Désolant Justin Trudeau. À une timide reconnaissance, par Martin Cauchon et Philippe Couillard, du problème constitutionnel fondamental de cette fédération, le chef héritier de la couronne libérale a répondu samedi, dans son sabir bilingual, par des mièvreries vides. « Comment allons-nous nous rassembler, mettre de côté […] les vieilles chicanes et commencer à parler d’un avenir ensemble ? […] C’est ça que nous allons offert [sic], c’est ça le Parti libéral du Canada. » Qui veut tuer un débat l’accuse d’être « vieux », c’est bien connu. Notons qu’en janvier, M. Trudeau s’était gardé de qualifier la question autochtone de « vieille chicane » et avait évoqué « des problèmes qui durent depuis des siècles et que l’on a voulu ignorer ».
Ce qu’il faut ignorer en revanche, pour Justin Trudeau, c’est le refus, par l’Assemblée nationale du Québec, d’adhérer à la Constitution de 1982. Reconnaître qu’il y a eu erreur, tenter un geste de reconnaissance est inutile, a-t-il insisté : « Ça fait 30 ans qu’on essaie ça à différents niveaux. À un moment donné, il faut passer à autre chose. »
Quels « essais » ? Quelles tentatives ? Pierre-Elliott Trudeau a isolé le Québec, piégé et méprisé ses fédéralistes les plus raffinés (Claude Ryan et compagnie), n’a tenu aucun référendum sur cette refondation du Canada. Détrompez-vous, le « Québec est gâté » : cette opinion fait pourtant florès dans le ROC. Réponse du philosophe Will Kymlicka : « La seule réforme constitutionnelle qui eut lieu […] était empreinte de la haine idéologique de Trudeau pour le nationalisme québécois et a reçu l’appui de toutes les provinces sauf le Québec. Bref, en 30 ans de débat et de réformes constitutionnels, le Québec a sans cesse été le perdant et n’a rien gagné. »
Au fait, si la Constitution est une question si futile, pourquoi alors le père Trudeau en était-il tellement obsédé qu’il y a consacré l’essentiel de sa carrière ? Si la Constitution est une question si peu importante dans un pays, alors pourquoi la vie politique de nos voisins américains est-elle traversée de « vieux débats » au sujet de l’intention des « pères fondateurs » ; autour des principaux « amendements » (le 2e, sur le droit de porter des armes) ? Pourquoi y célèbre-t-on les grands épisodes de révision constitutionnelle (le récent film Lincoln, sur l’adoption du 13e) ?
Résumons : le Québec a été isolé et n’a obtenu aucune réparation pour l’affront de 1982, mais il faudrait passer à autre chose. Ah, « si jamais un premier ministre du Québec venait me voir pour me dire qu’on peut […] boucler la boucle de façon symbolique et significative sans être diviseur [sic] et sans retourner dans de vieilles chicanes, je serais ouvert à ça », a nuancé Justin Trudeau, samedi. Autrement dit : contentez-vous d’un symbole et taisez-vous. Et venez retravailler à « bâtir l’avenir du Canada, bâtir un pays prospère, fort, uni », a répété le prochain chef libéral.
Ce dernier, au passage, a déploré que « depuis trop longtemps les Québécois se tiennent à part du Conseil des ministres ». Mais qu’a donné aux Québécois d’envoyer des Trudeau, André Ouellet, Benoît Bouchard et autres Jean Chrétien au gouvernement à Ottawa ? Une refondation de la fédération hostile à leur État et à la loi 101. Deux échecs de réparation, bien des commandites… Après ça, on se surprend qu’une majorité de Québécois ait voté pour le Bloc pendant 20 ans et que le PLC soit en déshérence au Québec depuis 1984. Aujourd’hui, un autre Trudeau se présente, mais n’offre comme vision qu’un bête maintien du tabou constitutionnel… Désolant.
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