Le premier ministre David Cameron symbolise, ces jours-ci, le politicien conventionnel par excellence. À preuve, il a réduit la flambée de violence qui s'est étendue à toutes les grandes villes du royaume à un acte de délinquance, et strictement de délinquance. C'est nier, de fait, que la brutalité de ce phénomène traduit, en partie il est vrai, une frustration à l'égard de l'élite britannique. Une frustration nourrie par des scandales pas si lointains.
Allons-y en suivant l'ordre du temps. L'ordre chronologique, plus exactement. En 2008, dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers, Gordon Brown, alors premier ministre, décide de puiser dans le trésor public pour éviter la faillite du système financier. À toutes fins utiles, il avait nationalisé les banques qui croulaient sous des dettes produites par leur culte pour l'économie casino. Un an après avoir été sauvés par les deniers de l'État, les dirigeants ainsi que les courtiers de ces établissements faisaient ce qu'ils savent faire avec beaucoup de maîtrise: se gaver de primes. On donnera un exemple et un seul: le chef du pupitre énergie d'une de ses banques a empoché 292 millions en 2008, 300 millions pile en 2009, plus de 300 en 2010. Bref, plus d'un milliard en trois ans.
En 2009, on apprend que la vaste majorité des parlementaires, ils sont 646 en tout, sont passés maîtres dans l'usage des notes de frais à des fins d'enrichissement personnel. Un couple d'élus a loué un appartement pendant des années, à même, on insiste, l'argent public, à une société immobilière propriété de leurs... enfants! Un autre député se faisait construire une piscine sur son terrain puis vendait sa propriété, puis achetait une autre maison sans piscine, etc. Bref, en 2009, on apprenait que la prétendue retenue de la classe politique britannique était un paravent érigé pour confondre les crédules.
En 2011, on apprenait que les journaux appartenant à l'empereur du jaunisme, Rupert Murdoch, excellaient dans le piratage des téléphones des vedettes, de certains politiciens, et surtout des parents de victimes de crimes crapuleux. On apprenait que la connivence entre patrons de ces journaux et certains membres de la police, et non des moindres, était si étroite que ces derniers avaient minaudé, pour ne pas dire étouffé les actes commis par les reporters de Murdoch. On apprenait également que certains ripous de Scotland Yard vendaient des infos à Murdoch. On apprenait enfin que cette connivence s'étendait à toutes les figures en vue de la classe politique, y compris au premier d'entre eux. Qui? David Cameron aujourd'hui, Tony Blair hier. En échange du soutien de Murdoch en campagne électorale, celui-ci obtenait les autorisations souhaitées pour poursuivre son travail de sape.
Au total, nous avons des banquiers enrichis par le trésor public, des députés-malfrats qui jouissent d'une impunité indécente, des personnalités politiques pieds et mains liés devant Citizen Murdoch. Autrement dit, nous sommes en présence d'une élite qui présente tous les stigmates de la décomposition éthique. Une élite qui se nourrit sur la bête en imposant des plans d'austérité visant la classe moyenne et les foyers à faibles revenus. Réduire ces émeutes à un accès de fièvre sans origine, sans cause, est ça aussi un acte de violence.
Émeutes en Angleterre
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