Sommes-nous contre le PLQ, ou pour l'indépendance ?

Chronique de Nic Payne


Obnubilés par le besoin viscéral de " battre " l'abominable Charest, de
nombreux souverainistes insistent lourdement sur les dangers de la fameuse
" division " du vote anti-libéral. Il ne faudrait pas exprimer ses idées,
et encore moins leur donner de nouveaux partis politiques, quand elles n'en ont pas, sous peine de " faire le jeu " de nos adversaires.
Se restreindre à de telles considérations, c'est focaliser sur la lutte
pour le pouvoir -- provincial, donc tronqué, ne l'oublions pas --, en
oubliant ce qui, en dépit des aléas de cette lutte pas toujours très
glorieuse, demeure tant bien que mal au coeur de la politique : les idées.
Malgré ce qu'en diront les cyniques, les idées peuvent transcender la
petite histoire des aventures électorales de partis qui vont et viennent au
gré des époques, même si certains d'entre eux deviennent des dinosaures
plus solidement incrustés dans le décor que d'autres.
Prenez l'ADQ. Ceux qui votent pour ce " tiers-parti " ont toujours perdu
leurs élections, et ce, plus souvent qu'autrement, de façon décisive, sauf
une fois, à l'arraché, devant un gouvernement libéral mal en point et un PQ vacillant.
Or, quelles sont les idées gagnantes des dernières années, au Québec ? Ce
sont, en bonne partie, celles des meilleurs moments de l'ADQ : Nationalisme
de province et moratoire référendaire, abolition des commissions scolaires,
considérations comptables prépondérantes, remise en question des seuils
d'immigration, retour des bulletins chiffrés, autonomisme illusoire, etc
etc.
Conspués par la faune médiatique, ridiculisés au Bye Bye, battus encore et
encore, cantonnés à des taux d'appui de dix à vingt pour cent, avec une
pointe à trente en 2007, les adéquistes ont pourtant façonné le menu et
l'échiquier politiques pendant plusieurs années. Tant le PQ que le PLQ et
la CAQ, ont repris leurs idées. Tout le monde essaie d'être l'ADQ, encore
aujourd'hui. Tout le monde en a bavé de voir ce petit parti jouer dans ses
plates-bandes, et s'est juré de l'anéantir en harnachant son marché
politique. François Legault triomphe aujourd'hui dans cet exercice, non
sans s'être préalablement lancé à travers un PQ qui tendait déjà vers
l'adéquisation.
Quand on y regarde bien, Mario Dumont est l'homme politique de la
décennie, même s'il s'est recyclé dans un autre domaine, et même si l'ADQ
est aujourd'hui presque disparue, à l'article de l'avalement par la CAQ.
Dumont et son parti ont réussi à rendre incontournables des idées
non-consensuelles, rébarbatives pour plusieurs, et qui, malgré des pics de
popularité certains, n'ont jamais bénéficié d'un noyau d'appuis aussi
solide que l'idée d'un Québec souverain. Ça, c'est une vraie victoire,
quoiqu'en laisse penser le jeu ordinaire de la Star Académie politique,
avec sa distribution de sièges à l'Assemblée Nationale sur le mode des bons
et des méchants, et l'attribution de quelques limousines et privilèges.
Si l'ADQ n'a jamais gouverné, les souverainistes, eux, ont été au pouvoir
pendant près de vingt ans. Pourtant, l'indépendance n'est pas faite, et le
terrain de sa promotion est devenu un désert -- dans lequel s'engage
Jean-Martin Aussant sous le regard dubitatif et les haussements d'épaules
de commentateurs souverainisto-embourgeoisés. En outre, le PQ offre
aujourd'hui le programme le moins souverainiste de son histoire, et ne
finit plus de déprécier cette idée, au point de la rendre improbable aux
yeux des Québécois, et d'avoir fait du référendum un véritable épouvantail
dont les péquistes eux-mêmes semblent avoir affreusement peur.
En clair, le Québec d'un seul homme, Mario Dumont, à la compétence
incertaine et qui n'a jamais exercé le pouvoir, triomphe aujourd'hui sur un
autre Québec, imaginé par des personnages parmi les plus mythiques et
respectés de notre histoire politique, vedettes charismatiques, brillants
économistes bardés de diplômes, et autres incontestables premiers de classe
qui ont gouverné tant et plus.
L'indépendance, nous dit-on désormais, il faut mettre ça en sourdine,
parce que Chantal Hébert, Christian Dufour ou Marie-France Bazzo pensent que
ce n'est pas à la mode.
Elle est là, la vraie défaite, quand on ne croit même plus en soi, en ses
idées, tellement qu'on persiste à se déguiser en quelque chose d'autre,
même quand cela nous mène dans une impasse.
Des décennies de pouvoir et de "victoires" électorales, agrémentées en
cours de route de la présence durable d'un fort contingent "souverainiste" à Ottawa, n'y peuvent rien.
Pour peu que les souverainistes acceptent cette leçon que nous donne
l'histoire, la perception qu'ont certains d'entre eux de la joute
politique, à travers le prisme de la partisanerie et de l'avidité
électorale, devrait s'estomper pour laisser le mouvement indépendantiste se remettre en marche plus librement, dédouané d'impératifs aliénants qui
l'ont conduit à une coûteuse perte de sens.
Nic Payne
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    19 décembre 2011

