Budget casse-gueule

Budget Québec 2010 - suites



(Montréal) Le Québec n'avait pas le choix de bouger. Pour autant, personne n'aurait parié sur un budget aussi costaud. Surtout pas d'un gouvernement dont l'ambition s'est longtemps résumée à ne pas faire de vagues.
Rendons à César ce qui revient à César. Aucun ministre des Finances avant Raymond Bachand n'a eu le courage de s'attaquer à autant de vaches sacrées. «On a fait des choix», résume le ministre. Mais ce «tournant», comme il l'appelle, sera particulièrement douloureux pour la classe moyenne.
> Sur le blogue de Sophie: Remède de cheval pour Québec fauché
L'État se serrera la ceinture, justifie Raymond Bachand, en notant que le gouvernement assurera à lui seul les deux tiers (62%) de l'effort de réduction de déficit identifié, de 11,2 milliards de dollars. (Car il reste encore 1,1 milliard à trouver...)
Reste à voir si les limiers de la nouvelle Agence du revenu du Québec débusqueront 1,2 milliard en évasion fiscale! Reste à voir si le gouvernement limitera la croissance de ses dépenses de programme à 2,8%, une cible encore plus ambitieuse que celle de 3,2% de l'ex-ministre Monique Jérôme-Forget, déjà qualifiée de téméraire!
Si le passé annonce l'avenir, c'est hautement douteux. En revanche, la hausse de revenus que le gouvernement puisera dans les poches des contribuables n'a rien d'incertaine. Exception faite des plus démunis, les Québécois passent à la caisse.
Hausse de la taxe de vente à 9,5% à compter de 2012. Nouvelle taxe santé payable dès le 1er juillet, qui passera de 25$ à 200$ par adulte par an d'ici 2012. Hausse de 4 cents le litre de carburant sur quatre ans.
Pour une famille de quatre dont le revenu s'élève à 60 000$, ces mesures représenteront un coût de 1044$ par année. C'est substantiel.
Et ce n'est pas fini. Raymond Bachand annonce une hausse des droits de scolarité des universités en 2012, bien que son ampleur reste à déterminer.
Le ministre s'attaque aussi à l'une des dernières vaches sacrées: le bloc d'électricité patrimonial, dont le coût est fixé à 2,79 cents le kilowattheure depuis 2000, ce qui fait que son prix n'a cessé de diminuer avec l'inflation. Cette hausse, qui surviendra en 2014 (après les prochaines élections, et ce n'est pas fortuit), atteindra 1 cent le kilowattheure en 2018. Cela représente 1,6 milliard de dollars par an, que Québec utilisera pour réduire sa dette.
C'est un choix qui se défend parfaitement, d'autant plus que l'impact de cette hausse de tarif sera amoindri pour les familles pauvres. L'électricité se vend à un prix artificiellement bas, ce qui entraîne du gaspillage. Le Québec dilapide ainsi une richesse qui pourrait financer ses services publics.
Toutefois, cette décision suscitera la grogne. Surtout qu'elle s'ajoute à un ensemble de mesures qui touchent la classe moyenne, dont la taxe santé, qui est plus lourde à assumer pour les petits salariés que pour les plus riches.
Comment vendre l'invendable? Au nom d'une équité dans la souffrance, Québec cible certaines industries. Mais ces choix sont teintés de populisme.
À l'instar du président Barack Obama, (mais à l'opposé de son homologue fédéral Jim Flaherty), le ministre Raymond Bachand vise l'industrie financière.
Québec relève la taxe sur la masse salariale des banques, des caisses et des firmes de courtage ainsi que la taxe sur les primes des assureurs. Par exemple, la taxe sur la masse salariale de la Nationale et de la Laurentienne doublera, passant de 2% à 3,9%. Cette mesure «temporaire» rapportera 471 millions sur quatre ans.
Autre industrie «méchante»: les mines. En principe, les sociétés minières sont tenues de payer des droits de 12% sur leurs profits. Mais Québec a créé toutes sortes de déductions qui permettent à ces entreprises de réduire, voire d'effacer leurs profits. Ainsi, plusieurs sociétés ne versent aucune redevance, comme l'a dénoncé le vérificateur général du Québec.
Québec haussera les droits miniers de 12% à 16% tout en coupant certaines déductions. Québec imposera aussi chaque mine séparément plutôt que la société minière, pour éviter les transferts de profits d'une propriété à l'autre. Ainsi, la province récoltera 55 millions de plus par année.
Autre cible facile, les producteurs d'aluminium qui profitent d'électricité à bas prix en vertu de contrats secrets. Québec ne renouvellera pas leurs contrats à échéance, afin de récupérer 160 millions de plus.
En fait, c'est à croire que les libéraux ont cherché à neutraliser Québec solidaire. Mais les partis de l'opposition auront beau jeu de souligner que les entreprises contribuent moins de 800 millions, soit seulement 7% des efforts pour ramener le déficit à zéro.
Et c'est ce qui rend ce budget complètement casse-gueule.
Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca


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