Vivre ensemble

Quand la "nuance" de la pensée dissimule l'indécision et excuse l'inaction



Le débat sur les accommodements raisonnables a notamment eu ceci de valable jusqu'à présent qu'il a amené les Québécois à réfléchir davantage sur les conditions du «vivre-ensemble», du «vouloir-vivre collectif».
Les valeurs communes des Québécois constituent le noyau de cette réflexion. Elles touchent au coeur même de l'identité du Québec et se composent de principes qui font consensus dans la nation québécoise, tels que la primauté de la langue française, l'égalité entre les hommes et les femmes, la séparation de la religion et de l'État, la paix, la justice, la démocratie, le respect des droits et libertés de la personne.
L'identité, la culture et le mode de vie uniques du Québec ont résulté de l'enracinement, sur son territoire, d'un peuple majoritairement de langue et de culture françaises, de la coexistence de ce peuple avec les premiers habitants, les autochtones, de la présence vigoureuse d'une minorité anglophone, de la venue de gens de tous les coins de la planète et des liens qui se sont tissés au fil des ans entre toutes ces composantes.
Affirmant son identité primordialement française, mais néanmoins plurielle, le Québec reconnaît l'apport de ses citoyens de toute origine à son développement. C'est d'ailleurs à la lumière de cela que l'interculturalisme prend tout son sens. En effet, ce concept postule la saine intégration de chacun à une entité marquée par la langue française et la culture d'expression française, sans toutefois que les autres cultures aient à se fondre dans un même moule. L'interculturalisme favorise les échanges culturels et la cohabitation harmonieuse des groupes et collectivités minoritaires, tout en assurant l'épanouissement de la langue et de la culture de la majorité.
Cette forme de pluralisme culturel est, bien entendu, compatible avec le pluralisme religieux. Au Québec, par exemple, aucune religion ne possède de statut officiel ni ne jouit d'une reconnaissance spéciale. L'État doit les traiter toutes sur le même pied, sous réserve toutefois de son devoir de préserver le patrimoine religieux et de souligner la contribution historique, voire actuelle, des religions à l'édification de la société québécoise. Ainsi, le gouvernement du Québec actuel promeut une laïcité ouverte, c'est-à-dire qu'il reconnaît d'emblée la participation positive des religions à la construction de la société, tout en prenant bien soin de ne pas établir de hiérarchie entre elles.
La proposition de Pauline Marois d'inscrire le principe de la laïcité dans la Charte des droits et libertés de la personne, sans autres nuances ni mises en contexte, a ceci de pernicieux qu'elle laisse entièrement entre les mains des tribunaux la définition de la laïcité et encourage, de ce fait, une certaine déresponsabilisation de l'État à cet égard. Les tribunaux eux-mêmes pourraient être tentés de retenir une conception beaucoup plus fermée de la laïcité que celle que l'État québécois veut bien privilégier. Par exemple, le crucifix au salon bleu de l'Assemblée nationale, auquel le présent gouvernement tient mais dont le rapport Bouchard-Taylor a proposé le retrait, pourrait en venir à faire les frais de sagas judiciaires si on retenait la suggestion de Mme Marois.
Somme toute, les Québécois sont fiers de ce que le Québec est devenu avec le temps: accueillant, branché sur les courants modernes, confiant en lui-même, ouvert au monde. Ils savent profondément que la diversité est source de richesse.
L'identité québécoise se définit elle-même de manière de plus en plus englobante, transcendante et rassembleuse. De fait, le Québec, qui revendique la reconnaissance de sa spécificité à l'intérieur du fédéralisme canadien au nom du droit à la différence, ne saurait nier ce droit en son sein même aux différents groupes qui le composent. Dans un cas comme dans l'autre, le défi est toutefois de mettre ce droit en oeuvre d'une façon qui profite à la cohésion du tout, c'est-à-dire qui consolide plutôt que d'affaiblir l'ensemble dans lequel il s'inscrit.
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Benoît Pelletier, Ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques


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