Simplement, être indépendantiste

Tribune libre 2009


Depuis un bon moment, les péquistes nous disent que les Québécois ne s'intéressent pas assez à l'indépendance pour qu'on la leur propose directement.
Il faut dire, objectivement, que ce n'est pas d'hier que ce parti cultive, à divers degrés selon les époques et les circonstances, un certain décalage entre son option centrale et sa mise en pratique. Ceci dit, je ne dis pas nécessairement que cela ait toujours été injustifiable.
Quoi qu'il en soit, le parti " souverainiste " perpétue aujourd'hui une propension, qu'on ne semble pas vouloir ré-évaluer à l'aulne du présent et en regard de quarante ans de parcours, à éviter de nommer les choses.
Ce vieux réflexe, induit par les adversaires de l'indépendance -- est-il dû, aussi, à certains doutes ou complexes ? -- , contribue à mon sens à faire du Québec l'un des rares endroits au monde, sinon l'unique, où l'indépendance est une chose suspecte. Cela est absurde, alors que partout ailleurs, elle est une valeur que l'on chérit, célèbre et vénère, en toutes circonstances.
( Notons au passage que Bernard Landry, qui, il faut bien le dire, est le seul représentant du PQ exprimant actuellement dans les médias une pensée indépendantiste consistante -- si d'autres le font, on ne les entend pas, ou peu --, utilisait déjà systématiquement les vocables " indépendance nationale " et " patrie " lorsqu'il était chef du PQ. )
En d'autres termes, à l'heure ou Montréal s'anglicise à la vitesse du son et où le Québec réapprend à se penser comme province canadienne, comprenant d'un côté les ex-canadiens-français, et, de l'autre, les canadiens-tout-court sur son territoire, le PQ ne serait-il pas lui-même en train de contribuer à la démobilisation qu'il déplore ?
Pourtant, il a déjà été élu avec une promesse de " référendum sur la souveraineté " même si celle-ci n'obtenait qu'environ 30% dans les sondages. C'était, par dessus le marché, il y a plus de trente ans !
Dans toutes les démocraties, les gens appuient souvent ceux en qui ils ont confiance, et/ou qu'ils aiment, en plaçant les idées au second rang des priorités, à moins que celles-ci ne soient dramatiquement hors-normes, ce qui n'est absolument pas le cas pour une option qui recueille maintenant, bon an mal an, 40 à 55% de faveur populaire.
Aussi, la confiance de l'électorat vient en bonne partie d'une impression d'intégrité, de compétence et de crédibilité.
En ce sens, le 20% de Québécois qui fait la différence entre les hauts et les bas de l'option ne demande pas qu'on essaie toutes sortes de combines, ou qu'on édulcore ses positions comme le PQ le fait tristement en ce moment.
Je postule plutôt que cette portion de la population adhèrera davantage à une proposition franche et directe, portée par des gens montrant qu'ils ont à coeur le bien commun.
À cet égard, il m'apparaît que ceux qui pensent qu'une majorité d'appuis indépendantistes soit inatteignable en ce moment, sous-estiment l'évolution des mentalités sur cette question depuis non seulement quarante ans, mais depuis 1995 aussi. Jean Charest a affirmé haut et fort que le Québec a parfaitement les moyens de son indépendance. Cela aurait été inimaginable il y a quelques années à peine. Même les fédéraux arrivent aujourd'hui à mettre les mots Québec et nation dans la même phrase. Cela ne peut pas être sans conséquences sur la perception qu'ont les Québécois d'eux-mêmes.
On sous-estime aussi l'évolution du Canada, ce pays qui, résolument, nous est de plus en plus étranger, et à court de porte-paroles crédibles au Québec depuis plusieurs années.
Et les sondages ? Ils sont ce qu'ils sont, mais ne rendent pas nécessairement compte de tout. Ce ne sont pas des analyses sociologiques profondes.
Bref, il faut une proposition indépendantiste directe, et aussi, simple. Un projet de constitution préalable, par exemple, ce sont des pages et des pages d'arguties potentielles, de divisions gauche-droite, d'opportunités de s'enfarger dans la quincaillerie, bref, de bonheur pour les adversaires de l'indépendance.
Je propose plutôt que l'on s'aligne résolument sur l'indépendance, sans la lier immuablement à d'autres concepts politiques, et qu'on la présente comme solution concrète. Ce qui n'empêche pas qu'on maximise l'usage de l'outil électoral, en disant, par exemple : Vous avez le choix entre le gouvernement libéral que vous connaissez, ou l'indépendance.
Les énergies du mouvement indépendantiste devraient aussi aller à créer un contexte fécond. Notamment, en se donnant au plus vite une stratégie pour défaire l'incontournable, et dramatiquement coûteux, déséquilibre médiatique sur la question nationale.
À mon sens, il n'est pas prioritaire d'être pro-constitution, pro-républicain, souverainiste-machin, pro-pays-de-projets ou pro-projet-de-pays. Ni de prôner de grandes révolutions dont la simple évocation fait trembler les tasses dans les assiettes, comme on le fait parfois aussi.
Simplement, être indépendantiste.



