ARMES À FEU

Ottawa veut retirer le contrôle aux provinces

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Encore les grosses pattes sales d'Ottawa

Prise deux dans le dossier du contrôle des armes à feu. Le gouvernement fédéral modifiera de nouveau les règles avec un projet de loi prévu pour l’automne, qui réduira la paperasse pour les détenteurs d’arme mais qui éliminera aussi au passage les pouvoirs de réglementation des contrôleurs provinciaux. La loi est fédérale et elle doit être la même partout au pays, a fait valoir le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, mercredi.

Arguant que son gouvernement « fait preuve de gros bon sens en matière de permis d’armes à feu », le ministre conservateur québécois a affirmé qu’il voulait « un régime des armes à feu fiable, sécuritaire et qui facilite la vie pour les gens qui possèdent des armes à feu ».

Pour ce faire, Ottawa imposera sa réglementation à la grandeur du Canada. Le Québec, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard ont beau avoir leur propre programme de contrôle des armes à feu, le gouvernement de Stephen Harper viendra « restreindre la possibilité [de leurs] contrôleurs d’armes à feu de prendre des décisions arbitraires »,a dit le ministre. Ceux-ci devront appliquer le cadre réglementaire souhaité par le fédéral, et ce, de façon uniforme à l’échelle du pays.

La fin des exceptions

Fini, donc, la possibilité pour Québec d’ajouter quelques règles plus strictes sur son territoire. La future législation conservatrice assurera que « d’une province à une autre, la loi du pays est la même, car c’est une loi fédérale », a insisté M. Blaney en point de presse. L’endroit avait été judicieusement choisi, le ministre étant de passage dans un club de tir de North Bay, région rurale du nord de l’Ontario.

Le bureau de la ministre québécoise de la Sécurité publique, Lise Thériault, « veut prendre le temps de décortiquer » l’annonce avant de commenter davantage, a indiqué un porte-parole au Devoir.

Mais la volonté d’Ottawa de dicter la réglementation en matière d’armes à feu dans la province risque fort de déplaire. Le précédent gouvernement péquiste s’était adressé à la Cour suprême afin de forcer Ottawa à préserver les données québécoises du registre des armes d’épaule. Les procédures judiciaires avaient été entamées à l’époque par les libéraux de Jean Charest. Signe que le dossier tient à coeur, peu importe le parti.

« C’est un croc-en-jambe en règle à l’Ontario, au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard », a pour sa part résumé Marc-Antoine Cloutier, porte-parole de la Coalition pour le contrôle des armes et fondateur de JuriPop. « Je ne pense pas que les provinces qui sont touchées par cette autoproclamation de pouvoirs du fédéral vont l’accepter aussi facilement. »

Le ministre Blaney a consulté des regroupements de chasseurs et des associations policières. Et les provinces ? « La législation en matière de contrôle d’armes à feu, c’est de compétence fédérale », a rétorqué son bureau.

Moins de paperasse, moins de contrôle ?

Autre changement pour séduire les détenteurs d’armes du pays, les conservateurs élimineront « la paperasserie inutile entourant l’autorisation de transport » de leur fusil.

À l’heure actuelle, un propriétaire d’arme restreinte doit obtenir une autorisation du contrôleur d’arme provincial dès qu’il se déplace vers un nouveau champ de tir ou une nouvelle destination. L’autorisation sera à l’avenir délivrée une seule fois — au moment d’obtenir un permis de possession d’arme — pour la transporter vers tout lieu autorisé dans une même province (magasins ou expositions).

Une autre mesure qui fait grincer des dents M. Cloutier. « Je comprends qu’on dit qu’on veut éliminer de la paperasse, mais on va aussi éliminer du contrôle ! Concrètement, quelqu’un pourrait se promener avec son arme dans sa valise de fusil barrée, mais dans son coffre de voiture tout le temps. »

Le ministre Blaney prévoit en outre d’accorder une « période de grâce » aux détenteurs d’arme lorsque leur permis de cinq ans sera expiré. La durée n’a pas été précisée. Le ministre veut « empêcher que les gens soient immédiatement criminalisés pour des erreurs de paperasserie. La menace d’emprisonnement pour quelque chose que vous étiez légalement autorisé à posséder la veille est inacceptable », a-t-il fait valoir, en reprenant cette « menace d’emprisonnement » si souvent brandie pour justifier l’abolition du registre des armes de chasse.

Quant aux permis de possession et ceux d’acquisition, ils ne feront désormais qu’un.

Une « déréglementation tranquille » des armes, selon M. Cloutier, qui note qu’il y en a 7,1 millions au Canada. « Il sera, si le projet de loi est adopté, encore plus facile d’acheter et de posséder une arme. » Personne ne conteste que des détenteurs respectent la loi. « Le problème, c’est ceux qui ne la respectent pas. Il faut des règles pour pincer ceux qui sont délinquants. »

Le gouvernement est en outre venu autoriser les fusils Swiss Arms Classic Green qu’avait prohibés la Gendarmerie royale cet hiver. La GRC avait décidé de déclassifier ce type d’armes pour qu’elles soient interdites au pays, car le corps policier a découvert qu’elles pouvaient aisément se convertir en armes automatiques, selon la CBC.

Ottawa n’est pas du même avis. Exit cette « décision bureaucratique qui a transformé des citoyens respectueux de la loi en criminels, sans préavis », a fait valoir M. Blaney.

Règles resserrées

Le gouvernement conservateur prévoit en revanche de serrer la vis aux personnes condamnées pour violence conjugale. Les juges pourront leur interdire la possession d’arme — et non plus uniquement à celles condamnées pour crimes violents. Quant aux Canadiens qui voudront se procurer une arme pour la première fois, ils devront d’abord suivre un cours de sécurité pour apprendre à la manier.

Le gouvernement a joint à son communiqué de presse une liste de groupes ravis des changements annoncés. La Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs s’est notamment réjouie, car le futur projet de loi « vient simplifier les démarches d’octroi de permis pour les utilisateurs respectueux de la loi tout en renforçant l’aspect de la sécurité et de l’éducation », peut-on y lire.


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