Le Québec glisse vers la droite

Les indices sont trop nombreux pour ne pas être significatifs : le Québec s'apprêterait à virer encore un peu plus à droite.

La Dépossession tranquille


Les indices sont trop nombreux pour ne pas être significatifs : le Québec s'apprêterait à virer encore un peu plus à droite.
Le week-end dernier, plus de 400 personnes se sont donné rendez-vous dans un hôtel de Québec pour participer à un ralliement de la droite sous une nouvelle bannière, le réseau Liberté-Québec. Grossièrement issu de la cote de l'Action démocratique du Québec, certainement associé à la région de Québec où les conservateurs ont plus de succès au fédéral, et peut-être aussi dans les rangs des amateurs de radio X à Québec.
Juste avant, il y a eu cette nouvelle d'un autre mouvement avec des orientations similaires. Nom provisoire : Force Québec. Avec à sa tête François Legault, l'ancien ministre du Parti québécois, et son ancien collègue Joseph Facal, l'ex-premier ministre Lucien Bouchard et quelques autres comme l'homme d'affaires Charles Sirois, etc. Les courants de pensée de ces adhérents s'associent avec le « manifeste des lucides », qui avait largement circulé en 2005. Force Québec parle d'ailleurs déjà d'actualiser le document aux réalités post-récession de 2010 où la caisse de retraite des Québécois, dégarnie par de mauvais placements, met encore davantage en péril les retraites des baby-boomers québécois.
Puis il y a toujours l'ADQ qui vivote depuis le départ de son chef et cofondateur, Mario Dumont. Gérard Deltell travaille avec des moyens et des appuis citoyens bien limités, mais il a l'avantage d'être déjà à l'Assemblée nationale, avec la visibilité que la noble enceinte lui procure.
Enfin, ne sous-estimons pas l'influence de percées politiques comme celle du nouveau maire de Toronto, Rob Ford, qui a imploré le respect pour les contribuables. Ou encore la montée du populiste Tea Party aux États-Unis.
Ces dernières années, il faut le reconnaître, sont marquées par une amorce de réorganisation de la droite politique, un travail qui ne fait que commencer. Quand les astres s'alignent, tout cela peut aboutir sur des résultats parfois étonnants et rapides.
Pour s'en convaincre, il ne faut que regarder du côté fédéral, en 2003 et 2004. Né des cendres de l'Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur, le Parti conservateur n'a mis que six mois avant de se retrouver Opposition officielle à la Chambre des communes, et 18 mois de plus pour prendre le pouvoir. Il est passé de néant à gouvernement en deux ans ! Cela aurait pu être plus vite encore si Paul Martin n'avait pas miraculeusement survécu à l'élection de juin 2004.
Les choses peuvent aller presque aussi rapidement au Québec parce que les prochaines élections provinciales sont prévues pour 2012. Si toutes ces forces de droite devaient se rallier comme cela s'est fait sur la scène fédérale, qui peut prédire le succès qu'une telle machine d'idées pourrait connaître à ce moment ?
Cette situation serait souhaitable, d'ailleurs. Le citoyen et la démocratie gagneront à compter sur des options claires et bien définies, comme la gauche l'a fait avec l'émergence de Québec Solidaire en 2006.
Néanmoins, les questions fusent sur le sens profond d'un tel virage à droite. (NS)
Si c'est pour lutter contre le cynisme des contribuables, ce mouvement pourrait être une très bonne chose. Si c'est pour stimuler la responsabilisation des citoyens pour qu'ils prennent davantage en main leur économie personnelle et collective, cela pourrait aussi être fort positif.
Mais si c'est pour creuser davantage les écarts entre les mieux nantis et les défavorisés, il faudra y repenser.
Le Québec a certainement besoin de rééquilibrer ses finances publiques et les générations en place ont le devoir moral de préparer le Québec de demain, pas de l'hypothéquer à outrance. Revoir l'ensemble de nos services collectifs est facile en principe, jusqu'à ce que ça nous touche personnellement dans nos habitudes, dans nos budgets, dans notre rythme de vie. Entre les deux, il y a un équilibre à atteindre. La droite au Québec - pas mal au centre, lorsque nous nous comparons à d'autres démocraties - laisse miroiter un nouvel idéal. Il reste à être défini. Car avant d'être lucide, cette droite devra être limpide.


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