Le gouvernement Charest n'obtient pas la note de passage pour sa gestion du dossier environnemental durant son dernier mandat et il se retrouve aux antipodes des priorités de plusieurs des grands groupes écologistes nationaux, selon le bilan déposé hier par les membres du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE).
Ce bilan, nettement plus négatif que la «note de passage sur les fesses» que décernaient au gouvernement Charest Greenpeace et quatre autres groupes environnementaux le 27 février dernier, indique qu'un clivage de plus en plus net se dessine au Québec dans le mouvement environnemental. Greenpeace et Équiterre, qui accordaient au gouvernement Charest la note de passage en raison principalement de son plan de lutte contre les changements climatiques, ont quitté, il y a quelques années le RQGE, un réseau qui fonctionne depuis plus de 20 ans et qui regroupe une soixantaine de groupes nationaux, régionaux et locaux en plus du Réseau québécois des Ressourceries.
Ce matin, Greenpeace, Équiterre, Nature-Québec et la Société pour la nature et les parcs (SNAP) vont rendre public le verdict qu'ils portent non pas sur le bilan passé, mais sur les programmes et les engagements que proposent les différents partis politiques en environnement dans le cadre de l'élection. Tous les partis, sauf l'ADQ, ont répondu aux 17 questions qui leur ont été adressées fin février.
Mais c'est le bilan du gouvernement Charest que les membres du RQCGE ont voulu mettre en exergue hier en raison, ont-ils dit, de «l'importance qu'il faut accorder à l'action réelle» plutôt qu'aux promesses souvent peu tenues. Globalement, le gouvernement Charest obtient quatre «E», soit la note «échec» pour différentes politiques, un «D» et un «D -», ce qui le disqualifie globalement en matière de gestion environnementale, selon le réseau.
Seule l'Action boréale, représentée hier par son fondateur, Richard Desjardins, n'a donné aucune note au gouvernement Charest pour la gestion de la forêt: l'Action boréale lui décerne plutôt une mention «abandon de cours», car, comme l'a précisé Richard Desjardins, en matière de forêt, le gouvernement n'a ni suivi les recommandations fondamentales de la commission Coulombe ni entrepris les travaux de ce programme de travail, en mettant en place une foresterie axée sur la protection des écosystèmes. Certes, convient Desjardins, Québec a réduit de 20 % le calcul de la possibilité forestière. Mais, au cours de ce qui devait être l'année du grand coup de frein, il autorisait les forestiers à récupérer le bois de forêts brûlées en plus - et non à la place - de leurs quotas de bois, ce qui a donné une année record de récolte de 33 millions de mètres cubes.
Québec, a poursuivi Desjardins, doit désormais «arrêter de produire du bas de gamme sous forme de 2x4» et réserver son bois aux PME créatrices de valeur ajoutée par la création de produits finis de qualité. La forêt, dit-il, ne doit plus appartenir aux «assistés sociaux corporatifs» à qui Québec vient d'accorder le droit de déménager le bois d'une région à l'autre, contrairement aux recommandations de la commission, en plus de payer à la place de l'industrie les routes forestières et une plus grande part de l'aménagement des forêts.
Pour André Bouthillier, de la coalition Eau Secours, Québec a laissé complètement tomber la Politique nationale de l'eau (PNE) malgré ses engagements. Aucun plan concret, dit-il, n'a ciblé l'atteinte des 57 objectifs de la PNE, faute notamment de budgets. Le gouvernement, a-t-il dit, mérite un «E» sans appel pour avoir mis fin à la dépollution industrielle sur le Saint-Laurent et ses tributaires, pour avoir ramené l'inspection des entreprises polluantes à une figure de style, et pour avoir ramené la dépollution agricole à des contrôles «ferme par ferme», une stratégie abandonnée par Québec en 1985 pour cause d'inefficacité chronique. Quant aux milieux humides, non seulement Québec n'a pas accouché de la politique promise, mais il a ouvert encore plus grande la porte à leur saccage, ajoute André Bouthillier.
