Des États-Unis nous sont parvenus les échos de deux déclencheurs d’alerte (whistleblowers) sur la culture très méticuleuse du gouvernement pour le contrôle de l’information tous azimuts. De Suisse nous sont parvenues les confidences de deux lanceurs d’alerte français sur la vénération qu’ont des puissants pour la fraude fiscale. Leur dénominateur commun ? Un souci certain pour la qualité démocratique. C’est rare !
Il y a peu, le président Barack Obama a assuré avoir un penchant affirmé pour la transparence, pour l’ouverture, la liberté et autres mots-valises formulés pour impressionner les crédules. Comme il se doit, il a joint le geste à la parole en ordonnant deux choses : la publication intégrale des 7000 pages composant les Pentagon Papers sur la guerre du Vietnam et dont Daniel Ellsberg livra des extraits.
La deuxième ? Le dévoilement par la National Security Agency (NSA) de 50 000 pages. Ce faisant, Obama a fait preuve d’un certain humour. Celui, plus précisément, qui se confond avec le cynisme. Car en fait de secrets, la NSA a levé le voile sur un manuel de cryptologie de… 1809 ! Sur une photo prise par un espion en… 1919 ! Sur un dossier ayant la Chine de… 1946 comme sujet ! Bref, le président s’est appliqué à fourguer des reliques.
Il en a été ainsi parce que, selon Ellsberg, selon des chercheurs universitaires et surtout l’organisme Reporters Committee for Freedom of The Press, pour tout ce qui a trait aux déclencheurs d’alerte ou mécaniciens de SOS, on ne sait plus comment dire, Obama est pire que ses prédécesseurs. Il est en tout cas beaucoup plus agressif à leur endroit comme en témoigne le nombre de poursuites commandées contre ceux et celles qui ont déplacé le moindre paravent sur les « coups » de l’État au nom de la morale.
Oui ! La morale. Pour Edward Snowden et Bradley Manning, les plus connus d’entre eux, mais aussi pour Darrel Anderson, Jeremy Hammond, Aaron Swartz, qui s’est suicidé, et bien d’autres, la politique suivie par l’actuelle administration à propos du droit du public à l’information se distinguant par un blocage plus musclé que sous George Bush. Faut le faire ! Un blocage d’ailleurs documenté et qui commande, pour Snowden et autres, la mise en relief des dérives de l’État au nom de l’obligation éthique. En fait, l’opacité érigée par le gouvernement en système a naturellement favorisé l’usage de méthodes, parfois spectaculaires, comme en fait foi le recours à WikiLeaks, dans le but de sensibiliser le public au viol de ses droits par ledit gouvernement avec la complicité des chevaliers du Saint-Graal informatique, soit Facebook, Apple, Google, Microsoft et consorts. Certains, parmi ces derniers, ont proposé à l’État, tenez-vous bien, ce qui suit : doter leur quincaillerie technologique d’aspirateurs d’informations. C’est tout dire !
Dans une étude effectuée par le sondeur américain Joseph Zogby sur les jeunes, sur les moins de 30 ans, soit l’âge de Manning, Snowden et compagnie, on apprend qu’elle est la génération la plus attachée au devoir de conscience, aux principes. Dans une proportion de loin supérieure (63 %) à celle des autres générations, les moins de 30 ans sont en désaccord avec la martingale politicienne qu’est l’expression suivante : « Je soutiens mon pays, qu’il ait tort ou raison. » Dans une proportion de 84 %, les Manning et autres pensent « qu’une puissance impériale adoptant tel comportement sans égard à ce que le monde pense » a une mauvaise conduite.
Cette dernière expression, on peut maintenant l’appliquer à la France et surtout à la Suisse. Le 5 juillet dernier, les autorités du royaume des entrelacs des vices financiers ont emprisonné dans un endroit secret Pierre Condamin-Gerbier. Un banquier qui, pendant plus de vingt ans, a travaillé pour des banques suisses, notamment UBS, versées en fraude fiscale des grandes fortunes et des entreprises. La Suisse lui reproche d’avoir témoigné, comme on le lui avait exigé, auprès de l’administration française et des parlementaires sur les us et coutumes des individus qui ont la haine de l’impôt chevillée au corps. C’est seulement le 14 juillet que les Suisses ont avoué avoir mis Condamin-Gerbier au cachot.
En ce qui concerne maintenant Hervé Falciani, informaticien français basé à la filiale de HSBC à Genève et écoeuré par les moeurs financières de dizaines de milliers de fraudeurs, cela fait cinq ans, après que l’administration fiscale a bénéficié de ses informations, qu’il attend que le ministère de la Justice prenne enfin le relais. Cet homme très courageux est en cavale depuis des mois et des mois et il ne se passe… rien. Et ce, pour une raison bien simple : en France comme aux États-Unis, la qualité démocratique est considérée comme un obstacle. À quoi ? L’intérêt très personnel, évidemment.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé