C’est une visite de cinq jours très chargée qui s’amorce ce lundi matin à Paris pour Philippe Couillard. Non seulement, le premier ministre québécois débarque avec une impressionnante délégation, comprenant six ministres, 60 gens d’affaires et une douzaine d’universitaires, mais le nombre des rencontres, à l’Élysée, à Matignon, au Sénat et à l’Assemblée nationale, fait certainement de ce voyage d’un premier ministre québécois l’un des plus imposants en France depuis plusieurs années.
Cette première visite de Philippe Couillard revêt aussi un caractère particulier après la controverse qui a opposé le Québec à la France — une première ! — concernant l’augmentation des droits de scolarité des étudiants français au Québec. Largement relayée par les médias français, cette décision était qualifiée dimanche encore par un quotidien parisien de « pointilleuse chasse aux économies ». À Paris, la presse a aussi relayé avec étonnement la déclaration de Philippe Couillard qui, répondant aux critiques de l’opposition sur le grand nombre de ministres qui seront du voyage, avait précisé que c’est la France qui assumera l’essentiel des frais.
Le clou de cette visite se déroulera dès cet après-midi à l’Élysée, où François Hollande s’entretiendra avec Philippe Couillard pendant une trentaine de minutes. Au lieu de la traditionnelle entrevue impromptue au pied des escaliers, les deux hommes feront une déclaration sous les lambris de l’Élysée. Lors de cet entretien, Philippe Couillard entend notamment soulever l’importance de la participation du Québec et des États non souverains à la Conférence de Paris sur le climat (COP 21) qui se tiendra en décembre prochain.
Vendredi, c’est à Matignon que se déroulera la traditionnelle rencontre annuelle alternée des premiers ministres du Québec et de la France. Une tradition instaurée en 1977 par René Lévesque et Raymond Barre. Le premier ministre québécois participera ensuite à une table ronde sur les changements climatiques.
Pas d’hommage devant Charlie Hebdo
Dans l’entourage du premier ministre québécois, on explique que cette première visite officielle en France vise surtout à élargir la relation déjà très fournie entre la France et le Québec. On s’attend à ce que, comme son prédécesseur, Philippe Couillard mette essentiellement l’accent sur l’économie, la France étant le troisième partenaire économique du Québec.
Le premier ministre veut notamment convaincre les Français de s’associer à sa « stratégie maritime » qui vise à redonner un rôle stratégique à l’estuaire du Saint-Laurent dans la perspective d’un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. Selon l’Agence France-Presse, il serait question de créer une « sorte d’institut maritime commun » à Rimouski.
Contrairement à de nombreux représentants étrangers, dont le secrétaire d’État américain, John Kerry, et le maire de Montréal, Denis Coderre, le premier ministre québécois n’ira pas se recueillir sur les lieux des attentats terroristes perpétrés en janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes.
Il se contentera de remettre au président François Hollande une copie de la résolution de solidarité adoptée à cette occasion par l’Assemblée nationale du Québec. On sait que Philippe Couillard avait dû essuyer les critiques pour ne pas s’être joint à la cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement qui ont défilé dans les rues de Paris le 11 janvier dernier. Il avait préféré manifester à Québec.
Le premier ministre prendra la parole à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris en présence d’une des étoiles montantes du gouvernement, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. On annonce aussi la signature d’accords de partenariat entre une vingtaine d’entreprises françaises et québécoises.
Mercredi, à Bordeaux, Philippe Couillard sera reçu par le maire de la ville et vieil ami du Québec, Alain Juppé. Un ancien premier ministre qui ne cache plus ses ambitions présidentielles. On annonce la signature d’une entente de coopération entre les universités de Bordeaux et Laval ainsi qu’une autre destinée à faciliter la recherche dans le secteur de l’énergie.
Étrangement, la ratification de l’entente de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne n’a pas été mentionnée parmi les objectifs du voyage. On nous assure cependant que la question sera abordée à l’Élysée, à Matignon, à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui auront à ratifier le traité.
Depuis plusieurs semaines, les critiques se multiplient en Allemagne et en France contre le mécanisme de règlement des différends prévu dans l’accord et l’impact négatif qu’il pourrait avoir sur la souveraineté des États. À la fin de janvier, le ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel, et le secrétaire d’État français chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, se disaient prêts à « examiner toutes les options de modifications » du traité négocié depuis 2009 avec le Canada. Au-delà d’un appui général au traité, il n’a pas été possible d’obtenir du bureau du premier ministre la position officielle du Québec sur ce problème précis qui pourrait bloquer la ratification par les 28 pays membres de l’Union européenne.
Vendredi, Philippe Couillard rencontrera le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy. Aucune rencontre n’a été prévue avec son homologue du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Mardi, Philippe Couillard s’offrira même une petite pause littéraire. À la mairie de Paris, en présence de la mairesse Anne Hidalgo, il discutera de sa « bibliothèque idéale » avec l’écrivain Dany Laferrière bientôt « immortel ».
Devant les critiques dont a été l’objet l’imposante délégation, le bureau du premier ministre a assuré à la presse que les six ministres qui l’accompagnent ont un programme chargé et qu’ils participeront eux aussi à de nombreuses rencontres autonomes. Il s’agit de Christine Saint-Pierre (Relations internationales), Jacques Daoust (Économie, Innovation et Exportations), Hélène David (Culture), David Heurtel (Environnement) et Jean D’Amour (Transports et Stratégie maritime). Lise Thériault (Sécurité publique) fera quant à elle un passage différé de quelques jours.
Au moment de mettre cette édition sous presse, le programme annoncé détaillant le séjour de chacun des ministres ne nous avait pas été communiqué.
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