    Monsieur Payne, le grand gagnant de la décennie n'aura pas été Mario Dumont, mais Jean Chrétien. C'est lui qui, non content de nous avoir volé le pays en 1995, est à l'origine de l'obsession du déficit et de la dette québécoise avec ses coupures de paiements de transfert aux provinces à la fin des années 1990. Lucien Bouchard a eu beau le démoniser pendant toute sa carrière politique, il a quand même tombé dans le piège d'accepter de faire la "job de bras" à la place des fédéralistes pour l'illusoire politique du déficit zéro. Après avoir échappé le ballon à son arrivée à la tête du Parti québécois en ne contestant pas le vol de 1995, il a également manqué une occasion inouïe de déclencher une élection décisionnelle décisive pour faire l'indépendance lors du pelletage du déficit fédéral dans la cour du Québec.
    Bouchard a eu beau faire une montée de lait contre les Québécois(e)s en claquant la porte du PQ en janvier 2001, c'est lui qui s'est fait prendre à son jeu et nous avec!
    Résultat: au début de la dernière décennie, la table était mise pour les fédéralistes de droite et leur froide logique comptable. Mario Dumont a fait la démonstration, de 1996 à 2008, qu'il n'était qu'un carriériste, reniant les revendications du Rapport Allaire et redevenant fédéraliste inconditionnel pour tirer profit de la conjoncture et de la morosité pour faire du millage politique, et ce, au détriment des intérêts supérieurs du Québec.
    Mario Dumont et Jean Charest ont pris la relève de Lucien Bouchard pour la "politique des lamentations". La caractéristique commune des trois: être prêts à renoncer à tout pouvoir de force du Québec face à Ottawa, malgré une constitution pourtant illégitime et jamais signée.
    Monsieur Payne, chercher simplement à battre Charest n'est plus possible depuis que la CAQ de Legault est dans le portrait. Les affairistes qui veulent profiter de notre manne vont simplement passer du PLQ à la CAQ et l'élection de la Coalition ne changera à peu près rien du pillage de notre État-nation. Dorénavant, le discours voulant que le PQ soit encore le choix à faire ne tient plus, car nous restons encore dans la politique provincialiste. Nous évitons peut-être la catastrophe pour le Québec, mais l'élection du PQ-Marois ne fera que discréditer davantage l'indépendance en acceptant encore la gestion impossible de la province de Québec.
    Il n'y a plus rien à perdre à jouer la carte de la clarté et de la cohérence. Pour cela, il nous faut un nouveau véhicule et de nouvelles idées, le PQ étant aussi usé que l'Union nationale.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 décembre 2011

    La dernière tentative que nous essayons de faire avec le
    P.Q. avant la prochaine élection provinciale,c'est qu'il
    forme une coalition de tous les partis indépendantistes.
    Cela nous prend un leader qui accepte cela et qui veut
    la diriger.