Un troisième candidat se désiste dans la course à la chefferie conservatrice. Le député Pierre Poilievre était prêt à lancer sa campagne, mais il a causé la surprise jeudi en annonçant plutôt qu’il renonçait à se porter candidat. Ce qui semble laisser la voie libre au couronnement de Peter MacKay.
L’équipe de Pierre Poilievre était rassemblée depuis des semaines. Il avait notamment recruté l’ancien ministre John Baird et l’organisatrice de longue date Jenni Byrne. Il venait de faire une tournée à Montréal pour y solliciter des appuis. Il s’apprêtait à confirmer sa candidature dimanche, à Ottawa, et la salle avait même été réservée. « C’est comme la mariée qui ne se présente pas le jour de ses noces », a illustré un conservateur.
Pierre Poilievre a précisé, sur les médias sociaux, avoir constaté, en sillonnant le pays ces dernières semaines, qu’il n’avait pas imaginé à quel point briguer la chefferie serait difficile pour sa vie familiale. « C’est encore plus difficile parce que je venais de passer les 18 mois précédents à faire campagne pour regagner mon siège à la récente élection fédérale, au cours de laquelle j’ai raté la majeure partie de la première année de vie de notre bébé. […] J’ai donc décidé de ne pas briguer la direction du parti cette fois », a-t-il déclaré, en précisant qu’il n’appuie aucun candidat « pour le moment ».
L’épouse du député de 40 ans, Anaida Poilievre, a ajouté sur Facebook que cette décision était « nécessaire » pour leur jeune famille, car le couple ne voulait pas que M. Poilievre « rate davantage » de la vie de sa fille.
L’aspirant chef a averti son équipe de campagne jeudi après-midi, à peine deux heures avant d’annoncer sa décision publiquement. Le sénateur Leo Housakos, qui lui prêtait main-forte au Québec, relate qu’il était « vraiment déchiré » depuis quelques jours vis-à-vis du « changement que ça allait avoir pour sa vie personnelle et sa famille ».
Mais les explications de M. Poilievre et de son équipe n’ont pas convaincu tous les conservateurs.
Scandale ou doutes ?
L’ancien bras droit de Stephen Harper, Kory Teneycke, s’explique mal la volte-face de Pierre Poilievre. « Quand quelque chose ne semble pas avoir de sens, c’est généralement parce qu’il nous manque une information essentielle », a-t-il observé, sans pour autant savoir ce qui pouvait se cacher derrière ce revirement. « De dire que notre coeur n’y est pas, c’est plutôt inhabituel, considérant l’état d’avancement de sa candidature. »
D’autres conservateurs soupçonnent un squelette dans le placard du candidat potentiel, qui était l’un des deux meneurs de la course.
« C’est la seule explication. Car c’était une course à deux, après la décision de Rona Ambrose et de Jean Charest de passer leur tour », note une de ces personnes suspicieuses.
Une autre source bien informée croit que M. Poilievre a peut-être constaté que la lutte ne serait pas si facilement gagnée. « Trop d’appuis » se rangeaient derrière Peter MacKay, selon cette personne.
« Pierre n’était pas capable d’aller en chercher dans le caucus. […] Il était en train de voir qu’il ne gagnerait pas. »
Le sénateur Housakos dément cette lecture, assurant que les appuis étaient « très forts » au caucus. La députée albertaine Michelle Rempel aidait M. Poilievre dans l’Ouest, selon nos informations.
Un troisième conservateur rapporte toutefois que plusieurs au Québec ont été « refroidis » lorsqu’ils ont constaté que ses propositions en matière d’environnement allaient ressembler énormément au programme de la dernière élection — que des élus avaient jugé insuffisant. Ce stratège prédisait, avant même que M. Poilievre ne jette l’éponge, que la « majorité » du caucus québécois se rangerait derrière M. MacKay plutôt que lui.
Notre source bien informée pense en outre que le désistement de Jean Charest peut avoir pesé lourdement dans la balance. Car M. Poilievre aurait pu profiter de la candidature de M. Charest pour se présenter comme un « vrai » conservateur contre ce « faux » qui était vu comme un libéral au sein du PCC.
« Le contraste avec Peter MacKay est moins facile. Il a été ministre sous Harper avec de gros dossiers. C’est dur de se dire le gardien de la marque conservatrice contre lui. »
Un couronnement… anglophone ?
De l’avis général, Peter MacKay se dirige maintenant vers un couronnement. « Au Québec, il va tout rafler », prédit un Québécois. Déjà, les députés Pierre Paul-Hus et Luc Berthold ont révélé jeudi qu’ils comptaient appuyer l’ancien ministre néo-écossais.
Le député Erin O’Toole se prépare aussi à se lancer dans la course. Mais trois des élus qui l’appuyaient lorsqu’il a brigué la chefferie en 2017 — et qu’il est arrivé troisième — appuient maintenant M. MacKay. L’élu québécois Joël Godin n’est pas sûr de l’appuyer de nouveau lui non plus cette fois-ci. « Parce qu’il y en a peut-être parmi les autres candidats qui peuvent être plus intéressants, qui rejoignent plus mes valeurs », a-t-il affirmé. « MacKay lui enlève tout l’oxygène », résume l’une de nos sources au sujet de M. O’Toole.
La grande question, chez les conservateurs québécois, demeure de connaître le niveau de maîtrise du français de Peter MacKay. Il se serait amélioré, selon ses partisans.
Le sénateur Housakos craint cependant d’être déçu. « Je vais être très inquiet si on n’a pas un chef bilingue. »
Les propos de Richard Décarie dénoncés
Le candidat québécois à la chefferie du Parti conservateur Richard Décarie s’est attiré les foudres de ses adversaires, après avoir déclaré en entrevue à CTV que le dénominatif LGBTQ est un « terme libéral » et qu’être homosexuel « est un choix ». « Être homosexuel n’est pas un choix et personne ne devrait se présenter aux élections en ayant une plateforme pour faire reculer des droits acquis durement gagnés », a réagi le candidat Peter MacKay. « Ce commentaire est ridicule », a renchéri Erin O’Toole, en insistant que le Parti conservateur « est ouvert à TOUS les Canadiens ». « Être gay n’est PAS un choix. Être ignorant l’est », a ajouté Pierre Poilievre — avant de se désister de la course. L’ancienne stratège Rachel Curran a dit souhaiter, sur les ondes de la CBC, que le candidat soit exclu de la course puisqu’il ne respecte pas la politique du parti, qui a modifié sa plateforme politique il y a quatre ans afin d’y reconnaître le mariage entre conjoints de même sexe. M. Décarie dit vouloir briguer la chefferie pour défendre les valeurs des conservateurs sociaux. « Si j’ai offensé quelqu’un, j’en suis très désolé », a-t-il affirmé en entrevue au Devoir. « Je maintiens ce que j’ai dit, parce que je le pense », a-t-il toutefois poursuivi. Richard Décarie a l’appui de l’ancien député pro-vie Brad Trost — qui est arrivé quatrième lors de la course de 2017 — qui dirige sa campagne, avec l’appui de membres de son équipe d’il y a deux ans.