De jeunes Afghans à l'école religieuse. (Photo AP)
Joël-Denis Bellavance - Plus de 150 écoles ont été incendiées. Au moins 20 professeurs ont été assassinés. La culture de l'opium a augmenté de 60% en un an. Une femme sur deux se dit encore victime de violence. Et il reste encore huit millions de mines enfouies dans le sol qui peuvent exploser à tout moment.
Depuis quelques mois, le gouvernement Harper tente par tous les moyens de mieux expliquer la mission des 2300 soldats canadiens en Afghanistan en soutenant notamment que des progrès importants ont été réalisés depuis l'arrivée des troupes. Le premier ministre est allé jusqu'à remanier son cabinet pour clarifier son message sur les tenants et aboutissants de cette mission.
Mais un document confidentiel préparé par les hauts fonctionnaires du gouvernement, obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, brosse un portrait sombre de la situation qui a cours dans ce pays ravagé par des années de guerre.
Ce document, intitulé Afghanistan - La bonne gouvernance, le développement démocratique et les droits de la personne, fait le bilan de la situation dans ce pays autrefois dirigé par les talibans, pour l'année 2006.
Et à la lumière des informations contenues dans ce rapport, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, et le nouveau ministre de la Défense, Peter MacKay, auront du pain sur la planche pour rallier une solide majorité de Canadiens derrière cette mission.
«L'Afghanistan est toujours confronté à des défis immenses sur les plans politique, économique, social et en matière de sécurité. Ces défis continuent de ralentir les progrès dans les domaines des droits de la personne, du développement démocratique et de la bonne gouvernance», peut-on lire d'emblée dans ce document.
Ce document a été remis à l'ancien ministre de la Défense, Gordon O'Connor, muté mardi au ministère du Revenu, et aux dirigeants de l'Agence canadienne de développement international.
Dans ce document, on soutient que 2006 s'est terminée sur une bonne note en dépit des échecs encaissés au cours de l'année. Le président afghan Hamid Karzaï a finalement présenté son plan d'action pour la paix, la réconciliation et la justice, trois nouveaux commissaires des droits de la personne ont été nommés et le gouvernement semble enfin vouloir s'attaquer à la corruption qui ronge le pays.
On souligne aussi le fait qu'un système de justice véritablement indépendant commence à voir le jour avec la nomination de juges à la Cour suprême. En outre, un comité indépendant a été créé pour conseiller le président au sujet des nominations importantes au sein de l'appareil gouvernemental.
Mais «la situation de la sécurité s'est détériorée, notamment dans le sud et l'est du pays, 2006 étant l'année la plus meurtrière depuis la chute des talibans. Les régions rurales de l'Afghanistan sont minées par les bandits, les seigneurs de la guerre, et les trafiquants de drogues. Les gens qui travaillent ou qui appuient le gouvernement sont de plus en plus la cible d'attaques, pas seulement dans le sud mais dans l'ensemble de l'Afghanistan. Des tentatives de meurtre, dont une a été réussie, ont été menées contre plusieurs gouverneurs», peut-on lire le document.
Parmi les autres constats, on note dans le document :
- les attaques contre le système d'éducation ont augmenté considérablement au point où il y a plus d'attaques dans la première moitié de 2006 que durant toute l'année 2005. Entre 150 et 198 écoles, selon les estimations, ont été brûlées dans tous les coins du pays par des groupes qui s'opposent à l'éducation des filles. Au moins 20 professeurs ont été assassinés. «Ces attaques ont des effets néfastes sur l'éducation des filles. En dépit de ces pressions, le bilan global du gouvernement en matière d'éducation, notamment en ce qui a trait à l'éducation des filles, s'est grandement amélioré par rapport à ce qui prévalait durant le règne des talibans». On estime que six millions d'enfants sont de retour sur les bancs d'école.
- Le système de justice demeure un projet en construction. L'égalité devant la loi est loin d'être une réalité. Ceux qui n'ont pas d'argent ou de pouvoir peuvent demeurer en prison pendant des mois, sinon des années, sans procès. Les femmes peuvent rarement faire valoir leurs droits devant les tribunaux. «La plupart des prisons sont surpeuplées et n'ont pas les services de bases. Elles ont besoin d'être rénovées de manière urgente pour répondre aux normes internationales. Certains locaux sont loués pour accueillir des prisonniers, mais ils ne sont pas adéquats.» Le Canada a envoyé des agents de la GRC et des agents correctionnels pour former des Afghans l'an dernier.
- Le commerce de la drogue demeure un fléau. La culture illégale du pavot a augmenté de près de 60% en 2006. Plus d'un million d'Afghans consomment de la drogue, dont 60 000 enfants de moins de 15 ans.
- La violence contre les femmes est encore répandue. Cinquante pour cent des femmes affirment avoir été battues. Les politiciennes, les militantes et les travailleuses sont souvent intimidées. «À Kandahar, la dirigeante du ministère de la Condition féminine a été assassinée en septembre alors qu'elle se rendait au travail. Une députée a reçu tellement de menaces de mort qu'elle a couché pendant un certain temps à un endroit différent chaque soir. Les autorités enquêtes rarement sur les plaintes des femmes.»
Un sombre portrait de l'Afghanistan
Un document des fonctionnaires fédéraux brosse un sombre portrait
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