Un Plan Nord à faire rêver les Français

La France et le Québec en ont pour «20 ou 30 ans» à parler de ce projet fondateur, estime la consule Hélène Le Gal

Plan nord


Au-delà de l’objet du Plan, ce Nord mythique, il y a la «manière» qui a plu à la France, explique Mme Le Gal.

Photo : Yan Doublet - Le Devoir


Si la relation Québec-France a été dominée depuis quatre ans par la mobilité de la main-d'œuvre, c'est maintenant le Plan Nord qui marquerait le plus celle-ci désormais, estime Hélène Le Gal, consule de France à Québec. Elle salue l'«initiative fascinante» du premier ministre Jean Charest, «grand ami de la France», lequel mariera d'ailleurs sa fille dans l'Hexagone à la fin du mois. Rencontre à l'occasion du 14 juillet.
Québec — «Tiens, je vais partir la clim'», lance la consule Hélène Le Gal en me regardant suer à grosses gouttes dans son bureau de la rue Saint-Louis. Dans cette chaleur, c'est paradoxalement sur le Plan Nord que la conversation s'est tout de suite engagée. Il suscite un «vif intérêt» en France, insiste la consule, en poste depuis août 2009. À l'occasion de la présentation du Plan Nord du mois de mai à Lévis, plusieurs médias hexagonaux ont dépêché des envoyés spéciaux. Des textes très critiques du fameux Plan ont aussi été publiés, notamment ceux d'Hervé Kempf dans Le Monde.
Comment expliquer cet attrait? «Nous [en Europe], on a exploré notre géographie. Alors que vous, vous faites partie des rares endroits dans le monde développé où on a encore une frontière à découvrir, à franchir; où il y a des territoires dont on ignore encore ce qu'ils peuvent receler. Ça, déjà, ça nous fascine», soutient Mme Le Gal. Ce Plan n'a-t-il pas surtout le don de faire vibrer la corde sensible, chez les Français, du mythe des «grands espaces canadiens»?
À la fin juin, en entrevue avec le magazine français L'Express, le patron de Power Corporation, Paul Desmarais fils, très proche de Jean Charest, adoptait d'ailleurs précisément ce vocabulaire: «Ce n'est pas un hasard si le premier ministre québécois vient de lancer un Plan Nord pour valoriser les ressources de nos grands espaces.» Au sujet justement de ces «grands espaces», Hélène Legal est formelle: «Ce n'est pas un mythe, c'est une réalité! Quand on parle de centaines, de milliers de lacs; quand on parle d'un territoire qui fait deux fois la France, c'est assez extraordinaire!»
Le Plan Nord, un «Grenelle»
Au-delà de l'objet du Plan, ce Nord mythique, il y a la «manière» qui a plu à la France, explique Mme Legal. Elle s'apparenterait, note la diplomate, à un «Grenelle», cette rue du 7e arrondissement où se trouvent plusieurs ministères et où se sont tenues de grandes négociations sociales. Notamment celles qui mirent fin aux grandes grèves de 1968. En jargon politique français, c'est l'équivalent de «sommet».
Ainsi, le Plan Nord se serait passé dans une «très grande concertation entre les acteurs», insiste Mme Legal, qui ne tarit pas d'éloges à l'égard de cette «démarche». À ses yeux, le gouvernement a résisté à la tentation d'imposer son plan: «Cela a nécessité des mois et des mois de discussions avec, d'abord, les gens qui habitent dans le Nord, des communautés autochtones, mais aussi des collectivités locales, le secteur privé qui peut être intéressé, les ONG qui travaillent sur l'environnement, etc.»
La France et le Québec en ont pour «20 ou 30 ans» à parler du Plan Nord, croit-elle. Le sujet a été à l'ordre du jour lors de la dernière rencontre alternée des premiers ministres. «Les domaines de la recherche et le domaine économique ont été mobilisés», dit-elle. Des chercheurs auraient déjà décidé de travailler ensemble sur tous les aspects du Plan Nord: l'environnement, le climat, les mines, etc. Le Centre national de recherche scientifique (CNRS) de France a «installé un certain nombre de chercheurs à l'Université Laval dans le cadre de ce qu'on appelle une unité mixte intégrée».
Sur le plan économique, une «mission» de plusieurs entreprises françaises intéressées par le Plan Nord et conduite par le ministre de l'Industrie de France, Éric Besson, est en préparation et devrait avoir lieu en septembre. Le mois suivant, il pourrait y avoir un «colloque» sur la question ou une «réunion d'entreprises» ou les deux en même temps.
Mobilité
Quant à la mobilité de la main-d'oeuvre, par laquelle un «médecin en France pourra devenir un médecin au Québec», comme le répète Jean Charest depuis 2007, «c'était une excellente idée», insiste Mme Legal, qui soutient que 66 arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM) ont été signés sur un potentiel de 75. Difficile pour l'instant toutefois d'avoir des chiffres précis sur les flux de travailleurs, puisque plusieurs ARM viennent d'entrer en vigueur.
Par ailleurs, malgré la crise de la dette qui frappe l'Europe et la zone euro, il n'y aurait rien à craindre pour la conclusion d'un accord entre le Canada et l'Union européenne, croit Hélène Legal. C'est là une autre initiative du premier ministre québécois. (Paul Desmarais fils le soulignait d'ailleurs à L'Express en juin: «Le Canada a besoin de diversifier ses marchés pour réduire sa dépendance envers les États-Unis, et cet accord le lui permettra. Le premier ministre québécois, Jean Charest, a joué un rôle décisif dans ce dossier.»)
Les discours protectionnistes ont beau faire un retour en force sur le Vieux Continent depuis 2008, la notion de «démondialisation» a beau faire florès, Mme Legal reste confiante: «Je crois que cet accord est très bien engagé. Je ne crois pas qu'il y ait de réticence au niveau européen. Au contraire, on parle d'économies de nature comparable: Canada, Union européenne, lever les barrières, c'est habituellement bénéfique, c'est gagnant-gagnant. Je crois que ça va se poursuivre.» Une annonce qui viendra assurément en 2012, au terme de la négociation entre le Canada et l'UE, à laquelle le Québec, représenté par l'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson, participe.
Un éventuel accord pourrait avoir des effets sur la relation Québec-France, croit-elle. «Il y a 400 filiales d'entreprises françaises au Québec, c'est colossal. On est le deuxième investisseur ici après les États-Unis. Quant aux entreprises québécoises, 120 ont des filiales en France.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->