Droits de scolarité à l'université

La quasi-gratuité reste la norme en Europe

Le modèle européen se distingue nettement du modèle anglo-américain

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012



Paris — À l'exception de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de certaines grandes écoles spécialisées, les droits de scolarité demeurent modérés ou quasi inexistants dans la très grande majorité des pays européens. Malgré certaines exceptions récentes, la plupart des universités européennes sont loin d'emboîter le pas au Québec et au Royaume-Uni en matière d'augmentation des droits de scolarité. Si des augmentations sont survenues ces dernières années, elles demeurent limitées et restreintes à certaines régions ou quelques grandes écoles de commerce à vocation internationale. Nul doute que si les étudiants français, allemands ou suédois subissaient les mêmes augmentations que les étudiants québécois, une telle mesure soulèverait un tollé dans la plupart de ces pays.
Cela ne signifie pas que les universités européennes ne sont pas tentées par l'augmentation de leurs frais, mais ce débat en cours depuis plusieurs années n'a guère modifié le portrait d'ensemble. Ainsi, depuis 2005, quelques länder allemands ont mis fin à la gratuité. Mais leurs droits ne dépassent guère 650 $ par semestre.
Un rapport de la fondation européenne Robert Schumann publié en 2011 montre que le modèle européen se distingue toujours nettement de celui des pays anglo-saxons. Il classe les universités européennes en trois catégories. (1) Celle où l'université est entièrement gratuite inclut les pays scandinaves, y compris la Finlande dont le système scolaire a été régulièrement vanté par toutes les études de l'OCDE. (2) La catégorie des pays où les droits de scolarité sont modérés ou quasi inexistants comprend la France, l'Allemagne et la République tchèque, l'Espagne. C'est le modèle européen dominant. (3) Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas se sont alignés sur le modèle anglo-américain avec des droits de scolarité élevés. Mais, contrairement à la Grande-Bretagne, où ceux-ci atteindront bientôt 14 000 $ par année, aux Pays-Bas, ce montant ne dépasse pas 2500 $ par année. Le pays jouit par ailleurs d'un généreux système de bourses, alors que le Royaume-Uni privilégie les prêts.
Une autre étude publiée cette fois par l'OCDE confirme que les étudiants universitaires les plus favorisés sont ceux des pays scandinaves. Non seulement jouissent-ils de la gratuité scolaire complète, mais en plus d'un système de bourses très développé qui leur permet de subvenir à leurs besoins. Viennent ensuite les autres pays européens où les droits de scolarité sont quasi inexistants et les bourses un peu moins importantes.
Les pays européens se distinguent aussi par un dispositif d'aide financière qui privilégie la solidarité familiale et l'aide au logement, alors que le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni privilégient l'autonomie financière des jeunes, précise la Fondation Schumann.
Le débat en France
Les frais d'inscription minimes des universités françaises (230 $ par année) n'empêchent pas ce pays d'avoir quelques grandes écoles, en particulier de commerce, dont les droits de scolarité sont prohibitifs. Il en coûte par exemple plus de 15 000 $ par année pour étudier aux HEC de Paris. Plus récemment, l'Institut de sciences politiques de Paris a considérablement haussé ses droits de scolarité, qui peuvent atteindre 13 000 $ au premier cycle. Ces montants restent cependant modulés en fonction des revenus des familles. Même aux HEC, les étudiants boursiers issus des familles les plus pauvres (25 % des étudiants français) sont exonérés de frais et jouissent même de l'hébergement gratuit s'ils viennent de l'extérieur.
Ces exceptions récentes n'empêchent pas la très grande majorité des grandes écoles françaises d'être entièrement gratuites. Plusieurs d'entre elles, comme l'École nationale d'administration (ENA), l'École normale supérieure et Polytechnique offrent même un salaire aux étudiants qui en réussissent le concours. Souvent décriées dans la presse, ces grandes écoles accueillent moins de boursiers que les universités même si cette proportion atteint 20 % dans certaines d'entre elles.
Le débat sur l'augmentation des droits de scolarité fait aussi rage en France. En août dernier, le think tank de gauche Terra Nova a proposé de tripler les droits d'inscription en licence, ce qui les porterait à 690 $ par an, et de les quadrupler en maîtrise. Mais cette proposition ne risque guère d'être reprise tant elle heurte les valeurs de la société française. La réplique ne s'est pas fait attendre. «Il ne faut surtout pas augmenter les frais d'inscription alors que la priorité des priorités doit être de relancer l'entrée des bacheliers dans les études supérieures», a déclaré le secrétaire national du PS à l'Enseignement supérieur, Bertrand Monthubert. Même réaction de l'ancien ministre de l'Éducation et candidat centriste à la présidence François Bayrou qui demande, pour toutes les grandes écoles, «que le gouvernement impose la gratuité, je le soutiendrai».
Récemment, le cabinet britannique QS a désigné la capitale française comme la première ville du monde où il faisait bon étudier. Le classement prenait notamment en considération la réputation des établissements, la richesse de l'offre et le faible coût des études.
Correspondant du Devoir à Paris


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