Finlande: les vertus de l'État optimal

La Finlande est sortie endommagée de cette guerre, mais elle était libre

Tribune libre 2009

Ci-dessous un article publié dans [Le Devoir de ce matin au sujet de la Finlande->18307] proposée comme modèle pour les temps actuels et transmis par Jean Claude Pomerleau.

La Finlande est l'État le plus nordique de l'Europe. Elle entrerait entre cinq et six fois dans la superficie du Québec. Sa population ne dépasse pas cinq millions d'habitants, comprenant une majorité finnoise (Suomis), et deux minorités:

1. Les Suédois de Finlande (Svers), présents sur place depuis plus de 700 ans, soit 600 ans pendant que la Finlande est demeurée inféodée à la Suède jusqu'en 1814, alors que le Congrès de Vienne a décidé de la transférer à la Russie. Cette minorité suédoise est toujours sur place.

2. Les Lapons, qui ont leur propre territoire au nord et leur capitale régionale: Rovaniemi. Ils sont les grands experts du monde dans l'élevage du renne.

Le sud de la Finlande est déjà au 60e degré de latitude nord. C'est l'Ungava au Québec, inhabitable et presqu'inhabité. Le golfe de Finlande en face est gelé la moitié de l'année. La saison végétative ne permet qu'une seule récolte par année en Finlande. Tout le territoire de la Finlande est dominé par un bouclier précambrien de roches cristallines et métamorphiques, analogue au bouclier québécois. De plus, le territoire de la Finlande est buriné par les glaciations du Quarternaire, comme au Québec.

Inféodée à la Suède pendant 600 ans, la Finlande est demeurée longtemps un pays pauvre et voisin de la misère. Aux débuts du X1Xe siècle, les guerres napoléoniennes ont été un facteur dans la décision du Congrès de Vienne de faire passer la Finlande sous domination russe.

Ce fut pour les Finlandais le commencement de mouvements d'indépendance nationale, qui ont exigé un siècle pour éclore. Cette indépendance leur a été accordée à la faveur de la révolution russe d'octobre 1917.

Le traité fut signé à Tartu, en Estonie, par Staline.

N'ayant aucune expérience de la souveraineté, les Finlandais commencèrent leur indépendance par une féroce guerre civile qui dura quatre ans.

Ils refusèrent les recommandations du maréchal Mannerheim d'organiser leur défense territoriale d'une manière crédible afin que soit leur neutralité déclarée soit reconnue.

Mannerheim (né en 1867 et mort en 1952 si ma mémoire en bonne), faisait partie de la minorité suédoise et ne parlait pas le suomi. Devenu officier de cavalerie de l'armée russe, il devait mener le grand train de vie de l'aristocratie russe alors qu'il n'était qu'un membre des classes moyennes pauvres et fauchées de l'ouest de la Finlande. Il est resté criblé de dettes jusqu'à sa mort.

Beaucoup de Finlandais ont servi dans l'armée russe. Doué et surdoué, Mannerheim est monté général.

Pendant la guerre 1914-18, il avait commandé une division russe contre les Autrichiens en Bessarabie.

Pendant la révolution d'octobre, les généraux de l'armée russe furent assassinés par leurs propres soldats, mais Mannherheim qui était étranger, a été épargné et est retourné en Finlande voir son pays devenir indépendant.

Lorsqu'éclata la deuxième Guerre mondiale, Staline refusa de reconnaître la neutralité finlandaise et il avait malheureusement raison. Les Allemands avaient décidé de se servir de la Finlande comme d'un tremplin pour envahir Saint Petersbourg en passant par les lacs Ladoga et Onega et la Finlande leur était ouverte.

Les Finlandais n'avaient pas compris que vouloir la neutralité est une chose, faire reconnaître cette neutralité en est une autre. Comme les Québécois actuels qui veulent un Québec indépendant et neutre mais ne savent pas quelles conditions il faudra remplir pour que cette neutralité soit crédible et reconnue.

Si la neutralité finlandaise avait été reconnue, ni les Russes ni les Allemands, ni les Français, les Anglais et les Américains ne se seraient préoccupés de la Finlande.

Pourquoi pensez-vous qu'il y avait tellement d'attachés militaires en Finlande en 1939. La réponse s'appelle le nickel de Petsamo dans le nord, que tout le monde convoitait parce que le nickel est matériau stratégique et qu'en temps de guerre, ces matériaux prennent une importance vitale pour les belligérants.

La Russie y a investi le paquet, s'est emparé des mines de nickel, a construit un chemin de fer entre Petsamo et Murmansk. Le cas du nickel de Petsamo, devenu Petchenga, était réglé.

Tous les attachés militaires étrangers en poste à Helsinki sont partis et ont laissé les Finlandais seuls contre les Russes, très préoccupés par la défense de Léningrad (St Petersbourg) et des lacs Ladoga et Onega, qu'il leur fallait défendre puisque le ravitaillement russe vers la ville passait par ces grandes étendues d'eau.

Vieux soldat de 75 ans, usé par les rhumatismes, Mannerheim prit charge de la défense finlandaise, qui réussit finalement à s'imposer aux Russes et aux Allemands.