La coalition Québec-Vert-Kyoto précise d'entrée de jeu que si Québec a pris le chemin de l'efficacité énergétique et de l'éolien, c'est d'abord le résultat d'une immense mobilisation citoyenne plutôt qu'un effet de sa volonté politique. À preuve, a expliqué Daniel Breton, le gouvernement Charest a mis de côté le projet de centrale thermique du Suroît, mais approuvait, le même jour, une centrale thermique similaire à Bécancour. Et il ouvre la porte à l'augmentation de la consommation de gaz naturel avec les projets de ports méthaniers et l'exploration gazière et pétrolière du golfe. Québec, dit-il, n'a pas non plus mis en place un programme sérieux d'inspection des véhicules automobiles même si les milliers de tests réalisés montrent clairement que 25 % des camions et 20 % des voitures ne respectent pas les normes, ce qui ajoute aux émissions de gaz à effet de serre en plus de polluer villes et campagnes. Le plan Béchard-Charest sur la lutte contre le réchauffement du climat, dit-il, demeure «sur papier seulement» après quatre ans de préparation et, pire, il ne va pas atteindre les objectifs du protocole de Kyoto, contrairement aux prétentions d'une publicité gouvernementale «mensongère» dénoncée la semaine dernière par les groupes. Ces derniers ont d'ailleurs mis le ministre Claude Béchard «au défi de démontrer que les chiffres officiels de son ministère sont faux». Note: «E».
Le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) accorde un «D -» à Québec parce qu'il a quand même mis en place une taxe de 10 $ sur chaque tonne de déchets enfouis. Mais cette taxe, a dit Robert Ménard, est insuffisante pour rendre le recyclage concurrentiel avec l'enfouissement. La taxe par ailleurs imposée aux producteurs de déchets, qui finance la moitié de la collecte sélective, constitue une autre bonne mesure, ajoute-t-il. Mais globalement, l'impact des politiques gouvernementales ne modifie pas le cours des choses: la production de déchets a augmenté de 63 % alors que la récupération n'augmentait que de 5 % depuis 1998. Et non seulement Québec surveille mal ses sites d'enfouissement, mais il tolère désormais des sites totalement illégaux qui fonctionnent en défiant ouvertement à la loi.
Luc Rabouin, du Centre d'écologie urbaine, a souligné de son côté à quel point Québec sombrait systématiquement dans l'incohérence en disant accorder la priorité au transport en commun alors qu'il planifie un projet d'autoroute et de pont sur l'autoroute 25. Il fait aussi peu de cas de la volonté populaire, ajoute-t-il, en défiant, au profit de quelques promoteurs, la population et les groupes qui se sont mobilisés pour sauver le parc d'Orford en application des principes de la conservation. Note: D.
Pour sa part, André Bélisle, le président de l'Association québécoise de lutte à la pollution atmosphérique (AQLPA), reproche à Québec de ne pas avoir enclenché le processus législatif pour protéger les groupes comme le sien qui ont été ciblés par des poursuites abusives, les «SLAPP». Le Québec, déplore-t-il, n'a plus depuis plus d'une décennie de bilan biennal de ses progrès en environnement, ce qui empêche les citoyens de «juger l'arbre à ses fruits». Pour l'abandon de la Politique nationale de l'eau, pour l'absence de programme d'inspection des 4 millions de «chars» du Québec et pour la «poudre aux yeux» jetée par la publicité libérale sur la valeur réelle du plan gouvernemental de lutte contre les changements climatiques, un autre «E».
De son côté, Henri Jacob, du Regroupement écologiste de Val d'Or et environs, décerne un autre «E» au gouvernement Charest, qui a mis fin aux programmes de financement statutaire des groupes et qui veut orienter les prochaines subventions vers les «bons groupes», selon l'expression récente du ministre Béchard. Ce groupe estime que Québec a enfreint les droits fondamentaux de ses citoyens en adoptant la loi 9 qui a suspendu le droit des citoyens de poursuivre les clubs de motoneiges et de véhicules hors routes tout en accordant à ces groupes argent et priorité pour définir eux-mêmes le futur réseau de ces véhicules, comme s'ils incarnaient l'intérêt public et non le leur. Le Regroupement écologiste reproche par ailleurs à Québec d'avoir laissé le secteur minier, en raison d'une priorité législative d'un autre âge, torpiller la plupart des projets d'aires protégées en soustrayant tous les territoires importants chaque fois que les intérêts de ce lobby étaient menacés. Et c'est sans parler du fait que le gouvernement Charest n'a pas respecté le voeu de la commission Coulombe de protéger 8 % du territoire québécois pour le début de 2007 et 12 % pour 2010. Pire, ajoute Henri Jacob, Québec n'a pas forcé le Forestier en chef à inclure les aires protégées dans l'évaluation du capital forestier disponible aux exploitants, ce qui donne à penser qu'ils continueront d'avoir la priorité sur la protection des écosystèmes.
Charest échoue à l'examen des écologistes
Quatre E, un D, un D- et un «abandon»
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