Une nouvelle phase du combat

Chronique d'André Savard

Comme le congrès du Parti Québécois se prépare, il y a ébullition. Les pistes à suivre abondent, rien encore de prédéterminé, beaucoup d’indications en pointillé. L’ébullition vient du fait que de nombreuses offensives du Fédéral, que l’on peut croire dispersées et sans plan réfléchi, au cours des années, s’avèrent d’une efficacité dangereuse.
Avant on se faisait dire que l’on vivait dans une fédération. On se fait de plus en plus dire que l’on vit dans un pays libre d’appliquer ses principes dans toutes les régions. On passe dans une phase où le Québec n’existera plus que comme une application régionale du pays auquel il appartient.
Le premier caractère de ce qui s’est passé depuis une quinzaine d’années, c’est que les menées du pouvoir canadien ne se situent plus dans la lutte entre ce qu’on avait coutume d’appeler deux visions légitimes du pays. Aujourd’hui, le Fédéral ne défend qu’une vision unitaire et nie à la législature provinciale du Québec toute légitimité autre que celle de la représentation régionale. Jean Charest a l’habitude de dire que ce n’est pas grave parce que des ententes permettraient des mesures localement utilisables, en dépit de la divergence sur les principes généraux.
Sous prétexte de passer à autre chose, on se fait répéter: plus de lutte mais la vie, plus d’idéologie mais le réel. Et au nom du réel ou de la vie économique, les deux sont synonymes dans le nouveau discours, on fait la promotion d’une commission des valeurs mobilières unique. La lutte contre le pouvoir québécois se fait au nom de cohérences fonctionnelles ou de systématisation formelle au sein du schéma gouvernemental canadien. Il n’est jamais dit que cela correspond à la rationalité du combat d’une nation contre une autre et pourtant, cela est. Les Québécois en sont vraiment au point où ils ne peuvent vraiment pas attendre de faire l’indépendance pour se défendre.
Le [journal Le Québécois a publié son programme de gouvernance indépendantiste->35948] et l’a mis sur son site. Parmi les engagements que le journal incite les militants à adopter, on trouve celui-ci:

“Adopter une constitution qui sera destinée à servir de base pour l’adoption d’une constitution d’un Québec libre. Le Québec libre sera républicain et rompra bien évidemment tous ses liens avec la monarchie britannique.”

Le journal Le Québécois préconise aussi une citoyenneté québécoise “accordée de facto à toutes personnes habitant sur le territoire québécois et détenant la citoyenneté canadienne.” Ce serait en un premier temps. Le journal Le Québécois suggère l’élaboration de règles d’accès dont un test de français.
La réflexion du journal s’inscrit dans une mouvance. Citoyenneté québécoise, constitution, le but est d’affirmer l’État québécois comme un agent de plein droit libre de déterminer le système de pouvoir auquel il appartient.
Avant, on croyait que des sous-entendus impliqués par “l’idée fédérale” protégeait le gouvernement québécois à titre d’entité représentative de la nation québécoise.
On se souvient des témoignages de Léon Dion, le constitutionnaliste qui assurait qu’une niche implicite, extra-provinciale, avait été aménagée pour le Québec. Les spécificités du droit québécois en étaient un exemple.
Au lendemain du dernier référendum, pour se dissocier de toute promesse de fédéralisme renouvelé, les activistes canadiens ont de plus en plus affirmé qu’il n’y avait pas d’entre-deux: ou on appartenait au système canadien ou on est dans un Québec indépendant. Les activistes canadiens voulaient ainsi clairement stipuler que le Canada n’était pas un pays en voie d’accomplir une idée fédérale dont les tenants et aboutissants restaient à inventer notamment par une entité qui serait la nation québécoise. Le Canada était d’abord un pays uni dont le gouvernement fédéral est le représentant ultime de tous les citoyens.
Les indépendantistes disaient souvent qu’il fallait comprendre le “fédéralisme renouvelé” à partie de ce qui l’avait incité et motivé, soit la guerre contre le mouvement indépendantiste. Pour eux, l’État canadien, de type néocolonial, empruntait peut-être des méthodes à l’organisation fédérale mais sa visée assimilatrice et unitaire constituait une objection de fait à l’idée fédérale dont le Canada se réclamait.
Pourtant, autant les indépendantistes que les fédéralistes au Québec ont semblé croire que l’idée fédérale constituait une sorte de garde-fou en attendant l’indépendance. Quand on voulait caractériser la morale fédérale versus la morale unitaire, on parlait tellement de liberté des partenaires et des État fédérés comme des entités légitimes en soi. C’est ce schéma historique que la loi dite de la clarté a contribué à faire voler en éclat.
À présent, si nous voulons conserver la liberté de choisir et de définir l’État québécois, on doit tout de suite, par une Constitution, une citoyenneté, marquer la distance de l’État québécois par rapport à la forme d’hégémonie à l’intérieur de laquelle le Québec essaie de fonctionner.
Le Québec n’a pas le choix, s’il veut défendre son droit d’agir par lui-même, d’emprunter la voie d’une vérité légale autonome. Il doit se pourvoir d’une expertise juridique en vue d’une production théorique du bienfondé du pouvoir de l’État québécois. Et ce, avant même l’indépendance.
Il doit ce faire nonobstant même le fait qu’il choisisse ou non l’indépendance un jour. Ce n’est pas que le projet indépendantiste qui est mis en cause par le Canada unitaire. C’est le principe de la liberté de contrat pour la nation québécoise.
André Savard


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2011

    Il est grand temps de changer l'épithète que l'on colle aux opposants de l'indépendance. Nous n'avons plus affaire à des fédéralistes mais bien à des unionistes. Un fédéraliste souhaite justement créer et entretenir la pluralité des constituantes de l'état fédéral, l'unioniste veut éradiquer cette différence, uniformiser la fédération. Il y a belle lurette qu'on n'évoque plus sérieusement de réforme de la fédération et qu'aucun fédéraliste n'en propose.
    Bien entendu on rejètera l'étiquette, mais je ne vois pas pourquoi elle collerait moins que celle de "séparatiste".

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2011

    Vous écrivez : «Les pistes à suivre abondent, rien encore de prédéterminé»
    J'ai confiance et je fais confiance à Mme Marois et au PQ pour qu'ils prennent ensemble la meilleure piste, considérant toutes les contraintes, selon l'évolution de la situation, du sujet.
    J’en profite pour suggérer aux souverainistes intéressés et positifs de s’inscrire, comme observateurs, s’ils ne sont pas déjà délégués, au congrès du PQ qui se tiendra au Palais des congrès de Montréal, la fin de semaine du 16 et 17 avril prochain. Ça ne coûte que 40 $ plus 5 $ pour la carte de membre, pour ceux qui ne sont pas encore membre du PQ. Le 40 $ est sujet au crédit d’impôt provincial de 85 % annuellement sur le premier 100 $ total aux partis politiques provinciaux et représente un autre bon moyen de financer ce parti, pour celles et ceux qui n’ont pas encore perdu la foi constitutionnelle.