Lors de sa fondation, en 1994, l'ADQ avait soulevé un tollé en proposant de faire signer aux immigrants un «contrat social» qui les aurait engagé à «s'établir, vivre et prospérer en français au Québec».
À défaut de respecter les termes de son contrat pendant une période d'au moins cinq ans, par exemple en déménageant en Ontario, le signataire aurait dû rembourser à l'État les sommes investies dans son intégration, soit en argent, soit en travaux communautaires.
Qui aurait cru que, 13 ans plus tard, le PQ reprendrait cette idée saugrenue de contrat? Soit, celui qui ne ferait pas l'effort d'apprendre le français ou qui n'y parviendrait pas n'aurait pas à rembourser les coûts de cette tentative d'intégration avortée.
En revanche, il n'aurait pas droit à sa citoyenneté québécoise et aux droits qui s'y rattachent, notamment celui de l'éligibilité à une fonction de représentation et celui de contribuer à la caisse d'un parti politique.
Bien entendu, tous ceux qui seraient déjà citoyens canadiens et domiciliés au Québec au moment où la citoyenneté québécoise serait instituée ne seraient pas soumis aux mêmes exigences.
Autrement dit, il y aurait deux catégories de citoyens selon leur date d'arrivée au Québec. Ainsi, un Anglo-Québécois de souche unilingue pourrait être élu maire de Westmount, mais pas son frère qui arriverait de Toronto. En pratique, le problème se poserait sans doute assez rarement, mais il se trouverait sûrement un Brent Tyler pour mettre en doute la légalité de ce traitement discriminatoire.
Il faut surtout appréhender les conséquences politiques du projet de loi sur l'identité québécoise que Pauline Marois a présenté jeudi. L'idée d'une citoyenneté québécoise n'est pas mauvaise en soi, mais cette approche soviétique risque d'envoyer un message très négatif aux communautés culturelles que le camp souverainiste cherche à amadouer depuis des années.
Même si les Québécois de longue date n'auront pas à prêter serment de loyauté envers le peuple du Québec, il est également probable que bon nombre de fédéralistes y verront une nouvelle «astuce» du PQ pour relancer le projet souverainiste. Les «bons» Canadiens qui refuseraient la citoyenneté québécoise seraient-ils pénalisés?
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Depuis son retour en politique, Pauline Marois a eu raison de vouloir ramener son parti à ce qui constitue la raison profonde de la souveraineté. Il fallait en finir avec cette culpabilité collective et réhabiliter le «nous».
L'obsession de l'ADQ ne devrait cependant pas faire perdre le sens des perspectives. Il est vrai que le PQ s'était fait doubler sur le terrain de l'identité, mais le projet souverainiste ne peut pas faire l'économie de l'inclusion.
Il est vrai qu'aux prochaines élections, les maigres appuis que le PQ peut espérer recueillir au sein des communautés culturelles ne lui donneront pas un seul comté. Maintenant qu'il n'y a plus de référendum en vue, c'est comme s'il leur tournait le dos pour tenter de récupérer les votes «pure laine» perdus aux mains de l'ADQ.
Au printemps dernier, la plateforme adéquiste proposait aussi d'instituer une citoyenneté québécoise et de favoriser une meilleure intégration des immigrants, mais Mario Dumont n'a plus jamais reparlé de son fameux «contrat social» de 1994.
À l'époque, cette idée lui avait été inspirée par un curieux personnage nommé Moncef Guitouni, un psychologue d'origine tunisienne qui était devenu une sorte de gourou à l'ADQ. Avec le temps, M. Dumont a cependant appris à se méfier des gourous. Après la cruelle défaite de 2003, il a compris qu'il était préférable de se fier à son propre instinct.
Le danger qui guette Pauline Marois est de tomber à son tour sous l'influence de conseillers qui peuvent être des gens très brillants mais qui n'ont pas nécessairement un très grand sens politique. Ils semblent particulièrement nombreux, ces temps-ci, à vouloir lui indiquer la voie à suivre.
Le problème, c'est que, contrairement au chef de l'ADQ, Mme Marois elle-même n'a pas toujours un instinct très sûr. Elle devrait se méfier d'autant plus de ceux qui chercheraient à en profiter.
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Tout le monde s'entend sur la nécessité de mieux intégrer les immigrants, même si l'adoption de la Charte de la langue française a fait faire au Québec des pas de géant que ceux qui n'ont pas connu la situation antérieure à 1977 ont parfois du mal à mesurer.
À l'époque, tous ces «enfants de la loi 101» issus des écoles pluriethniques de Montréal auraient automatiquement été grossir les rangs de la communauté anglophone. Peut-être faudra-t-il un jour étendre au niveau collégial les dispositions qui régissent l'accès à l'école primaire et secondaire anglaise, mais le progrès est indéniable.
Camille Laurin disait toujours que la souveraineté serait le meilleur amendement à la loi 101. Il est évident que l'appartenance à un pays officiellement bilingue mais très majoritairement anglophone limite l'attrait du français. Le poids d'un État souverain et massivement francophone le décuplerait.
Maintenant que la tenue du référendum a été reportée sine die, un gouvernement péquiste devra se résoudre à prendre les mesures pour assurer la pérennité du français dans le cadre constitutionnel actuel.
Les témoignages devant la commission Bouchard-Taylor ont été unanimes: après l'école, c'est le milieu de travail qui détermine le degré d'intégration des nouveaux arrivants à la majorité francophone.
Le PQ propose d'étendre aux petites entreprises de 25 employés et plus le processus de francisation et de se montrer plus sévère pour les entreprises de 50 employés qui, 30 ans après l'adoption de la loi 101, n'ont toujours pas obtenu leur certificat. Voilà une bonne idée. Il y aura peut-être un coût, mais la préservation de l'identité québécoise n'a pas de prix.
mdavid@ledevoir.com
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