Un secteur à reboiser

Industrie forestière en crise



C'est vraiment une petite révolution que propose Claude Béchard dans son livre vert sur la forêt. Ce n’est pas du changement pour du changement, comme le craint le Conseil de l’industrie forestière. La nécessité de revoir comment se partage, s’exploite, s’entretient et se protège la forêt québécoise est incontournable.


Le statu quo est impossible. Lorsque des usines ferment et que des milliers de travailleurs perdent leur emploi, lorsque des municipalités voient disparaître leur principal gagne-pain, lorsque la concurrence mondiale érode les parts de marché, lorsque la confiance de la population à l’égard des industriels et du gouvernement est minée, un coup de barre doit forcément être donné. La forêt peut encore apporter beaucoup aux Québécois, à condition de changer les façons de faire.
Évidemment, le livre vert ne fera pas ouvrir les usines demain matin. Il a comme objectif de poser des jalons pour l’avenir. La vigueur future du secteur, son apport à l’économie du Québec et la survie des régions en dépendent. La protection de la forêt aussi.
Le Québec en est là et tous les acteurs doivent manifester la maturité nécessaire pour élaborer ce que doit être la forêt de demain. L’exercice est des plus exigeants. Il serait exagéré de dire que le ministre Béchard procède à une coupe à blanc du régime forestier qui prévaut depuis 1986. Il suggère cependant d’en abattre de grands pans pour en ériger d’autres. Ce qui suscite évidemment de l’insécurité et de la méfiance.
Prenons les fameux contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF). Ils existent depuis 20 ans mais le ministre veut les abolir pour soumettre une partie du bois au prix du marché. On comprend l’inquiétude des industriels qui se demandent comment sera assuré l’approvisionnement et à quel coût. On comprend par ailleurs qu’un changement dans l’attribution du bois pourrait être dans l’intérêt d’autres entreprises qui aspirent à d’autres tâches que de fabriquer des 2X4 et de la pâte à papier.
Pour rassurer l’industrie, Claude Béchard s’est déjà engagé à mener des études d’impacts. C’est sage. Le secteur traverse une crise depuis plusieurs mois, voire des années. Le gouvernement ne doit pas ajouter à son incertitude. Il doit préciser rapidement aux entrepreneurs le nouveau cadre dans lequel ils devront évoluer.
L’idée de confier un plus grand rôle aux élus régionaux ne va pas non plus de soi. Théoriquement, on peut approuver une décentralisation et une prise en charge par le milieu. Mais est-ce que chaque région saura préserver son patrimoine forestier? Au nom d’une rentabilité économique à court terme, les élus risquent-ils de surexploiter leur territoire boisé, de privilégier les entreprises forestières au détriment de celles qui se consacrent au récréotouristique?
Les organismes régionaux ont-ils les moyens et l’expertise pour bien gérer la forêt? Cette question est incontournable. Même si Québec se montre rassurant, il faudra veiller à ce que les bonnes intentions se concrétisent sur le terrain. La qualité des travaux de sylviculture devra aussi être surveillée.
Le livre vert soulève également des interrogations sur le découpage du territoire en aires protégées, en zones d’aménagement «écosystémique» à vocations multiples et en zones de sylviculture intensive. L’étanchéité des zones est-elle garantie? Les zones de conservation sont-elles suffisantes?
Quatre ans après la commission Coulombe sur la gestion de la forêt québécoise et quelques mois après le Sommet sur l’avenir du secteur forestier, le gouvernement, les industriels, les élus locaux, les environnementalistes et les citoyens doivent faire un dernier effort pour trouver les réponses qui serviront le mieux l’intérêt commun.
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