M. Couillard semble avoir enfin pris la mesure de l’importance que les relations avec la France revêtent pour le Québec. Certes, pour la mission officielle qui commence lundi, il en fait beaucoup — trop, disent les oppositions — emmenant six ministres. Que vont-ils donc faire là-bas ? Rien de clair pour l’instant. Simple rattrapage ? « Surcompensation » ? Peut-être. Au moins, le gouvernement vient de prendre un virage essentiel.
Ce n’est sûrement pas ici que l’on dénoncera un premier ministre du Québec souhaitant soigner la relation avec la France. En ces pages, nous avons, depuis le retour du Parti libéral au pouvoir, condamné plusieurs idées et gestes visant à ratatiner la présence du Québec à l’étranger en général, et la relation avec la France en particulier : projet (abandonné, heureusement) de faire du ministère des Relations internationales un secrétariat ; projet (abandonné, heureusement) d’abolir le financement de l’Association des études québécoises ; triplement des droits de scolarité des étudiants français au premier cycle (malheureusement appliqué), etc.
Lors de la visite du président Hollande au Canada cet automne, M. Couillard avait laissé ce dernier défendre — de manière subtile — le nom du pont Champlain. « C’est une décision qui appartient au gouvernement fédéral », avait provincialement commenté le premier ministre à ses côtés. Puis, après le massacre de Charlie Hebdo, M. Couillard n’eut pas le réflexe de solidarité nécessaire pour se rendre à Paris marcher avec les Français meurtris. Quelques semaines plus tard, Denis Coderre sauva l’honneur et fut reçu dans la capitale française comme s’il était premier ministre du Québec !
Impossible de ne pas percevoir dans l’énorme mission en France commençant ce lundi une sorte de réplique de la part de M. Couillard. Une volonté de rattrapage, voire de « surcompensation », selon le savoureux qualificatif de l’ancien ministre des Relations internationales péquiste Jean-François Lisée.
Cette énorme délégation partie en pleine semaine de relâche a en effet suscité les critiques prévisibles de l’opposition, qui ne s’est pas privée de souligner qu’en « pleine période d’austérité, où l’on coupe partout, le gouvernement s’en va à Paris ! ». Pourquoi, en effet, s’y rendre presque aussi nombreux que lorsque Jean Lesage est allé y ouvrir la Délégation générale ? Et quels sont le programme et les objectifs des ministres ? Pour l’instant, cela reste obscur.
Devant ces critiques, Philippe Couillard s’est défendu de manière très malhabile lorsqu’il a souligné publiquement que le Québec était dans l’Hexagone « sur le bras » : « Les dépenses des ministres québécois qui vont à la visite alternée, hôtel et transport, sont prises en charge par la République française », a-t-il expliqué en Chambre, de manière très peu diplomatique. Sur ce point aussi, le gouvernement prêtait flanc à la critique outre-Atlantique, et Le Figaro ainsi que d’autres médias ne s’en sont pas privés non plus.
Au-delà de ces maladresses et déconvenues, soulignons tout de même que le gouvernement Couillard semble avoir redécouvert que le Québec avait des relations internationales et qu’il ne s’agit pas d’une tradition exclusivement péquiste. Et même qu’elle provient de gouvernements libéraux et qu’elle a été portée par les Lesage, Gérin-Lajoie, Pelletier et Charest, entre autres. Le président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, homme pourtant issu du sérail d’Ottawa ayant très peu de sensibilité nationale québécoise, a formulé en Chambre une défense éloquente de cette tradition : « Le Québec a des relations internationales, le Québec a des activités à l’international, et la relation avec la France est absolument fondamentale. »
On ne saurait si bien dire. Il reste maintenant au gouvernement à faire en sorte que cette imposante mission ait des résultats concrets et durables.
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