EXCLUSIF - Bouchard-Taylor (1)

«Envoyons ça dans la filière 13» - Jacques Parizeau

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Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»


Yves Chartrand - Jacques Parizeau voit dans le rapport «une sorte de mépris du Canada français qui me fait penser à celui de Pierre Elliot Trudeau».

Photo Le Journal - Pierre Vidricaire
Jugeant que les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor ont produit un rapport «abstrait et fumeux» pour faire «une sorte de long procès du Canadien français», Jacques Parizeau estime qu'il faut «vite oublier ça» et plutôt trouver des solutions «politiques et administratives» aux problèmes d'intégration des immigrants.
Dans un entretien qu'il nous a accordé lundi à son domicile de l'Île-des-Soeurs, Jacques Parizeau n'a pas été tendre envers le rapport Bouchard-Taylor qu'il a lu, précise- t-il, «d'un bout à l'autre». Et sa conclusion est tranchée: «Il faut envoyer ça dans la filière 13, le mettre dans un tiroir et l'oublier. Ce n'est pas un bon rapport.»

Selon Jacques Parizeau, les deux commissaires ont éclipsé un des éléments centraux de leur mandat, «pourtant fondamental» selon lui : voir ce qui se fait dans les autres pays en matière d'intégration des immigrants et de pratiques d'accommodements religieux et culturels.
Il cite en exemple les lieux de prière pour les musulmans dans les institutions.

«Il paraît qu'en Turquie, un pays musulman, c'est interdit, alors qu'ici au Canada la Cour suprême a confirmé l'idée qu'une religion, on la juge dans la mesure où l'individu qui la pratique y croit, une sorte de consécration de l'interprétation personnelle de la religion.»

Cette «capacité de se comparer à d'autres était essentielle», dit l'ancien premier ministre. «Ce serait bon qu'on le sache, ce qui se passe ailleurs. On s'apercevrait peut-être que les lieux de prière dans les institutions ne sont pas du tout considérés comme des éléments de religion.»

Un concept très dangereux

Au lieu de faire ce travail de base, informatif, «la trame principale de ce travail est une sorte de long procès du Canadien français», un terme «presque ethnocentriste» qui est pour Jacques Parizeau «un retour en arrière» et implique «un concept très dangereux». Tenter de définir le Québécois de souche en le qualifiant de Canadien français, «c'est faire fausse route complètement».

«Est-ce que ça veut dire que les descendants d'Écossais et d'Irlandais, pourtant de souche, ne sont pas des Canadiens français ? Comme les frères Daniel et Pierre- Marc Johnson ? Là, on serait en train de discuter de pureté de la race ! S'il y a quelqu'un qui ne tient pas à ça, c'est moi ! Jamais ! Jouer dans ce registre est ridicule», dit Jacques Parizeau

Hier, à la suite de la lettre de Gérard Bouchard dans La Presse qui répond aux détracteurs de son rapport, le Journal a recommuniqué avec M. Parizeau. Ce dernier s'est contenté d'un bref commentaire acéré. «La plupart des gens n'aiment pas qu'on crache dans la soupe. M. Bouchard commence à s'en rendre compte.»

Ce qu'il a dit...

«Je l'ai lu d'un bout à l'autre. C'est très long, c'est fastidieux et ennuyeux.»

«La trame principale de ce travail est une sorte de long procès du Canadien français. Le terme est un retour en arrière.»

«Les commissaires ont laissé tomber un des éléments centraux de leur mandat : la capacité de se comparer à d'autres.»

«Il y a dans ce genre d'attitude une sorte de mépris du Canadien français qui me fait penser à Pierre Elliott Trudeau.»

«À partir d'un certain moment dans le rapport, ça devient le procès des Canadiens français à l'égard des musulmans. C'est étonnant : on a l'impression que les commissaires rapetissent leur mandat à quelque chose de tout à fait exceptionnel.»

«Sur la burka, qui posait des problèmes juridiques importants, il n'y a rien dans le rapport.»
«Commençons par déterminer comment se présente la situation ici par rapport à d'autres pays dits civilisés. Tout cela est complètement raté dans le rapport.»

«Cela restera toujours vrai que chez les immigrants, lors de leurs premières années, le taux de chômage sera toujours plus élevé. Il y a des choses inévitables.»

«Les Québécois ne sont pas des peureux. Si c'était le cas, ça se saurait !»

«Moi, je suis un faux Canadien français selon leur définition, car j'ai un ancêtre écossais. Une génération de moins et j'aurais le droit de porter le kilt !»

«Ce rapport est bon pour la filière 13 pour recommencer avec des questions évidentes. Si on veut gouverner correctement, il faut être capable de faire cela.»


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