadé que la débandade du BLOC vient surtout du fait que le PQ/Marois n’a jamais pu se brancher sur l’essentiel et cette manière de faire a déteint sur le BLOC et il serait extrêmement surprenant que ce PQ/Marois recueille suffisamment de votes aux prochaines élections pour survivre en tant que parti. Pour utiliser une expression populaire, le diable est dans les détails et, jusqu’à maintenant, les propositions de M. Aussant avec l’Option Nationale, sont aveuglantes de simplicité, fort compréhensibles pour la majorité de la population et font appel à l’intelligence plutôt qu’à la foi, contrairement à François Legault qui n’a à offrir qu’une table mise pour que tous les financiers et les banquiers puissent se servir, à buffet ouvert. Regardez d’ailleurs tous ceux qui sont derrière lui et qu’on n’ose pas trop montrer.
    Même si nous ne pouvons avoir maintenant tous les détails, je crois que l’Option Nationale est notre meilleure avenue et, comme je l’ai déjà exprimé dans un texte précédent, les jeunes, l’avenir du pays, voient enfin une fenêtre ouverte vers la lumière. Faisons leur confiance.
    Ivan Parent

  • François Ricard Répondre

    15 décembre 2011

    J'aime bien le LIT de l'ON.
    Lois-----Impôts----Traités
    Sous le I, j'aimerais aussi que l'on aborde l'immigration.
    Pour les deux premières années de son mandat, la Coalition pourrait réduire l'immigration d'au moins 50 %, et même décréter un moratoire complet, et demander à un panel d'experts ( démographes, économistes, travailleurs sociaux) de répondre à ces questions?
    Avons-nous besoin d'immigration?
    De quel type d'immigrants avons-nous besoin?
    Quelles sont les conditions requises pour une bonne intégration ?
    De combien d'immigrants avons-nous besoin?
    L'immigration est une corde sensible chez la majorité de nos concitoyens. Le PLQ ne veut l'aborder car il craint une réaction négative d'une partie de son électorat...qui ne sera jamais souverainiste à tout évènement.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2011

    Option Nationale n'a pas encore eu sont premier congrès alors bien des points de la plate-forme sont encore à discuté.
    Même si il est impossible d'être en accord à 100% avec un parti politique il est quand même possible de l'appuyer à moins bien sûre que les valeurs véhiculé par ce même parti soit incompatible avec vos propre valeurs.
    Concernant la Gratuité scolaire je comprend l'incompréhension du publique face à une tel mesure, puisque que en Amérique du nord cela n'existe pas.
    Avec la gratuité scolaire les "étudiants professionnel" n'auront plus leurs place dans nos institutions. Parce que Tous les cours deviennent contingenté, Examen d'entré obligatoire, et Obligation de résultats à tous les trimestres. Sinon ils perdrons le privilège de la gratuité. En gros les étudiant seront à 100% responsable de leurs éducation. Je crois que la droite aussi y trouvera son compte.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2011

    La pefection n'est pas de ce monde, monsieur, mais Option nationale est largement plus près de cette perfection que les Libéraux et les CAQ à Legault!!!