1812 ? Parlons-en !

Pas chanceux, les Canadians... toujours mêlés dans leurs illusions d'unité et de stabilité ! Obligés de se mentir pour survivre comme pays!


Le gouvernement Harper veut parler de la guerre de 1812 ? Eh bien, parlons-en. Rappelons quelques pertinents chapitres de ce conflit, sur lesquels les historiens du Parti conservateur n'insisteront certainement pas. D'abord, il s'agissait d'une guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ni la population canadienne-française ni la population américaine n'en voulaient.
Aux États-Unis, le Massachusetts et le Connecticut ont refusé de fournir leur quote-part de soldats et, dans toute la Nouvelle-Angleterre, fusaient des menaces de quitter la fédération américaine. Nos voisins du Sud étaient profondément divisés. Au Canada, et plus particulièrement au Bas-Canada (le Québec d'aujourd'hui), l'opposition à cette guerre était vive. Les Canadiens français n'étaient pas chauds à l'idée de prendre les armes pour le conquérant britannique. Sur une soixantaine de conscrits à La Prairie, la moitié seulement se sont présentés et les autres ont déserté le premier jour.
Quand les militaires britanniques ont arrêté des conscrits récalcitrants, des centaines de Canadiens français armés ont menacé de prendre d'assaut les prisons pour les libérer. Après un ultimatum des autorités britanniques, un campement de 1500 Canadiens français défiants était établi aux abords du Mont-Royal. Il a fallu des affrontements violents et des victimes, ainsi qu'une propagande intense pour finalement réussir à imposer la conscription aux francophones. Tout ça était connu des Américains et a probablement contribué à leur faire croire à une invasion facile du Québec.
Et puis il y a la célèbre bataille de Châteauguay, avec son héros authentique, le lieutenant-colonel Michel de Salaberry. Le gouvernement utilise aujourd'hui cette victoire sur les Américains - voire cette guerre tout entière - pour donner l'impression d'une certaine unité entre francophones, anglophones et Autochtones, une espèce de jalon vers la confédération de 1867. On pousse l'audace jusqu'à y voir une pierre d'assise de l'identité francophone du Québec contemporain.
Dans la bataille de Châteauguay, quelques centaines de miliciens, à plus de 90 % Canadiens français, ont mis en déroute une force américaine de plus de 7000 hommes. Une des défaites les plus humiliantes de l'histoire des États-Unis. Mais on ne rappellera pas trop souvent que Salaberry a dû recruter personnellement ses « Voltigeurs » canadiens, qu'il n'a reçu à peu près aucun soutien (on lui a même nui, à l'occasion) de l'état-major britannique, qu'on avait limité à 300 le nombre des miliciens faute de fonds, et que le gouverneur britannique a tenté par la suite de diminuer la gloire de Salaberry.
Alors quand on vient nous parler d'identité francophone et quand le ministre James Moore affirme que « les efforts héroïques de ceux qui se sont battus pour notre pays (sic) durant la guerre de 1812 ont façonné l'histoire du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui : un pays libre et indépendant, doté d'une monarchie constitutionnelle et de son propre système parlementaire », c'est de la bouillie pour les chats. L'oppression britannique est demeurée aussi forte et il a fallu une rébellion en 1837-38 pour mettre véritablement en branle un mouvement accéléré vers un gouvernement responsable.
Pour ce qui est de l'identité francophone du Québec et du Canada, personne ne conteste que les Américains, eussent-ils été vainqueurs, auraient tenté par la suite d'assimiler les francophones. Ce que l'on escamote, c'est qu'à peu près tout a été mis en oeuvre - par les Britanniques d'abord, puis par les gouvernements du Canada et des provinces à majorité anglaise - pour arriver au même résultat dans le siècle et demi qui a suivi la guerre de 1812. Rapport Durham, lois répressives, interdiction des écoles françaises et plus !
Alors qu'on arrête de nous casser les oreilles avec un faux discours patriotique fondé sur une interprétation pour le moins tendancieuse du passé. Qu'on souligne les grands événements historiques, y compris la guerre de 1812, soit. Mais pas en réécrivant les manuels d'histoire.


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