Sans complaisance : Cap sur l’indépendance

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Le peuple Québécois, c'est chacun d'entre nous

Depuis une dizaine de jours, j’entends dans les milieux indépendantistes des personnes de plus en plus nombreuses qui blâment sévèrement ce pitoyable peuple québécois à la mémoire courte et à la peur chevillée au corps. Dites que cette critique ne vous est pas venue à l’esprit, devant les effarants résultats des sondages?
Elle a traversé le mien. J’en ai presqu’aussitôt éprouvé une vif malaise, puis une véritable honte. J’ai dès lors voulu réparer cette injure en tentant de m’expliquer la source du comportement réellement soumis, qu’on l’admette ou non, du peuple québécois aux dictats politiques et intérêts économiques de pouvoirs étrangers à sa propre puissance d’autodétermination.
Pourquoi le peuple québécois accepte-t-il depuis près de trois siècles d’être dépossédé de la maîtrise pleine et entière de son destin? Pourquoi craint-il de se donner un État indépendant, libre et souverain qui lui conférerait le noble statut de nation. D’où lui vient cette peur incontrôlée? Si terrifiante qu’elle lui fait aujourd’hui oublier (dans le sens d’excuser) la scélératesse du gouvernement libéral sous la poigne de Jean Charest et à reporter celui-ci au pouvoir sous le déguisement de Philippe Couillard.
Comment vouloir ce que l’on ne connaît pas.
Cette interrogation me hante depuis que j’ai compris la nécessité de l’indépendance, les samedis matin de l’automne 1956, alors que j’écoutais l’historien et professeur Maurice Séguin en faire la démonstration cours après cours. C’est cette connaissance que les élites indépendantistes omettent de transmettre au peuple.
Pourquoi le peuple québécois refuse-t-il d’assumer les pleins pouvoirs que confèrent le statut de nation, alors qu’il possède un territoire regorgeant de richesses naturelles, alors qu’il est par sa culture et sa langue partie largement prenante de la civilisation occidentale qu’il enrichit de sa créativité, alors que son génie innovateur lui garantit l’occupation d’une place de choix dans le monde de demain?
Pourquoi tolère-t-il la dépendance, cet état intolérable contre lequel l’humanité, individus et peuples, se bat depuis ses premiers balbutiements?
Parce qu’en 400 cents ans d’existence le peuple québécois n’a jamais été souverain. Cela marque.
Pour que la liberté advienne, il faut qu’elle ait été désirée. Or, comment désirer un bien dont on ne connaît pas l’existence? N’est-ce pas d’autant plus difficile que l’inconnu, c’est un fait universel, fait peur. Ce qui signifie que pour vouloir la liberté qu’octroie l’indépendance, il faut d’abord se débarrasser de la peur panique qu’inspire l’ennemi, en prenant conscience que sa force lui vient essentiellement de la seule autorité qu’on lui reconnaît.
Or, qu’a fait d’autre le Parti québécois, issu du Mouvement Souveraineté-Association, puis adepte de la Souveraineté-Partenariat, que de reconnaître l’autorité de l’ennemi, en quémandant son approbation et sa collaboration pour oser jeter les premiers jalons de l’indépendance. Rien pour libérer la peur de l’autonomie. Au contraire, tout pour l’accroître.
Non, le peuple québécois n’est pas plus peureux qu’un autre, il est plus aliéné, c’est-à-dire, étranger à lui-même, n’arrivant pas à concevoir son identité nationale comme une et indivise. C’est ce fractionnement de son être qui lui rend acceptable l’intervention permanente du Canada dans le gouvernement de ses affaires. Comme tous les dominés, il accepte l’état de soumission dans lequel les dominants, fédéralistes de toutes obédiences, au service des seules puissances d’argent, le maintiennent, en l’apeurant, pour mieux le dépouiller de son être et de ses avoirs.
Oui, le peuple québécois, si fort dans la résistance, est apte à répondre à l’appel de l’indépendance. Comme tous les peuples de la terre, il a cependant besoin d’être entraîné par des porteurs capables eux-mêmes d’assumer le projet, capables de le proposer clairement et constamment comme seule voie d’accès à la liberté, cette source fondamentale d’affirmation de soi et de toute possibilité d’autodétermination. Alors ce peuple s’emparera du projet et mettra son intelligence et ses forces, toutes ses ressources matérielles, intellectuelles dans le débat et le combat, devenu conscient que seul son engagement dans la lutte est garante de sa victoire.
Changement de perspective.
Or, puisque nécessité oblige, je crois profondément que le Parti québécois sous la direction déterminée de Pauline Marois peut arriver à dépasser les stigmates de sa naissance, pour enfin créer la dynamique propice à réveiller en chaque Québécois et Québécoises son désir latent, mais vital de s’approprier son pays. Il n’a plus d’autre choix, sous peine de haute trahison, que d’engager le pouvoir qu’il convoite à donner au peuple les moyens d’accomplir cette révolution de son destin, amorcée au début des années 1960.
C’est l’enjeu de la présente élection.
Et cela ne passera pas d’abord par un référendum, mais, nécessairement, par une vaste entreprise d’éducation et de mobilisation du peuple. Pour vaincre à jamais son indécision et sa peur.
À mettre à l’œuvre, dès maintenant, en ces derniers jours de campagne électorale. Sans cesse parler et reparler, des avantages de l’indépendance comme axe de toutes politiques propices à un véritable essor de la société québécoise, plutôt que de s’enferrer dans les marécages de la stratégie libérale.
Andrée Ferretti

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Andrée Ferretti124 articles

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"Rien de plus farouche en moi que le désir du pays perdu, rien de plus déterminé que ma vocation à le reconquérir. "

Andrée Ferretti née Bertrand (Montréal, 1935 - ) est une femme politique et
une écrivaine québécoise. Née à Montréal dans une famille modeste, elle fut
l'une des premières femmes à adhérer au mouvement souverainiste québécois
en 1958.Vice-présidente du Rassemblement pour l'indépendance nationale, elle
représente la tendance la plus radicale du parti, privilégiant l'agitation sociale
au-dessus de la voie électorale. Démissionnaire du parti suite à une crise
interne, elle fonde le Front de libération populaire (FLP) en mars 1968.Pendant
les années 1970, elle publie plusieurs textes en faveur de l'indépendance dans
Le Devoir et Parti pris tout en poursuivant des études philosophiques. En 1979,
la Société Saint-Jean-Baptiste la désigne patriote de l'année.
Avec Gaston Miron, elle a notamment a écrit un recueil de textes sur
l'indépendance. Elle a aussi publié plusieurs romans chez VLB éditeur et la
maison d'édition Typo.





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