Montréal, le 5 février 2009
Lettre à mon frère -- indigne --, le Président de la Cinquième République.
En effet, monsieur Sarkozy, avec un frère comme celui que vous prétendez être, les Québécois peuvent se dire que la famille est sévèrement dysfonctionnelle.
Je fais référence ici, bien sûr, à vos récents propos sur les rapports France-Québec-Canada.
Nous sommes habitués, au Québec, au mépris et à l'amalgame, au rapetissement de nos aspirations, à la négation même de notre existence nationale. Mais jamais encore, de l'extérieur, n'était-on venu nous injurier de la sorte.
Vous venez de blesser, au coeur de leurs plus profondes et nobles aspirations, des millions de ceux que vous appelez pompeusement vos frères. Au delà du sens de vos paroles, qui reprennent essentiellement une litanie anti-indépendantiste éculée, ringarde, usée à la corde, qu'on ne nous sert même plus ici depuis longtemps tant elle avait le don de se retourner invariablement contre ses auteurs, mais dont on reconnaît encore l'odeur de simplisme et de malhonnêteté intellectuelle à des kilomètres à la ronde, au delà de cette bêtise, donc, il y a le simple fait que vous vous mêliez de nos affaires.
Bien sûr, De Gaulle nous donnait son avis, lui aussi, quand il s'exclama : " Vive le Québec libre ! ". Mais il ne blâmait personne, n'accusait quiconque de quoi que ce soit. Il parlait d'espoir, de fierté, de liberté. Alors que vous, quarante ans plus tard, faites la morale, pérorez, en des termes qui suintent sinon le mépris, à tout le moins l'incompréhension. J'ai retenu chacune de vos invectives, comme autant de gifles au visage, même si tel un pleutre, vous n'en avez pas clairement identifié les destinataires : Sectarisme, enfermement sur soi-même, détestation, agressivité, division.
De qui parlez-vous, Monsieur le Président ? Pour qui parlez-vous ?
J'ai eu envie de vomir devant ce spectacle grossièrement indécent d'un président français débitant la panoplie la plus platement ordinaire des remontrances dont on afflige toujours, pour les culpabiliser, les dominés en quête d'affranchissement, et ce aux côtés de Paul Desmarais, grand financier canadian, en personne à l'Élysée ce jour-là mais discret dans la sphère publique québécoise depuis toujours, propriétaire d'entreprises de presse majeures -- et férocement anti-indépendantistes --, supporteur indéfectible et actif depuis près d'un demi-siècle -- mais toujours en coulisses et sans aucune caution démocratique -- du régime d'enfermenent du Québec dans le système canadian, dont l'habileté est notoire à tirer dans l'ombre tout ce qui se trouve de ficelles politiques dans le but, entre autres, d'entraver l'indépendance du Québec, et qui a un jour ou l'autre pris sous son aile presque chacun des chefs politiques canadiens des dernières décennies, certains dont l'entourage rapproché a admis, lors de la mise au jour d'un scandale politique sans précédent dans l'histoire canadienne, avoir impunément et sciemment violé les lois électorales québécoises, à tours de bras, pour empêcher l'aboutissement du projet auquel adhère pourtant une très forte proportion des citoyens du Québec, dont une majorité de francophones.
Il y a de quoi provoquer quelques hauts-le-coeur supplémentaires quand on sait que ce magnat de la presse, dont les journaux tapissent le Québec d'éditoriaux réactionnaires depuis des décennies, et dont on émet fréquemment des doutes bien étayés sur l'utilisation qu'il fait de ses propriétés médiatiques dans un dessein politique, a été récemment honoré par vous qui vous dites son grand ami et dont vous affirmez qu'il est votre mentor, de la plus haute distinction jamais accordée à un Québécois, surpassant même à ce chapitre quelques premiers ministres dont l'illustre René Lévesque, chef politique respecté et adulé entre tous dans l'histoire du Québec, qui était, incidemment, souverainiste.
Infect. À tous points de vue.
Je m'inquiète pour la France. Je me désole de la savoir représentée par quelqu'un qui, sur une question aussi simple que celle du Québec, fait étalage d'un stupéfiant manque de sensibilité et de nuance, et d'un parti-pris pour une vision extrémiste qui fait à peu près l'unanimité contre elle, sous l'oeil approbateur d'un de ses amis combinards hypertrophiés du grand capital, lui-même promoteur acharné de l'asservissement de la nation québécoise. L'image de pantin, ici, sauterait aux yeux même du dernier des primates.
Ça ne fait plus seulement bling bling; Ça grince, ça craque, et ça pue.
Votre comportement, Monsieur le Président, m'inspire des mots durs, que seul le respect que je porte à la fonction que vous occupez -- avec bien peu de hauteur et d'intelligence en ce qui concerne le Québec -- m'empêche de proférer ici. Je m'en tiendrai donc au même niveau de langage et de considération que vous, dans cette brèche que vous avez ouverte sur le dos des miens, en vous disant ceci : Allez vous faire foutre, Monsieur le Président.
Mes excuses à la France.
Nic Payne
Montréal
Lettre à mon frère -- indigne --, le président de la Ve république
De qui parlez-vous, Monsieur le Président ? Pour qui parlez-vous ?
Nous sommes habitués, au Québec, au mépris et à l'amalgame, au rapetissement de nos aspirations, à la négation même de notre existence nationale. Mais jamais encore, de l'extérieur, n'était-on venu nous injurier de la sorte.
