Parlez-vous le souverainiste ?

Chronique de Nic Payne


Je parle de cette formidable langue de bois, instituée par le Parti
québécois et le Bloc québécois, puis enrichie, il faut le dire, par Québec
solidaire, qui consiste en une série de formules qui permettent tout juste
de porter l'étiquette souverainiste, tout en camouflant le mieux possible
une absence d'engagement conséquent.

La langue souverainiste n'a pas tout-à-fait le même accent selon qu'on la
parle chez QS ou au PQ, mais ses codes sont les mêmes. Il s'agit de
quelques mots qui, alignés dans le bon ordre, ne veulent pas dire grand
chose de précis, sauf pour les souverainistes convaincus qui y trouvent
généralement tout juste de quoi nourrir un mince espoir.

Quand ils sont en campagne, quand ils courtisent l'électeur souverainiste,
le PQ et QS parlent le souverainiste avec ardeur. C'est le cas chez QS
actuellement -- plus que jamais on dirait, peut-être à cause de la présence
d'Option nationale -- , alors que Françoise David a laissé entendre, au
débat des chefs devant des centaines de milliers de personnes, que son
parti s'engageait à faire un référendum sur l'indépendance, ce qui est
rigoureusement inexact. Toutefois, il semble pour l'instant que QS, si on
se fie aux sondages, ne risque pas trop de décevoir ceux qui n'auraient pas
lu son programme, ou entendu Amir Khadir déclarer il y a quelques jours que
dans la perspective de son parti, c'est "... l'indépendance si nécessaire,
mais pas nécessairement ".

On se souvient aussi du Bloc québécois, qui, aux dernières élections
canadiennes, s'était mis à parler furieusement souverainiste en fin de
campagne.

Par contre, quand le pouvoir semble à portée de main, manier le
souverainiste doit se faire avec beaucoup de prudence. Ainsi, quand Pierre
Bruneau a demandé à Pauline Marois, lundi soir, si elle ferait un
référendum, nous avons eu droit à du souverainiste extrême; Madame Marois,
dans une excellente imitation de Catherine Dorion, a répondu à-peu-près
ceci : " Lkjghsd, woiuyd, k akaskduyq dkjbv qiu gd'opiuepuckhgd ijd
slkjpoif lshoghspow qpou.". Du moins, c'est ce que l'auditeur de TVA aura
compris.

Le souverainiste, comme toutes les langues, c'est aussi une culture, un
état d'esprit, une histoire. Ainsi, la culture souverainiste comporte des
traditions, dont celle des rassemblements, manifestations et groupes de
réflexion en tout genre. Justement, Québec solidaire organise un
rassemblement "pour la souveraineté" dans les prochains jours. Rien de tel,
en pleine campagne, pour donner l'impression qu'il se passe quelque chose.
Je serais bien curieux de savoir combien de centaines d'événements de tout
accabit, petits et grands, ont eu lieu en mode souverainiste depuis une
vingtaine d'années. Toutes ces énergies, tout cet argent, toute cette bonne
volonté, trop souvent canalisés au profit de partis politiques plus
clientélistes que décidés.

Clientélisme. Je sais que le mot est dur et me vaudra quelque réprobation.
Surtout en parlant de QS, qui se réclame du coeur, de la justice et d'une
façon plus noble de faire de la politique. Eh bien je regrette, mais le
souverainisme de QS est d'une duplicité exemplaire, qui n'a rien à envier
aux accès d'opportunisme des partis politiques dits "vieux". QS, je le
rappelle, propose un référendum dont l'objet serait déterminé par une
assemblée élue ayant carte blanche, et dont rien ne garantit que ce serait
l'indépendance du Québec. En outre, sauf devant des publics choisis et à
quelques moments "opportuns", QS ne fait pas de promotion souverainiste
soutenue. Ceci n'est pas un jugement, mais bien un constat.

En ce qui me concerne, et je crois ne pas être le seul à penser ça, un
parti vert propose des mesures vertes, un parti conservateur propose des
politiques conservatrices, le Bloc pot propose le pot (!)... et un parti
qui se dit souverainiste propose la souveraineté. Pas la "souveraineté
populaire" évoquée dans le programme de QS, pas les demandes de pouvoirs
provinciaux et les mesures identitaires du PQ. Non, la souveraineté de
notre état, l'indépendance nationale du Québec.

Plaider cette évidence, et refuser de m'emberlificoter dans un discours
plein d'impasses, de doubles-sens et de sous-entendus, ne fait pas de moi
un "pressé", ni un radical, ni un "pur-et-dur". Je dis seulement que depuis
des années, les souverainistes ne parlent qu'aux souverainistes. Il est
temps de briser cette mauvaise habitude. Nous avons quelque chose de grand
et beau à proposer; ayons confiance en nous !

Nic Payne ( candidat d'Option nationale dans Mercier )
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    23 août 2012

    Je n’ai pas toujours été d’accord avec vous. Mais qu’est-ce que vous m’avez amusé ici. Le « souverainiste » ! Moi même, je ne comprenais plus cette langue lors du débat auquel vous faites allusion.
    J’ai souhaité bonne chance à votre opposant péquiste. Je vous souhaite aussi bonne chance. Et n’ayez crainte : quand bien même Khadir proposerait dans Vigile un référendum à tous les jeudis, je passerais mon tour comme on dit…