Le Parti des Blondes

Chronique d'André Savard


La recrue de Jean Charest, Pierre Arcand, a servi une chanson qui s’inscrit dans le folklore fédéraliste en accusant Dumont d’être un [«Jean-Marie Le Pen québécois»->4449]. C’est une chanson servie par bien des journaux canadiens qui ont soutenu dans le passé que le Québec, en raison de ses influences françaises, risquait l’émergence d’un nouveau Jean-Marie Le Pen. Jean Charest, comme tous ses candidats, est bien prêt à confirmer une prophétie venant du Canada.
Comme numéro un du parti, Jean Charest a employé le même procédé que sa recrue. Lors de la soirée de la présentation de ses candidats, Jean Charest a lancé un appel à l’unité des Québécois, le même appel qu’au lendemain du débat des chefs l’opposant à Bernard Landry lors des dernières élections. On se souviendra que le point tournant du débat fut lorsque Charest demanda à Landry de se dissocier des propos de Parizeau contre les votes ethniques.
La manoeuvre de Charest est une date parmi d’autres. Jean Charest n’a pas eu à forger des cadres pour sa présente campagne. Il varie juste un peu la périodisation de sa campagne actuelle par rapport à l’ancienne. La difficulté, la dernière fois, était que l’appel à l’unité contre le racisme d’un adversaire venait tardivement. Il est plus facile de juger de son importance dans le déroulement d’une campagne quand l’appel vient avant même que la campagne ne débute officiellement.
Charest ne se gêne pour battre les mêmes thèmes que lors de la dernière campagne électorale. Il en tient pour responsable l’ancien gouvernement qui l’a obligé à patauger dans des problèmes qui n’auraient pas dû être les siens. Jean Charest pensait que la formation d’un gouvernement était un phénomène postérieur. En ce qui concerne l’antériorité, les problèmes préalables, ils ont été cachés, déplore Charest. Jean Charest a été obligé de reporter l’épanouissement du Québec pour toutes sortes de raisons héritées de l’ancien gouvernement, assure-t-il.
Le bilant était désastreux, renchérit Charest. J’ai épongé toute la merde, à commencer par le haut degré d’insatisfaction qui reviendrait de droit à Bernard Landry, poursuit Charest dans le fil de son analyse ininterrompue depuis quatre ans. Pour cela, Jean Charest se sent en droit de réclamer un second mandat.
Naturellement, déplore Jean Charest, les séparatistes n’ont aucune idée de ces évidences. Tout va tellement mieux et tout irait tellement mieux s’il n’y avait pas eu de gouvernement avant lui, dit Charest (toujours). Charest passe ce message depuis qu’a commencé la longue période avant les élections, quatre ans! car pour Charest un gouvernement, c’est le machin qui précède les élections.
Charest dit aussi que l’unité des Québécois doit se faire autour de l’immense honneur d’être Canadiens. C’est une nation qui incline moins à engendrer des tribuns racistes, comme Mario Dumont, pense sans doute sa recrue Arcand. C’est pourquoi le fédéralisme est supérieur, à cause du surplus de moralité provoqué par un gouvernement central qui est l’homologue supérieur du gouvernement provincial... qui est au degré inférieur. Que le Québec soit soumis aux autorités supérieures, que chacun s’accorde sur la même ligne générale, ce sera autant de valeur morale ajoutée, confirment les numéros un, deux, trois, quatre et cinq du parti, tous des logiciens.
À quoi pense le gouvernement canadien dans cette optique? À une vue ample des choses. C’est un état d’esprit qui mène loin, jusqu’à tatouer «halte au racisme» sur la poitrine de son adversaire.
Depuis le début de l’année, Jean Charest s’est comblé de toutes les dignités. Quand on refuse de doter le Québec d’un gouvernement national, il ne faut surtout pas faire penser à ce prisonnier qui ne s’évadait pas parce qu’il devait ramener les vaches. Le problème de Charest c’est qu’il n’incarne absolument ce qu’on appelle «la sagesse des autorités».
Le premier de l’an, dans un topo administré par Bernard Drainville à Radio-Canada, Jean Charest posait devant les pièces de collection d’art Inuit. Il vantait la saveur spirituelle de cet art. L’image du premier ministre paraissait être faite sur mesure et venait à point. La formule circule d’ailleurs chez les politiciens du monde entier. Il est bon de s’élever publiquement contre la bassesse d’âme en se montrant devant des pièces de collection. Malraux a jadis ouvert le bal. Cela n’étant pas le trait d’une âme banale, Charest s’est fait conseiller de l’imiter à ce chapitre.
Pendant quatre ans, les malins disaient que Charest saucissonnait sur l’herbe. Charest n’en a cure car au bout du compte c’est l’intelligence qui gagne. Comme dans le hockey sur glace, il y a un temps pour gagner. Rien ne sert d’être premier de sa division si on l’emporte pas dans les séries en finale.
L’ordre de commencer la campagne n’a pas eu à venir d’en haut. La recrue Arcand a appris un certain nombre des vérités élémentaires de son parti en voyant agir son chef. Il est bon de dire qu’un gouvernement libéral fait du bien à tous les Québécois et qu’il est le seul à vouloir du bien à tout le monde.
Pendant que Charest présentait la plateforme de sa campagne, ses candidats étaient tout sourire. Les deux candidates vedettes, Christine St-Pierre et Marguerite Blais, au premier plan, s’assortissaient étrangement à un ramassis de têtes blondes. Le hasard cruel, ce soir-là, voulut qu’avec Michou et bien d’autres sur l’estrade, le cliché de la femme libérale parée d’une tête blondasse trouvait bien peu son contraire dans l’oeil de la caméra. Charest prôna la perte d’indépendance comme grande route car au fond il n’y pas de meilleure route. Et les blondes applaudirent avant même que les élections ne soient officiellement annoncées.
Pour faire l’unité des Québécois, il ne faut surtout pas que le Québec ait une morale nationale. Le parti Libéral enseigne que la nation québécoise a pour vocation de nier les moyens classiques d’affirmer la nation. La vocation du Québec c’est de s’attaquer à l’ordre antique de l’Etat-nation. Conséquemment, la raison d’Etat du Québec c’est la perte d’indépendance. Dans son discours au milieu de ses candidats vedettes, Charest expliquait que ce credo permet au parti Libéral de défier le temps et de demeurer une figure de référence de notre Histoire.
Pendant quatre semaines Charest va mettre ses culottes, des culottes choisies avec soin pour une nation qui, contrairement à la formule primitive, ne vit pas dans l’ignorance totale des commandements et s’accorde aux autorités supérieures. Dumont défendra pour sa part, vaille que vaille, son programme qui saborde le régime d’assistance publique pour grossir l’allocation familiale. Dommage quand même pour le cousin pauvre et infertile qui vogue au gré des emplois précaires, les travailleurs autonomes en perte de contrats; qu’ils trouvent un emploi ailleurs, dira Dumont, qu’ils bougent, qu’ils mettent le feu à leur lit.
Pendant quatre semaines, Jean Charest n’oubliera surtout pas de présenter son alliance avec Stephen Harper. Il n’est pas nécessaire d’être indépendant, dira-t-il, puisque, signant des traités avec le Fédéral, l’Etat québécois compose si élégamment avec ce qui est au-dessus de ses forces. Un premier ministre au-dessus du premier ministre et une gouverneure-générale par-dessus, cela permet de dire la vérité au pays. Bref, il fait si bon d’être soumis à ce qui n’est pas à notre échelle, pensera Charest.
Deux gouvernements ne sont pas de trop pour s’occuper du quotidien radieux et laborieux. On peut parler des files d’attente, des démarches pour trouver un appartement. Le parti Libéral, lequel a sûrement commandité une agence pour l’étude des sensibilités, a son rapport qui statue qu’autant les rousses, les brunes que les blondes ont les nerfs sensibles quand il s’agit de se nourrir et de se loger.
Voilà ce qui regarde tout le monde et le reste ce n'est pas de vos oignons. Que les Québécois ne soient pas vexés de ne vouloir que ce qui est susceptible d’être la volonté la plus commune à tous. Pour Charest, c’est la juste rançon de l’unité. Et le Fédéral n’est pas contre non plus, fera valoir Charest.
On est donc dans un système qui recherche un niveau maximal d’éléments positifs dans les principaux secteurs, conclura Charest. Les blondes et les frisés n’ont pas fini d’applaudir sur l’estrade. C’est si évident, ce que dit leur chef, que ce doit être un point de vue scientifique.
André Savard


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