Une session en anglais au cégep français

L’idée d’offrir une session facultative en anglais dans les cégeps français paraît, dans cette optique, une idée de trop.

Chronique de Charles Castonguay


Jean-François Lisée a proposé en 2007 d’unifier tous les cégeps dans un seul réseau bilingue où l’enseignement serait donné à raison de trois sessions en français et une en anglais. Plus récemment, il a proposé comme variante d’unifier les cégeps dans un seul réseau où l’enseignement serait donné en français mais avec une session facultative offerte en anglais.
Sans doute par souci de cohérence avec la Charte de la langue française qui assure à la minorité anglo-québécoise un réseau distinct d’écoles anglaises, la Proposition principale en vue du congrès du Parti québécois n’a pas retenu l’idée de fusionner les cégeps français et anglais en un seul réseau.
Elle propose plutôt d’étendre la loi 101 aux études collégiales. Cependant, dans sa section sur l’éducation, elle met aussi de l’avant l’idée de faire en sorte que les cégeps français offrent une session facultative d’enseignement en anglais et, vice-versa, que les cégeps anglais offrent une session facultative en français.
Lisée s’en est félicité. Mais avant le congrès de mi-avril, il est important d’estimer quelle serait l’incidence d’un pareil mélange d’idées sur la place du français et de l’anglais dans l’enseignement collégial.
Présentement, 18 % des cégépiens s’inscrivent au cégep anglais et 82 %, au cégep français. Selon l’étude Curzi sur la question, si Lucien Bouchard avait donné son feu vert à la loi 101 au cégep, ces parts seraient aujourd’hui de 12 % pour l’anglais et de 88 % pour le français. Répartition semblable à celle qu’assure actuellement la loi 101 à l’école secondaire.
Cependant, plus il y aurait d’étudiants au cégep français qui choisiraient de suivre une session en anglais, plus la place de l’anglais dans l’enseignement collégial dépasserait ce 12 %.
Au maximum, tous les étudiants qui s’inscrivent au cégep français pourraient opter pour cette session facultative en anglais. Cela équivaudrait à environ un cinquième de l’enseignement qu’ils recevraient dans les cégeps français (une session sur quatre au pré-universitaire, une sur six en formation technique, d’où, grosso modo, une session sur cinq en moyenne). Un cinquième de 88 % égale 18 %. Ajouté au 12 % donné par les cégeps anglais, cela ferait 30 % comme part de l’anglais dans l’enseignement reçu au collégial. Et seulement 70 % pour le français.
Si seulement la moitié des étudiants qui s’inscrivent au cégep français voulaient la session en anglais, l’apport à l’enseignement en anglais équivaudrait à la moitié du 18 % ci-dessus, donc à 9 %. Au total, l’anglais occuperait 21 % (9 % plus 12 %) de la place dans l’enseignement collégial, laissant 79 % au français.
Si seulement le tiers de ceux qui s’inscrivent au cégep français voulaient la session en anglais, l’apport à l’enseignement reçu en anglais équivaudrait au tiers de 18 %, c’est-à-dire à 6 %. Au total, l’anglais occuperait 18 % (6 % plus 12 %) de l’enseignement reçu au collégial, laissant 82 % au français, soit une répartition identique à celle qui prévaut à l’heure actuelle, avec le libre choix.
Et ainsi de suite. Il faut bien s’attendre à ce que, au minimum, tous les étudiants que l’extension de la loi 101 au cégep aurait empêchés de s’inscrire au cégep anglais demandent de suivre la session facultative en anglais.
En somme, la place de l’anglais se situerait en quelque part au-dessus de 12 %. Soit une place plus ou moins démesurée selon la fraction d’étudiants au cégep français qui opteraient pour la session en anglais.
Cette estimation ne vaut que pour l’ensemble du Québec. Il pourrait y avoir d’importantes variations régionales. À Montréal, notamment, la demande pour une session en anglais pourrait bien excéder la demande ailleurs.
Notons aussi que cette estimation ne tient pas compte de la session facultative en français que pourraient donner les cégeps anglais. La raison en est simple. L’enseignement donné dans les cégeps anglais serait dispensé pour l’essentiel à des étudiants qui ont fait leurs études secondaires à l’école anglaise.
Et, sous le régime actuel de libre choix, ceux-ci ne manifestent à peu près aucun intérêt pour suivre un enseignement collégial en français. La place additionnelle de l’anglais dans l’enseignement collégial serait donc déterminée à peu près exclusivement par la fraction d’étudiants au cégep français qui opteraient pour la session en anglais.
L’extension de la loi 101 au cégep assurerait au réseau de cégeps anglais quelque 12 % de la clientèle collégiale. Cela n’accorde-t-il pas déjà une place assez grande à l’anglais au collégial, compte tenu du fait que les étudiants de langue maternelle anglaise ne représentent que de 8 à 9 % du total des cégépiens?
L’idée d’offrir une session facultative en anglais dans les cégeps français paraît, dans cette optique, une idée de trop.


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