Son action témoigne d'une connaissance rigoureuse des principes de stratégie d'État, en temps de guerre comme en temps de paix, dont le principe central de concentration de l'effort et des moyens dans l'espace et dans le temps, avec son corollaire: le principe d'économie de l'effort.

La Finlande est sortie endommagée de cette guerre, mais elle était libre.

Ce qu'il est advenu ensuite est de l'histoire récente, dont font partie les événements actuels expliqués dans l'article du Devoir d'aujourd'hui.

À lire et à retenir.

JRMS



[
http://www.ledevoir.com/2009/02/28/236453.html-> http://www.ledevoir.com/2009/02/28/236453.html]

Featured 751d93ca198caacf4590a022022f5bc8

René Marcel Sauvé217 articles

  • 252 549

J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mars 2009

    Sur le thème de ces pays d'Europe du Nord ayant atteint le statut d'État optimal.
    Notons que pour y parvenir il faut que ces États possèdent l'ensemble de leurs capacités d'agir, préalable a toute stratégique d'État cohérente.
    Voici quelques textes que j'ai écris sur ce thème de l'État optimal (merci a M. JRMS pour m'avoir mis sur la piste de l'État optimal) :
    La Suède: http://www.vigile.net/Oui-mais-a-deux-conditions-l
    La Finlande (foresterie): http://www.vigile.net/Foresterie-la-Finlande-un-modele
    La Norvège (Pétrole): http://www.vigile.net/Mme-Marois-en-vacance-j-espere-que
    Un modèle a suivre pour nous : http://www.vigile.net/Les-Liberaux-font-mains-basses-sur
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2009

    Grand Papa,
    Ce ne sont pas "mes bons principes" mais des principes

    universaux et connus de tous les temps qui gouvernent ¸
    l'agir humain. Le principe n'est ni une théorie ni une
    "bonne" idée mais l'élément intangible non pas théorique
    ni idéologique mais intangible de la Réalité causale et
    du Réel relationnel.
    Par exemple, si vous connaissez les principes de la
    couleur, vous pourrez par vous-mêmes et sans que personne

    ne vous dise peindre les plus beaux tablesux. Si vous
    connaissez les principes de la cuisine, vous pourrez par

    vous-mêmes cuisiner les meilleures recettes sans avoir à
    lire un livre devant vous.De même pour toutes les autres
    activités qui exigent de la compétence et par conséquent
    la connaissance de principes fondamentaux qui guident
    l'action à entreprendre.
    En stratégie d'État, il y a 13 principes de base connus
    depuis les temps les plus reculés, sauf qu'on les met
    rarement en pratique de sorte que les États aboutissent
    à des catastrophes en succession. Ce qui fait le plus
    de torts aux États, c'est la force d'inertie et l'entropie

    des institutions en place, remplacés par de nouvelles
    inerties et entropies au moment des révolutions. Rares

    sont les vrais hommes et femmes d'État qui savent mettre
    en pratique ces principes pourtant universels.
    Voici pour la millième fois une liste de ces principes:
    1. Appréciation rigoureuse du contexte.
    2. Appréciation rigoureuse de la situation
    3. Détermination et maintien d'objectifs praticables
    et réalisables dans le temps et l'espace.
    4. Maintien du moral.
    5. Concentration de l'effort dans l'espace et dans le temps.
    6. Économie de l'effort et des moyens.
    7. Simplicité.
    8. Souplesse
    9. Sécurité
    10. Surprise.
    11. Coopération
    12. Coordination
    13, Administration et logistique.
    Ces principes sont sommairement expliqués au chapitre 9 de
    Géopolitique et avenir du Québec. J'ai recommencé un autre
    livre dans lequel je les explique en détails.
    Pour finir, je vous cite cet axiome de Sun Tsu, qui date de
    plus de 2000 ans:
    "La connaissance des grands principes permet de trouver en
    toutes circonstances les solutions qui conviennent"
    Alors vous voyez que ce ne sont pas des "bons" principes
    pour se donner bonne conscience à rabais mais la condition
    sine qua non pour réussir dans l'action.
    Un État optimal est celui,qui par sa taille modérée et le
    degré élevé de compétence et de conscience de tous ses
    participants, parvient à mettre ces principes en pratique.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2009

    Bonjour
    Merci pour vos textes M Sauvé.
    Concernant les bons principes d'une stratégie d'État, que faut-il faire lorsqu'il y a des taupes ?

  • Michel Guay Répondre

    28 février 2009

    J'ai visité la Finlande et ses saunas, j'ai vu le lapons et leur soleil de minuit et j'ai compris que ce pays avait beaucoups de similitude avec notre pays le Québec . L'empire russe entoure la finlande comme l'empire royaliste et déloyal anglais entoure et cerne le Québec .
    Nous aussi nous devons nous tenir debout devant les envahiseurs les massacreurs et les totalitaires en montrant au monde la vitalité et la nécessité des cultures vivantes comme la culture finlandaise ,la culture Québecoise et les centaines de cultures de mêmes dimensions qui font que le monde est une merveille .
    MichelG