Nic Payne
Montréal


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3 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    12 septembre 2009

    Les indépendantistes des années 60-70 n’avaient pas prévu que la question nationale pourrait être annexée un jour par l’aile parlementaire d’un parti indépendantiste, pour son seul profit. Même en 2009, cela n’est que rarement évoqué.
    Le changement de paradigme, le fameux changement, celui concernant une constitution, ne serait que de peu d’utilité, en dernier. Mais l’avancement très politique d’une constitution d’état national, plutôt que provinciale, la proposition elle-même, de nature constitutionnelle, certes, mais SURTOUT politique, et par là contagieuse comme la grippe, par un gouvernement indépendantiste, serait suffisante pour baliser, susciter et centrer le combat indépendantiste du gouvernement lui-même, ce qui est bien différent que le combat d’un parti* ou pire, celui d’un « camp –parapluie du oui ».
    Politiquement, ce serait un gouvernement indépendantiste lui-même qui serait emporté dans un combat qu’il aurait seulement évoqué, s’il s’agissait du P.Q.
    Occupés, les constitutionnalistes, les tenants de la question habile à poser, les champions de l’atermoiement et les fondamentalistes du programme, la table serait mise afin de pouvoir parler des vraies affaires, qui ne sont justement pas strictement constitutionnelles, mais éminemment connexes. Par exemple, la citoyenneté, l’immigration : gros comme des éléphants, en 2009.Et plus gros encore en 2010, 2011,2012…
    Cela, les gouvernements étapistes n’ont jamais été en mesure de faire combat dans le passé, trop empêtrés qu’ils étaient dans la rectitude. Maintenant, le P.Q.se dépêche bien trop lentement !
    Évidemment, la proposition d’une constitution supposerait un gouvernement combatif, révolutionnaire même. Issu d’un parti déjà un tipeu combatif, disons. Cela suppose un gouvernement qui ne se laisserait pas distraire, ni à gauche, ni à droite. Un gouvernement en mission, dédié.
    Évidemment aussi, les partis adverses pourraient se déchaîner. Ce qui fait trembler d’avance les étapistes. Mais le ou les partis de l’indépendance pourraient eux aussi, enfin, se déchaîner*. Et gagner. Ottawa n’étant plus qu’un tigre de papier.
    Ce n’est pas tant d’un changement de paradigme que nous avons besoin—tout astucieux, utile et souhaitable, qu’il puisse être par ailleurs, cela est indéniable-- mais de simplement ajuster nos lunettes à 2009.Vous avez bien raison Nelson Payne.
    • quant à moi, jamais, jamais aucun gouvernement péquiste ne s’est battu pour l’indépendance, ni même la souveraineté. Aucun.
    • Le P.Q. fait aujourd’hui la même chose que ses gouvernements passés lorsqu’il évoque le pays. Même ton. Même détachement. Même annexion.
    • Les plus jeunes indépendantistes d’aujourd’hui ne peuvent pas savoir la fièvre qui a parcouru tout le Québec, du début des années 60 à 1980.Personne alors n’a jamais parlé d’indifférence…

  • Archives de Vigile Répondre

    11 septembre 2009

    Monsieur Payne,
    Je ne peux que m'incliner devant un tel appel à la simplicité et la limpidité. J'appuie votre proposition sans réserve. Car elle est la condition première à la réalisation des autres aspirations.

  • Michel Guay Répondre

    11 septembre 2009

    Oui les fédéralistes ont raison
    c'est très mal d'être maîtres chez soi ,
    d'être ouvert sur le monde
    de travailler dans sa langue
    de dépenser ses impôts soi même
    de refuser de massacrer avec notre armée la nation la plus pauvre du monde ,
    d,intégrer les immigrants en français
    de faire nos lois nous mêmes
    de vouloir travailler en français au Québec
    etc
    Oui non Merci les fédéralistes ont raison