L'avalé bleu-blanc-rouge
22 septembre 2010
J’ai grandi en entendant parler quotidiennement et affectueusement de Maurice.
Chez nous, Maurice—prononcé Mârisse-- était dit avec une telle simplicité, une telle chaleur, qu’on aurait pu croire que « Maurice » faisait partie de notre famille immédiate. « Mârisse » ne faisait pas partie de notre famille, évidemment, mais comme pour beaucoup de familles de tout un peuple, « Maurice » faisait partie de nos vies.
Lorsqu’il parlait de « Maurice », mon grand-père (il demeurait chez-nous) baissait le ton et devenait sérieux. Prononçait seulement le prénom : Maurice. Cela devait suffire. Comme si « Maurice » lui était quelqu’un de familier et proche. Comme « Céline » aujourd’hui. Car Duplessis, alors, comme Céline Dion maintenant, s’était fait en plus un prénom…
La Presse n’entrait pas chez-nous. Nous, comme de raison, c’était « Montréal-Matin ». Comme de cœur aussi. Sport et politique. Même s’il ne manquait jamais une « game », (à la radio, s.v.p.) mon grand-père n’adorait pas autant le hockey qu’il n’adorait Les Canadiens. À cette époque, le club, c’était l’armée des canadiens. Les joueurs étaient nos soldats. D’ailleurs, je me souviens très bien que mon grand-père s’identifiait comme un « canadien ». Les autres, tous les autres, c’tè les anglais (prononcé angla).Ne s’était jamais jamais perçu comme un canadien-français. Nous---Nous--- c’est Nous qui étions les « canadiens », ceux qui étaient ici les premiers, aujourd’hui québécois. Nous sommes là depuis bien plus longtemps que la Province de Québec et le Canada. Et depuis bien plus longtemps que Les Canadiens de Montréal. Depuis bien plus longtemps que les Molson ...
Votre article m’a rappelé une anecdote de notre vie familiale. Je revois mon grand-père le dimanche soir, seul dans la p’tite cuisine de notre grand logement du 3966, écouter la « game d’hockey » à la radio. C’est ainsi, « à radio », que mon grand père accompagnait l’armée des canadiens les dimanches soir. Le CH, c’était notre armée. C’était…
Je revenais du parc Jeanne d’Arc avec mon père, ma game pee wee jouée. Au moment d’écrire ces lignes, je revois mon grand-père, je l’entends, sur un but du CH à Boston, célébré de façon si caractéristique par Lecavalier, comme revenant soudainement de loin, d’aussi loin également que la Nouvelle-Angleterre où sa famille avait naguère été contrainte de s’exiler, puis contrainte de revenir, ti-peuple toujours contraint mais fidèle, mais fidèle, je l’entends, s’adressant à mon père et moi qui arrivions au milieu de son match, nous dire à voix basse, pas triomphante, sur le but im-men-se, fa-bu-leux et célébré de Richaaarrrd: « c’est Maurice ».
Notre honneur était sauf !