Le souverainisme de gouvernance règne toujours

Le mouvement souverainiste croule aujourd'hui sous le poids de l'insignifiance

Chronique de Nic Payne


Au-delà des tiraillements au PQ et dans le mouvement souverainiste, le
fait est qu'une importante partie de ce mouvement et de son élite demeure
en parfait accord avec la philosophie qui constitue le socle de la "
gouvernance souverainiste " actuellement proposée par le PQ, comme elle fut
autrefois le fondement des politiques de conditions gagnantes,
d'affirmation nationale et d'étapisme. Cette philosophie, nous la
connaissons bien : on ne peut pas, il ne faut pas proposer directement
l'indépendance aux Québécois, mais il faut néanmoins mettre le
souverainisme au pouvoir provincial.
Cette pensée, qui traverse l'histoire péquiste presque de bout en bout, et
à divers degrés selon les époques, domine lourdement, aujourd'hui, le
souverainisme officiel.
Les indices de cette situation foisonnent.
Gilles Duceppe, politicien efficace et méthodique qui sait marteler un
message, professe sur toutes les tribunes le rassemblement au nom de " ce
qui nous unit ", c'est-à-dire, selon l'ex-chef du Bloc, la nécessité de
gagner les élections, et la conviction de pouvoir, sinon de devoir " faire
avancer le Québec " avant qu'advienne la " souveraineté ".
François Legault et Joseph Facal sont convaincus que les Québécois ne
veulent pas entendre parler d'indépendance. Les colonnes de chiffres qui ne
s'équilibrent pas, par contre, ils n'hésitent pas une seconde à nous les
raconter en long et en large, et à tours de bras. Jamais il ne leur
viendrait à l'esprit que c'est en parlant moins de la dette qu'on finira
par conscientiser les Québécois sur cette question.
Pierre Curzi a quitté le caucus péquiste avec fracas, mais en disant que
le PQ avait un " excellent programme ". Sauf qu'il faut maintenant, selon
le député de Borduas, et selon Mme Beaudoin qui l'accompagnait vers la
sortie, réinventer la politique. Rien de moins. Promouvoir l'indépendance ?
Il semble que cela soit encore plus difficile à leurs yeux que
d'entreprendre la mission titanesque qu'ils proposent. C'est vous dire.
Il y a aussi les mordus du nationalisme, comme le sociologue médiatisé
Mathieu Bock-Côté, pour qui l'identitaire doit être au coeur d'une bonne
politique souverainiste, mais qui s'empresse d'ajouter qu'il ne faut pas
viser l'indépendance. Cela, selon M. Bock-Côté, ne serait pas raisonnable.
Biffer le nauséabond héritage des méchants progressistes des années
soixante, aujourd'hui confinés au Plateau Mont-Royal, pour restaurer l'élan
nationaliste canadien-français brisé par leurs sombres desseins, ça, le
sociologue n'en doute pas, ça urge et ça doit se faire.
Comme les autres, Bock-Côté propose un souverainisme qui relègue
l'indépendance à la semaine des quatre jeudi. Je ne suis pas sûr, pour dire
le moins, d'entendre l'enthousiasme gronder dans les chaumières... C'est
comme si Steven Guilbault nous disait de voter pour un parti vert, qui
serait vert seulement plus tard, peut-être, après avoir hypothétiquement
référendé sur quelque chose qui pourrait ressembler à une politique verte.
Jean-François Lisée, lui, s'échine à trouver des façons d'être
souverainiste sans souveraineté, alors que Bernard Drainville a enfin réglé
la question du foutu référendum qui fait si peur. En l'éliminant ? Non. En
le mettant sur le dos des électeurs.
L'initiative populaire, comme salut du
politicien sans initiative.
Et puis on a pu entendre, il y a quelques jours, des entrevues
radiophoniques chez Cogeco avec les deux candidats actuellement en lice
pour la direction du Bloc Québécois; deux fois quinze minutes, une demie
heure, donc, sans la moindre allusion, sans le moindre souffle, sans
l'ombre de la plus discrète référence à l'indépendance du Québec. Que des
considérations qui ratissaient de midi à quatorze heures, en ne faisant
même plus d'effort, aurait-on dit, pour éviter la question, celle du vilain
mot en I, et même du mot en S.
Désormais, l'auto-censure souverainiste fait
place à plus de souverainisme du tout. C'est moins fatigant.
Le souverainisme bien pensant -- il est permis de l'appeler ainsi puisque,
selon ses promoteurs, toute position indépendantiste assumée relève d'un
raisonnement défaillant --, cette bien-pensance, donc, distille la peur et
le défaitisme avec plus d'ardeur et d'acharnement que le courant dit "
fédéraliste " ne le fait, lui qui est complètement atrophié et endormi dans
un coin tellement on ne le dérange plus depuis des années.
Au fond, on a l'impression qu'à force de se faire dire par leurs
adversaires qu'ils étaient trop radicaux, et de chaque fois tenter de s'en
défendre en baissant la barre de leurs ambitions, les souverainistes ont
fini par croire davantage que quiconque en leur propre inadéquation.
De cela, oui, Ottawa et les bons valets liberal de la Province Of Quebec
ne peuvent que se réjouir. Et quelques départs du caucus péquiste n'y sont
pour rien.
Pendant ce temps, le PQ est incapable d'articuler la moindre critique
efficace contre la CAQ. Pourquoi ? Peut-être parce qu'on a l'air un peu fou
de critiquer un souverainiste qui reporte la souveraineté à plus tard,
quand c'est exactement ce qu'on fait soi-même.
Le mouvement souverainiste croule aujourd'hui sous le poids de
l'insignifiance. Les projets de pays -- comme si le Québec n'en était pas
un depuis longtemps --, les pays de projets, les plans étapistes à gadgets,
les états généraux et autres rêves de grand-messes, le concept des factions
pressées, pas pressées, moyennement pressées, juste assez pressées,
semi-pressées, fraîchement pressées, avec pulpe, sans pulpe, tous ces
artéfacts des années soixante sont dramatiquement hors jeu, et le fait
qu'ils perdurent n'est que le signe criant de notre paresse
intellectuelle, de notre démission, du remisage de nos aspirations au
profit du petit confort partisan ordinaire, de l'espoir d'une petite
satisfaction électorale provinciale bien éphémère.
Certains veulent aujourd'hui sortir de ce marasme. Donnons-leur de
l'oxygène. Ça presse.

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Un mot, en passant, sur la récente frénésie royale et identitaire du
gouvernement canadian.
Il est assez comique d'entendre, à ce sujet, certains commentateurs
québécois éberlués, qui pensent que le Canada est bizarrement en train de
retourner vers la Grande-Bretagne.
Ce point de vue est plutôt typique d'une certaine frange de Québécois, qui
ne voient pas nécessairement le Canada tel qu'il est vraiment.
Ce qui se passe est pourtant limpide : les Canadians sont en train de se
refaire une identité sans le Québec et sans les Canadiens-Français, et ce
processus les a conduits à faire le ménage de leur histoire et de leur
patrimoine, en y marginalisant le plus possible nos empreintes, à l'image
de notre marginalisation actuelle. Dès lors, il va de soi que la fidélité à
la couronne britannique ressort plus que jamais comme un des quelques
symboles distinguant clairement cet état des autres états de l'Amérique
anglaise.
Comme en fait foi le récent projet de loi sur le drapeau canadian, le
recours à la symbolique royale ne signifie absolument pas que le Canada est
à la veille de retourner sa constitution à Westminster.
Cela veut seulement dire que c'est un pays déterminé à exister sans nous.
Mais évidemment, il ne faut pas tirer ce genre de conclusion, car cela mène
presque tout droit à l'indépendantisme, et, comme chacun sait,
l'indépendance, c'est une affaire de fous.

Nic Payne
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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4 commentaires

  • Nicole Hébert Répondre

    30 septembre 2011

    Je le reconnais, M. Payne, un grand texte. Même si je ne partage pas tout ce qui s'y dit, ni la conclusion, je partage plusieurs regards cette fois - comme souvent d'ailleurs - ainsi que le ton et l'impatience.
    Merci pour cela!
    Nicole Hébert

