Le vote idiot

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Les électeurs de QS ne savent pas pour quel programme ils votent

Phénomène dont on parle peu, mais qui existe réellement, le concept de vote idiot fait référence au comportement d’un groupe d’électeurs qui votent en toute bonne foi pour autre chose que ce qu’ils désirent.


Après le référendum de 1995, c’était l’argument central des tenants du Plan B à Ottawa. Jean Chrétien et Stéphane Dion prétendaient que beaucoup de citoyens souhaitant demeurer dans le Canada avaient voté pour le Oui, leurrés par les promesses d’un hypothétique partenariat politique et économique.


Or, données de sondage à l’appui, l’essayiste Jean-François Lisée avait démontré qu’il y avait un nombre encore plus élevé d’électeurs qui avaient voté Non alors qu’ils souhaitaient que le Québec se sépare. Ils avaient peut-être été confondus par le récent référendum sur l’entente de Charlottetown où les souverainistes militaient pour le Non.


Quand on constate que près de la moitié des électeurs de Québec solidaire rejettent la souveraineté, alors que ce parti la promeut, on pourrait être porté à se demander s’il n’y a pas une part de vote idiot derrière son niveau d’appui.


Un signe de sophistication


Dans la tête de la plupart de ces électeurs, toutefois, ce n’est certainement pas le cas. Généralement branchés, politisés, s’abreuvant à différentes sources d’information, ces gens présentent souvent leur choix comme un signe de sophistication. Le dernier slogan de QS, « Je vote avec ma tête » accompagné d’un cœur orangé, visait précisément à jouer sur cette impression.


Pourtant, on s’étonne parfois, en discutant avec un sympathisant qsiste. Souvent employé dans l’industrie culturelle, d’une entreprise médiatique, d’une boîte de pub ou dans le secteur numérique, le hipster typique aime bien le culot de Manon Massé, Gabriel Nadeau-Dubois et Amir Khadir, qui donnent de grands coups de pied dans la poubelle du système.


On lui demande s’il est vraiment hostile au libre-échange avec les États-Unis et favorable à la socialisation de l’économie nommément inscrite dans le programme de QS. Surpris et dubitatif, il répondra que la politique est tellement rendue à droite que ça ne ferait pas de tort de mettre un peu de gauche radicale dans tout ça, en essuyant de sa barbe soigneusement entretenue les vestiges de la bouteille de vin qu’il vient de descendre dans son condo acheté dans un quartier en voie d’embourgeoisement rapide.


Un autre me disait encore l’autre jour qu’il voterait QS tant et aussi longtemps que son appui restait sous la barre des 20 %. Il trouve que ça n’aurait pas de bon sens d’avoir ça au gouvernement.


Garder ses distances


Bref, on constate qu’un certain nombre d’électeurs appuient QS sans adhérer à son programme ou même le connaître. Un peu comme Vincent Marissal qui, cette semaine, gardait ses distances avec les propositions les plus radicales du parti.


Pour n’importe quelle autre formation politique, une telle indépendance aurait fait les gros titres. On aurait parlé de dissidence et de crise interne, mais pas avec QS. Comme si tout le monde comprenait qu’il était légitime de ne pas vouloir s’associer à pareilles fadaises.


C’est quand même drôle, un parti qui cherche à rejoindre les gens politisés et qui y parvient à un certain niveau, mais dont même ses sympathisants refusent d’endosser le programme.


On ne peut peut-être pas parler de vote idiot, mais c’est manifestement un vote qui n’est pas aussi avisé que ce que les porte-parole de QS voudraient faire croire.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.