Meech 9. Le PQ dans le piège de Bourassa

MEECH - 20 ans plus tard...


Parizeau a tendu la main. Il a son parti derrière lui. Ce n’était pas évident. Depuis plusieurs mois, alors que se jouait l’agonie de Meech et qu’émergeait dans l’opinion un sentiment souverainiste pour la première fois nettement majoritaire, le PQ se heurtait à un mur : le calendrier politique.


Bourassa ayant été élu en 1989, il tient le pouvoir jusqu’en 1994 s’il le veut. Vague souverainiste ou pas, le PQ est condamné à attendre. Et pendant ce temps, le nombre de souverainiste croît jour après jour, dans l’opinion, chez les hommes d’affaires, dans le caucus libéral, chez les ministres, même.
Pour souligner les 20 ans de la mort de l’accord du lac Meech, il me fait plaisir de vous présenter, en feuilleton, des extraits du premier chapitre de mon livre Le Tricheur, qui relate comment les acteurs politiques québécois ont vécu la mort de l’accord.
Que faire? Au comité de stratégie du lundi et au caucus, des voix s’élèvent dès le début du printemps 1990 : tendre la main aux libéraux. Cette opinion est d’abord minoritaire. Au comité de stratégie, c’est le conseiller Pierre Boileau qui mène d’abord ce combat. Il a un livre de chevet : une étude en profondeur préparée en 1984, appelé Motivation et résistance face à l’indépendance.
Une de ses conclusions : les Québécois, comme Bourassa, n’aiment pas « le trouble ». Si les deux partis, plutôt qu’un seul, étaient bien disposés envers la souveraineté, l’opinion « débloquerait », un verrou sauterait et la vague monterait.
Boileau a intégré ces données. Il pousse sa stratégie au comité. « La politique de main tendue fait avancer l’idée de la souveraineté, parce que les gens sont moins insécures de cette façon-là », dit-il. Au caucus, deux députés se font les défenseurs de cette thèse. Deux députés pourtant jugés « purs et durs » : Louise Harel et Michel Bourdon, d’anciens époux devenus complices. C’est justement parce qu’ils veulent la souveraineté par-dessus tout qu’ils sont prêts à la faire faire par d’autres. Denis Lazure, un vétéran, est dans leur camp.
Au printemps, le débat fait rage. Plusieurs s’opposent à cette idée. Jacques Léonard et Jean Garon font de la résistance. Bernard Landry, aussi, qui « trouvait ça effrayant que le Parti libéral fasse l’indépendance ». Plusieurs débats s’enchevêtrent, car il y a ceux qui ne veulent pas de cette stratégie, et il y a ceux qui n’y croient pas. Boileau leur affirme que le PQ joue gagnant dans tous les cas : « Bourassa va tout faire pour éviter la souveraineté, leur dit-il. Mais s’il la fait, tant mieux! » Tant mieux pour le référendum sur la souveraineté, qui pourrait attirer 75% des votes. Tant mieux pour les coûts de transition, qui seraient beaucoup moindres.
Mais pour Bernard Landry, c’est presque une question de tripes, raconte un témoin. « Il voyait Claude Forget [ancien ministre fédéral] ambassadeur à Paris, puis les libéraux qui mettent en place tout leur appareil à eux. « Ils ont combattu la souveraineté toute leur vie, » disait-il. Il était pas capable de voir ça. »
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Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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