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2011

    Si on se restreint à l'Amérique du nord, évidemment on ne verra que les États-Unis et le canada. Mais ces deux anciennes colonies Britanniques demeurent toujours liées au Royaume-Uni (l'Angleterre). En conséquence, ce sont les Britanniques qui veulent imposer leur vision, pas seulement en Amérique du nord mais partout sur la terre.
    La soi-disant aide apportée au Afghans cache une occupation militaire anglaise stratégique. Mais de cela on ne parle pas. Nous n'avons pas le droit de parler des évidences parce que celles-ci concernent la colonisation mondiale entreprise par les britanniques il y a quelques siècles et que l'on encourage au Québec en nous disant qu'il ne faut pas parler directement d'indépendance à la Nation québécoise. Quel mensonge !
    Allez donc dire aux étasuniens de cesser de parler de leur propre indépendance pour voir leur réaction !
    Après quelque siècles de conquêtes, les britanniques sont par nature des stratèges, ce que les québécois ne sont peut-être pas, du moins pas autant hypocrites que les britanniques.
    D'une part, vous remarquerez que l'occupation de l'Afghanistan est aussi le prétexte à nous mettre en garde contre les méchants musulmans qui soi-disnant risquent de nous attaquer à tout moment si on n'occupe pas ce Pays, un autre mensonge stratégique. Rien n'empêchera des terroristes d'attaquer, s'ils le veulent et l'occupation d'un Pays en est un excellent motif.
    D'autre part, au Québec on a ouvert les portes à l'immigration massive et exagérée, en grande partie formée de gens musulmans. Quel paradoxe !
    Ces gens deviendront-ils sous peu soupçonnés d'être de soi-disant agents dormants terroristes? Sous ce faux prétexte, cherche-t-on par là à nous menacer de la présence militaire dans nos rues à Québec et, surtout, à Montréal, advenant une levée nationaliste québécoise trop forte ? Comme Trudeau l'avait fait en 1970.
    Rien n'arrive pour rien. Tous les mensonges et les abandons de nos politiciens québécois ont des causes que l'on ne dévoilera pas publiquement. Et les britanniques y sont mêlés à cent pour cent. Mais nos pseudo élites en politique, qui se sont débarassé des indépendantistes de leur formation politique, n'ont rien à craindre de nos adversaire qui les paient grassement pour nous mentir.
    Les négociations du Parti Québécois pour intégré le Québec dans le Canada ont failli à leur tâche après 43 ans de tentatives. En 1995 les québécoises et les québécois, peu importe le sens de la question référendaire et compte tenu de la propagande fédéraliste, on décidé qu'il voulais leur Pays du Québec. Cela est une évidence.
    C'est le temps plus que jamais de parler de l'indépendance du Québec et surtout d'offrir à la Nation québécoise la déclaration d'indépendance du Québec et sa constitution provisoire aux prochaines élections toujours provinciales.
    Ça c'est le moyen pacifique offert par le Parti Indépendantiste de Monsieur Tremblay. Mais faut surtout pas en parler aux autres québécois. Chuuuut !!!
    [Réjean Pelletier]

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2011

    C'est tout à fait cela. Il n'y a pas une ligne de trop.
    A voir comment je me fais rentrer dedans ici sur Vigile, me fait réaliser que le souverainisme gangrène ce mouvement depuis trop longtemps. Ils sont pathétiques.
    Pierre Cloutier

  • Marcel Haché Répondre

    30 septembre 2011

    Quel magnifique texte, Nic Payne.
    Tôt ou tard, veux-veux pas, les indépendantistes devront s’adresser un jour aux fédéraux ainsi qu’aux fédéralistes. Avant ou après une déclaration d’indépendance, cela serait plutôt secondaire, le Canada sans Nous étant déjà notre voisin, et devant le rester pour très longtemps.
    Les fédéraux ne comprennent rien au langage indépendantiste québécois. Ils ne l’admettent même pas et se réfugient derrière un drapeau. Le fardeau sera donc aux indépendantistes d’utiliser la seule langue qu’ils comprennent, et qui est aussi comprise par les fédéralistes d’ici: le provincialisme. Utiliser une autre langue, ce n’est pas renoncer à la sienne.
    Jacques Parizeau, Gilles Duceppe et Pauline Marois connaissent très bien le fédéralisme canadien, vous-même aussi sans doute, mais Claude Morin aussi : ils en sont tous—tous—de grands experts, avant d’en être—tous—de redoutables adversaires. La pédagogie nécessaire de l’indépendance pourrait s’accompagner de l’exercice correspondant, moins nécessaire qu’utile— très utile même—du fédéralisme canadien. À cet égard, l’État du Québec, la Province de Québec, le gouvernement du Québec, l’opposition officielle à Québec, le parti québécois et tous les partis indépendantistes valent mieux que la marginalité. Quoi que vous en pensiez, Ici-maintenant, ce n’est pas Ici-demain. Demain peut-être tout autrement.

    Car même des États généraux, « incantatoires » de l’indépendance la plus pure, la plus radicale, seraient, en effet, une pure perte de temps, et cela, tout autant qu’une « démonisation » du fédéralisme et du Canada lui-même.
    Il n’y a pas un Québec idyllique, semblant à gauche, et un Canada démoniaque, semblant à droite. Il y a seulement Nous et Eux. Et Nous avons pour Nous (encore) l’État du Québec. C’est peu et ce n’est pas assez. Mais si Nous n’étions bientôt plus là, à gauche, à droite et à Montréal, tous ensevelis sous les drapeaux rouges, à quoi bon des indépendantistes ? À quoi bon alors un État du Québec si une Province de Québec suffit ? À quoi bon aussi des États généraux, si ce n’est pas Nous qui sommes bel et bien l’éléphant dans le salon ?
    De qui ou de quoi sommes-Nous tant gênés ? Nous sommes quand même plus réels qu’une charte, une proportionnelle, et même une république !
    C’est Nous qui sommes les premiers interpellés par l’Indépendance.
    Mais c’est nous aussi, les indépendantistes, qui n’avons plus le choix des moyens. Le temps presse maintenant. Il a déjà été tellement gaspillé.
    Wake up P.Q.