Parizeau : « On a fait du déficit zéro une religion ! »

Budget Québec 2010

L’ex-premier ministre Jacques Parizeau semble en avoir long à dire sur la situation des finances publiques du Québec. Tout juste a-t-il entrouvert la porte vendredi soir dernier, alors qu’il donnait une conférence à Nicolet, devant environ 400 personnes venus l’écouter à l’occasion de la mise sur pied d’une table régionale du Conseil de la souveraineté du Québec.
« On a fait du déficit zéro une religion ! » a-t’il déclaré, en réponse à une question venant de la salle qui lui demandait si ce sujet n’était pas une nouvelle peur entretenue pour miner la confiance des Québécois en eux-mêmes.
Précisant qu’il ne voulait pas se mettre à dos les comptables, il a tenu à dire que le point de vue comptable a pris une trop grande place au cours des dernières années.
« L’absence de déficit n’est pas un absolu. En période de récession, il est normal de faire un déficit qui sera comblé lorsque la prospérité reviendra. J’espère qu’on ne visera pas un déficit zéro en pleine récession ! », s’est-il exclamé.
Sans le dire ouvertement, il prenait ainsi position à contrepied du Parti québécois sur la question de la dette publique, position formulée par l’étoile montante du parti, le nouveau député de Nicolet–Yamaska, Jean–Martin Aussant, élu en décembre 2008. Voir lien :
Jean-Martin Aussant - L'ABCD de la souveraineté (2 de 4)
Selon le jeune député, le projet de loi 40 qui suspend l’interdiction de faire un déficit, adopté sous le bâillon il y a quinze jours par le gouvernement Charest, irait à l’encontre des intérêts du Québec : « Si un gouvernement fédéraliste à la Jean Charest voulait tout faire pour que le Québec soit étouffé par une grosse dette, pour ne pas avoir d’espace pour faire d’autres projets, il aurait exactement fait la même chose. »
En fait, l’ex-premier ministre défend toujours les thèses de l’économiste John Maynard Keynes, père de l’État providence pour qui, l’État doit soutenir la consommation en période de récession pour relancer l’économie, quitte à faire un déficit et plus tard, profiter de la période de prospérité pour le réduire.
Même si l’actuelle crise financière a ramené les thèses de Keynes à l’avant-scène un peu partout dans les pays industrialisés, au Québec, après trente ans de néolibéralisme, Parizeau apparaît aujourd’hui comme un dernier des Mohicans.
Beau débat en perspective, non seulement chez les péquistes mais pour l’ensemble des Québécois, car la question est de savoir si l’état des finances publiques empêche le Québec de devenir souverain.
Espiègle, Parizeau a laissé tout le monde sur sa faim en concluant qu’il sortira un livre en novembre prochain et qu’il y a un chapitre qui devrait être lu par tous. « Vous le découperez, si vous ne voulez pas acheter le livre », a-t-il déclaré sourire en coin.
À la sortie de la conférence, une députée du Parti québécois a reconnu qu’effectivement, la croissance du déficit les effrayait grandement. « On a tous très peur… », s’est-elle contentée de déclarer.
Par ailleurs, M. Parizeau aussi a exprimé ses peurs qui sont d’un tout autre ordre. Il s’est dit extrêmement préoccupé par les difficultés que rencontre ce qu’il a appelé les trois piliers de la révolution tranquille : l’éducation qui connaît des taux de décrochage effarant, la Caisse de dépôts et placements qui a connu une véritable catastrophe causée par « des gens qui ont cru qu’il s’agissait d’un hedge fund qui leur appartenait » et Hydro-Québec qui, sans terminer sa phrase, il a exprimé sa pensée en croisant les doigts de ses deux mains, laissant sous-entendre qu’il pourrait ne s’agir que d’une question de temps.
Le livre de M. Parizeau sortira à la mi-novembre aux Éditions les Intouchables.


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