Mythes, et concepts creux: les "fédéralistes"

Chronique de Nic Payne

Tiens, parlons mythes.
Parlons de ces idées reçues, de ces quelques expressions creuses et poussiéreuses qui traînent dans le discours sur la question nationale québécoise, entravant parfois la circulation d'idées plus neuves, plus à jour.
Leçon numéro 1: les "fédéralistes", et le "fédéralisme". L'usage régulier de cette terminologie pompeuse fut instauré, de toute évidence, pour donner un peu de lustre à une situation politique, et à une posture intellectuelle, qui en manquent cruellement. Avec la montée en importance des indépendantistes, quelqu'un, quelque part, dût s'efforcer de trouver une dénomination honorable pour l'équipe adverse, c'est-à-dire pour ceux qui n'étaient tout simplement pas indépendantistes. Il fallait du positif, il fallait arriver à faire comme si la non-indépendance était une option inspirante, comme si le statu quo était une trouvaille formidable.
Car entre nous, dans les faits, est-ce que le "fédéralisme" est l'expression la plus appropriée pour décrire la relation Québec-Canada? Bien sûr que non. Nous sommes ici en face d'une nation politiquement dominée par une autre nation. Le "fédéralisme" n'est qu'un instrument de cette domination. Même dans les réformes les plus sauvagement ambitieuses imaginées par les défenseurs de ce mauvais arrangement politique -- qui ont toutes foiré lamentablement avant qu'on n'en ait atteint le quart de la moitié du centième --, le Québec n'eut encore et toujours été qu'une province, et le Canada, un pays.
Mais les tenants du renoncement à l'indépendance ont quand même su s'accoler une étiquette qui leur a bien commodément évité d'en porter une plus exacte. Dépendantistes? Provincialistes? Annexionnistes? Soumissionnistes? Pas très vendeur, pour dire le moins. Alors ils sont devenus "fédéralistes".
Soyons sérieux: qui connaît un vrai fédéraliste? Qui connaît quelqu'un qui s'extasie sur les vertus d'un système fédéral, qui en parle de façon documentée et convaincante, et pour qui ces vertus supplantent celles de l'indépendance nationale? Va pour Benoît Pelletier, et pour une poignée de constitutionnalistes, d'intellectuels de l'Université d'Ottawa ou de je ne sais où, et d'éditorialistes de chez Gesca qui essaient mollement de s'inspirer de Claude Ryan, sur fond de déficit de crédibilité majeur, et de faillite intellectuelle et politique complète.
Mais dans l'immense majorité de la population québécoise, il n'y a pas de fédéralistes. Il y a des gens qui pensent que l'indépendance serait une bonne chose, et d'autres qui pensent le contraire; il y a des gens qui ont peur, d'autres qui sont indécis, et d'autres encore que la question n'intéresse pas. Et si la majorité s'identifie désormais au Québec d'abord, certains tiennent tout-de-même à conserver l'identité canadienne. Dans tous les cas, le "fédéralisme" en soi ne fait pas partie du raisonnement, et encore moins des émotions. Les arguments des adversaires de l'indépendance sont encore, dans la vaste majorité des cas, les arguments de la crainte, de l'incapacité, ou de l'illégitimité -- le Québec est trop petit, trop pauvre, trop cancre, trop à gauche, trop à droite, intolérant, indigne, pas assez ceci ou pas assez cela --. Le fédéralisme n'a rien à voir là-dedans.
Tout ceci n'est pas qu'une affaire de sémantique. Les indépendantistes n'ont pas à prêter leur concours plus longtemps au maintien de ce discours frelaté par lequel ils sont trop souvent les dindons de la farce. Pour un débat plus fertile et plus productif, parlons clair, parlons franc, parlons vrai: le choix que nous avons, c'est l'indépendance, ou bien la poursuite de notre ratatinement dans un cadre imposé qui ne correspond pas à ce que nous sommes. Que ceux qui défendent le statu quo s'assument, et qu'on cesse de cacher ce qu'ils prônent derrière un vocable anoblissant.
Nic Payne


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 septembre 2013

    Le Canada est une expression géographique et non une entité politique. (Wapanatak - 1965).
    Le Dominion ne peut, simplement en faisant des promesses à des pays étrangers, se couvrir d'une autorité législative incompatible avec la constitution qui l'a vu naître. (Privy Council, Appeal Cases 1937, p. 352 ).
    On l'a rapatriée en 1982 pour mieux légiférer...
    Qu'est-ce qui brouille la lecture d'avertissements qui nous concernent ? ? ? ?

