La crise au Parti Québécois est beaucoup plus profonde qu’elle n’y parait. Malgré toute l’antipathie qu’on peut éprouver pour les méthodes autoritaires de Pauline Marois et de son entourage, le simple fait de changer de chef n’offrirait pas de solution durable au problème fondamental du parti: c’est l’idée-même d’indépendance qui est en crise et le PQ ne pourra survivre s’il ne se réapproprie pas le côté révolutionnaire du projet.
Comme le soulignait récemment l’historien Pascal Cyr, l’indépendance prônée par le Parti Québécois s’affiche de plus en plus comme étant une idée d’un autre temps; on n’a pas pris acte des profonds changements des dernières décennies et de la subordination croissante des États aux impératifs économiques d’organisations n’ayant aucun compte à rendre à la population. Pris dans la tourmente de la libéralisation des échanges économiques, et n’étant plus en mesure d’imposer adéquatement des multinationales menaçant de délocaliser leur production, les pays soi-disant indépendants ne le sont déjà plus réellement. On n’a qu’à observer de quelle façon le FMI tente d’imposer son plan d’austérité et de privatisations à une Grèce affaiblie… précisément par des années d’une même recette économique.
L’intellectuel français Alain Soral explique bien l’étendue du problème dans son dernier essai Comprendre l’empire dont le sous-titre « Demain la gouvernance globale ou la révolte des nations? » résume l’ampleur du problème. En clair, selon lui, le moteur de la politique des derniers siècles est la tentative de la Banque de s’émanciper du contrôle politique. Cette quête a notamment expliqué la Révolution française, de même que les nombreuses tentatives ratées cherchant à redonner le pouvoir économique à la collectivité (communisme, fascisme). Rejoignant Pascal Cyr, il explique d’ailleurs les conquêtes de la social-démocratie nationaliste du vingtième siècle comme constituant le lest jeté par la Banque face à la peur de voir les deux idéologies pré-citées se répandre au sein de la population. L’appétit financier des grands de ce monde a donc accepté une réduction de son appétit de peur de perdre toute son assiette; ce fut le printemps des peuples, ou la création de cette troisième voie représentée par le gaullisme français ou, d’une certaine manière, par la social-démocratie québécoise et la quête d’indépendance politique prônée par le Parti Québécois dès ses débuts.
Or, aujourd’hui, après la chute du Bloc communiste, l’indépendance politique ne veut plus rien dire parce que le pouvoir politique est tout à fait à genoux devant les intérêts économiques. La population – cette sagesse populaire – sent bien ce glissement puisqu’elle semble avoir perdu non seulement son respect pour les politiciens, mais également parce qu’elle ne se donne même plus la peine d’aller voter. On a compris que le pouvoir, s’il était largement à Québec en 1976, ne s’y trouve que très réduit en 2011. Du côté d’Ottawa, c’est à peine mieux: les accords économiques signés par le Canada rendent ce pays tout aussi aliéné que le Québec a pu l’être au cours des siècles.
Pourtant, on ne peut simplement affirmer que l’idée d’indépendance est dépassée, comme le fait Pascal Cyr, sans expliquer clairement par quoi. Dire que le Québec ne peut plus être indépendant parce que le politique s’est éclipsé devant l’économique est une chose. Faire face aux conséquences réelles de cette éclipse en est une autre. Ces conséquences sont pourtant tout à fait terribles: atomisation croissante de la société, recul du français, corruption, appauvrissement généralisé de la classe moyenne et des moins-nantis. Ces tares ne sont uniquement québécoises: c’est à l’échelle mondiale qu’on voit les inégalités sociales augmenter, les langues nationales perdre de leur influence et les intérêts privés prendre le pas sur les intérêts collectifs.
Un parti contre l’Empire
Le mot fait peur, mais osons l’écrire: nous faisons désormais partie de l’Empire. Un empire qui n’est plus britannique comme au 19e siècle, qui n’est plus étasunien comme au vingtième, qui n’est même pas canadien. Nous sommes à la botte d’un système économique ayant fait de nos politiciens des collaborateurs d’un ordre économique injuste privilégiant une minorité – au détriment du bien-être de la majorité – et transformant nos représentants en bouffons d’un jeu où toutes les décisions sont prises en-dehors de notre Assemblée nationale.
Le Parti Québécois, depuis 1976, a oscillé tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Parfois, on a pris le parti du peuple, parfois celui des banquiers. Depuis Lucien Bouchard, on a définitivement choisi la seconde option, et la création de Québec Solidaire a été le premier pieu que le parti s’est lui-même planté en son cœur.
L’indépendance, n’en déplaise à certains, constitue un projet révolutionnaire. C’était vrai en 1837, c’était vrai en 1976, et c’est encore vrai aujourd’hui. Les Patriotes se battaient contre le pouvoir colonial britannique, les indépendantistes des années soixante-dix luttaient contre l’oppression canadienne; aujourd’hui, le combat a évolué et c’est contre le mondialisme, le libre-échange et l’affaiblissement du pouvoir des nations qu’il faut reprendre la lutte.
Tout projet ne prenant pas acte de la perte de pouvoir des États et se contentant de réclamer un « pays sur la mappe » sans expliquer de quelle façon celui-ci permettrait de lutter contre l’hégémonie de la finance internationale est condamné à échouer.
À l’inverse, un parti comme celui que propose de créer François Legault ne ferait que lier encore davantage le Québec à ces mêmes intérêts.
La seule solution durable, à long terme, est celle consistant à réclamer non pas une indépendance de papier, mais une indépendance effective. Il faut développer un discours plus combatif, et cesser d’avoir peur de pointer les chaînes qui nous oppriment, à commencer par notre adhésion à l’OMC, au FMI et à l’ALÉNA. Tout parti réellement indépendantiste devrait cesser de jouer les prostitués d’un ordre économique rendant l’indépendance des peuples de plus en plus improbable et se réclamer d’une réelle solidarité nationale, prélude à une solidarité internationale de peuples vivant chacun chez eux, selon leurs us et coutumes, mais se respectant les uns les autres.
L’autre option porte un nom: démission. La démission non pas des politiciens qui ont quitté le Parti Québécois, mais celle d’un peuple qui, usé par des décennies de verbiage sur une indépendance imaginée, risque de choisir des chaînes qui ont au moins le mérite de s’assumer.
Révolution, contre-révolution.
Nous en sommes là.
Ou le Parti Québécois s’assume pleinement et devient le fer de lance d’un nouveau mouvement anti-mondialisme de reconquête de l’économique par le politique, ou bien il disparaît.
C’est sa dernière chance.
Une dernière chance de survie pour le PQ
Ou le Parti Québécois s’assume pleinement et devient le fer de lance d’un nouveau mouvement anti-mondialisme de reconquête de l’économique par le politique, ou bien il disparaît.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé