Au strict point de vue démocratique, le projet de loi C-12, ajoutant 30 députés à la chambre des communes du Canada, est plein de bon sens! Une personne un vote! Comme il y a des électeurs et des électrices qui se sont ajoutés en Ontario, en Alberta et en Colombie Britannique, il convient que l'on augmente le nombre de leurs députés pour les représenter. Oui mais l'Ile-du-Prince-Édouard, par rapport à la population vivant sur l'Ile, a un nombre de députés quatre fois supérieur aux autres pour la représenter. La règle démocratique alors? Ah, c'est une vieille entente constitutionnelle qui dit que l'on ne doit jamais avoir moins de députés que de sénateurs. Donc, ce n'est pas la règle démocratique numérique qui s'applique. C'est ce qui justifie l'Assemblée nationale du Québec de réclamer unanimement une exception à cette règle pour que la spécificité du Québec soit reconnue.
Quelle est-elle? Elle est nationale. Le Québec est une entité particulière à l'intérieur du Canada. Il est un peuple. Il forme une nation. Que la chambre des communes elle-même, supposément, a reconnue "dans un Canada uni".
À ce que nous sachions, le Canada est encore uni. Comment se fait-il que cette reconnaissance ne soit pas intégrée dans la constitution du Canada et qu'elle soit sans impact dans toutes les dimensions de la vie institutionnelle canadienne et aussi dans la représentation démocratique comme veut le confirmer le projet de loi C-12?
Si l'Ile-du-Prince-Édouard jouit d'un privilège numérique quant à l'application générale de la règle démocratique sans se voir reconnaître une spécificité quelconque, il est totalement inconcevable que le Québec ne puisse pas en jouir également, lui qui forme une nation.
Mais jamais le Canada ne consentira à ce que le Québec ait un statut particulier. Dans le passé, tout a été fait pour qu'il soit assimilé. Il a résisté. Dans l'histoire plus récente, on l'a inscrit dans un processus de minorisation. Qui marche. D'un des deux peuples fondateurs, on en a fait une province parmi quatre pour fonder le Canada, puis parmi dix et trois territoires pour le faire fonctionner. Avec C-12, on l'affaiblit davantage pour que le Canada finisse par fonctionner sans lui.
En 1867, le Québec comptait pour 35% de la population canadienne. Aujourd'hui il n'en fait pas 24%. La courbe est parfaitement régulière, illustrant, si besoin est, l'efficacité du processus de minorisation. Ce qui confirme que le recul du Québec, jusqu'à son insignifiance, fait partie de l'ADN du Canada.