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6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 février 2009Merci pour ce message Monsieur Payne.
Etant Québécois et Français, je peux vous assurer que j'ai honte de ce président. Mais honte aussi de Jean Charest.
En 2007, j'ai voté Sarkozy comme beaucoup de Français car Ségolène Royal ne faisait pas le poid. Je vous assure que plus jamais je ne voterai pour une personne aussi irresponsable et irrespectueuse. Avec son discours, il a insulté l'ensemble des Québécois et les valeurs chères à notre père fondateur René Lévesque.
En France, les carricatures de ce président sont nombreuses : Le petit Robespierre, Louis XIV...
Ce qui est sûr, c'est qu'il se sent tout puissant et libre de faire la morale quand bon lui semble.
Mais on ne peut pas tout mettre sur le dos de Sarkozy. Ce serait trop facile et Jean Charest a sa part de responsabilité.
Peut-être a t-il reçu la légion d'honneur de ce président, mais l'histoire se souviendra de lui comme étant un premier ministre du Québec vraiment indigne !
Archives de Vigile Répondre
6 février 2009Y a-t-il encore une France???
Y a-t-il encore des Français???
Le président est-il un Français??? Il semble n'en avoir que la langue. Tout ce qui a fait la France depuis le roi Clovis en passant par la révolution et le Général de Gaule, il l'occulte.
Souhaitons que le Québec n'en vienne pas là!
Marie Mance V
Archives de Vigile Répondre
5 février 2009Wow!
Vous avez du talent, M. Payne.
J'y ai vu le serpent Desmarais présentant sa pomme et le petit ver Sarkozy qui en sortait "Manges et tu aura la vie éternelle".
"Allez vous faire foutre !"
Quel Québécois, ou même Français, contesterait cette conclusion ?
Pierre de La Coste Répondre
5 février 2009Bonjour, Monsieur Payne,
Je suis Français, je partage votre indignation, mais je trouve que les mots "allez vous faire foutre" risquent de desservir votre cause.
Je comprends d'ailleurs très bien ce que les propos de Sarkozy ont d'injurieux. Comme je l'ai souvent répété sur Internet ici et ailleurs, la vision du monde de Sarkozy est fondée sur le culte de la force et de l'argent. Non seulement les riches doivent devenir plus riches, les pauvres plus pauvres, mais les puissants doivent écraser les faibles et les humilier dans les médias. Telle est la loi de la "nature" selon Sarkozy, qui est "nietzchéen" au plus mauvais sens du terme, et donc fondamentalement éloigné des valeurs chrétiennes. Ce qui explique aussi son désir maladif de passer dans les médias, d'être entouré de "people", de milliardaires, de gens de la Jet-Set, etc...
Sarkozy considère les québecois comme des petits, des sans-grade, des paysans à gros sabots, et n'a de respect que pour le Canada, puissance anglo-saxonne, donc membre du Club des maîtres du monde. Tout cela résonne terriblement aux oreilles des Québecois, puisque les Anglais, puis les canadiens, ont voulu les rabaisser au niveau ou les imagine aujourd'hui Sarkozy.
Reste à réagir, mais pas avec des mots comme "allez-vous faire foutre". Au contraire. Les propos de Sarkozy sont un argument de plus en faveur de la souveraineté. Si vous voulez vous faire respecter par les gens de l'espèce de Sarkozy, il vous faut un siège à l'ONU, une certaine capacité militaire, une voix indépendante pour vous défendre. Sinon, vous n'aurez à votre disposition que des insultes contre d'autres insultes, ce qui n'est pas digne du Québec.
Archives de Vigile Répondre
5 février 2009Le message est clair, qu'il se taille!
De toute façon, j'ai trouvé récemment que Sarkozy avait poussé le bouchon un peu loin même au sujet des Français, lorsqu'à propos d'une manifestation monstre, il a dit d'eux: "Les Français ne sont pas faciles, c'est un peuple régicide!". Il me semble qu'il s'agit là d'une injure. On ne dit pas ce genre de chose d'un peuple que l'on représente à l'étranger.
J'ai la vague impression que tout ceci aura une suite, qui ne sera pas honorable, ni pour Sarkozy, ni pour Desmarais. Les deux personnages sont tranquillement en train de sombrer ensemble, liés qu'ils sont par leurs intérêts mutuels, dans une vague de mécontentement populaire. Desmarais qui tire les ficelles silencieusement - comme dans "Omertà" - derrière la scène politique aura la lumière des projecteurs braquée sur lui lorsque son encombrant pantin aura, une fois de trop, fait une de ses monumentales gaffes politiques et diplomatiques. Quant à Charest, il ne pourra éviter d'être éclaboussé: il ne pourra toujours tirer que les avantages de la fréquentation de ses amis, il doit en assumer également les inconvénients.
L'argent de Desmarais n'aura finalement produit que de la médiocrité.
Archives de Vigile Répondre
5 février 2009Bravo et encore BRAVO, monsieur Payne.
Votre message irait également comme un gant au premier ministre fédéral actuel qui se permet d'accuser le chef du Bloc de sectaire, d'insulter le président de la France, et bla bla bla
Lui aussi mériterait qu'on lui dise d'aller se faire foutre. On le lui avait indiqué plus gentiment en octobre dernier; il a vraisemblablement besoin de le lire NOIR SUR BLANC.