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2013

    M. Payne a tellement raison! Depuis quelques années déjà quand je parle d'eux ou que je m'y réfère, lorsque par exemple j'écris sur les forums du Devoir, au lieu de fédéralistes j'écris toujours "statuquoïstes". Oui je sais ça n'existe, pas mais quand on invente rien on n'a pas grand chose.
    Quand les entendons nous proposer quoi que ce soit pour renouveler la constitution, la modifier ou ne serait-ce qu'y réfléchir? Quel livre a été écrit sur le sujet?
    C'est le vide absolu, et si on compare à tout ce qui se fait de notre côté... y a de quoi se réjouir.
    Vive le Québec libre!

  • Archives de Vigile Répondre

    7 août 2013

    Monsieur Vincent,
    Le plaisir est réciproque.
    Salutations,
    NP

  • Marcel Haché Répondre

    7 août 2013

    Ce n’est pas pour rien que le West Island s’est toujours fait le champion du fédéralisme. C’était et c’est encore sa façon de masquer qu’il est fondamentalement antinationaliste.
    Nous aurions tort de croire que le West Island, qui a si longtemps et si outrageusement dominé tout le Canada, proviendrait d’un nationalisme canadian, lui s’opposant au nôtre. Rien à voir. Le vote du West Island n’a rien à voir avec aucun nationalisme. C’est une sorte de vote résiduaire de ce qui fut une longue domination.
    Ce n’est pas pour rien non plus que le P.L.Q. parle des deux côtés de la bouche en même temps, selon qu’il s’adresse à Nous ou au West Island. Dans notre cas pour Nous prévenir que les séparatistes sont dangereux ( ce qu’une gauche démissionnaire bien de chez nous croit aussi), et, dans le cas du West Island, pour lui susurrer que, Nous connaissant bien, il aurait toutes les raisons de se méfier de Nous, et plus encore de nous, les séparatistes. Le résultat en est maintenant que le West Island est un électorat captif et le plus isolé de tous les électorats canadiens.
    Les indépendantistes tardent à prendre l’exacte mesure de ce qu’ils pourraient faire au fédéralisme canadien avec cette isolation. Mais ça, c’est une autre histoire.

  • Yves Capuano Répondre

    5 août 2013

    Vous avez totalement raison Monsieur Payne. Des dépendantistes, c'est bien comme cela qu'il faudrait appeler les soi-disant fédéralistes qui s'opposent à l'indépendance du Québec. En effet le fait d'être fédéraliste n'est pas relié au fait de s'opposer à l'indépendance du Québec. Certains pourraient d'ailleurs vouloir proposer une fédération à partir de nos régions actuelles dans un Québec indépendant. Le sophisme provient probablement de la guerre de sécession américaine où les fédéralistes de l'union s'opposaient aux confédérés du sud des États-Unis. Mais au Québec, à moins qu'une nouvelle proposition de confédération avec d'autres provinces canadienne se profile à l'horizon et que celle-ci devienne un enjeu national, l'expression de fédéralistes, pour désigner les opposants à l'indépendance du Québec, est totalement inexacte.

  • @ Gilles Paquin Répondre

    5 août 2013

    Dans le régime politique actuel ceux qui favorisent le statu quo sont des monarchistes. Ils ont accepté la prétendue réforme constitutionnelle des libéraux de Trudeau qui maintient la monarchie «british». Ils n'ont pas osé soumettre ça au vote populaire bien entendu. Ça nous fait une belle jambe, la réforme est une fumisterie. On a compris qu'elle visait essentiellement a protéger les privilèges des anglos du Québec. Et Stephen aime ça, mais nous on en a rien à cirer.

  • André Vincent Répondre

    5 août 2013


    bonjour monsieur Payne, content de vous revoir.
    AVe