L’université est prise en otage

L’institution universitaire doit rester autonome, sans être instrumentalisée dans la poursuite d’une cause aussi large que celle de la contestation de l’austérité

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Ça ne peut pas continuer comme ça M. Couillard

L'université québécoise est prise en otage dans le mouvement social qui oppose plusieurs groupes d’étudiants au gouvernement dans leur contestation de l’austérité budgétaire, dans la remise en cause de l’exploitation du pétrole et dans la promotion de diverses autres causes sociales. L’université est instrumentalisée en vue de contester des choix politiques et budgétaires plus larges qui la touchent, certes, mais qui affectent aussi l’ensemble de la société québécoise. Cette instrumentalisation porte préjudice à l’institution.

L’université n’est pas au service d’une cause, d’une Église, d’un parti, de l’État, des entreprises, d‘une idéologie dominante ou encore d’une classe sociale. Telle qu’on la connaît aujourd’hui, l’université est d’abord un lieu d’enseignement et de recherche, dans la grande tradition que Wilhelm von Humboldt a inaugurée lorsqu’il a créé l’Université de Berlin en 1810.

La poursuite de cette mission bien particulière de recherche, d’analyse critique, de diffusion de connaissances et de formation nécessite une grande indépendance et une complète autonomie. Or, pour mener à bien sa mission fondamentale, l’institution universitaire se doit de rester autonome et surtout, ne pas être instrumentalisée dans la poursuite d’une cause aussi large que celle de la contestation de l’austérité budgétaire imposée par l’État.

Certains taxeront ma vision de l’université d’idéaliste et de dépassée. N’est-elle pas devenue une université de masse — plus de 40 000 étudiants sont inscrits à l’Université Laval où j’enseigne —, mais aussi un lieu de formation professionnelle et un lieu de recherches appliquées, trois caractéristiques nouvelles qui se sont imposées à notre époque en parallèle à la démocratisation qui la caractérise ? Certes, mais sa raison d’être et sa spécificité sont toujours les mêmes.

Par ailleurs, même dans l’université de masse et dans les programmes fortement professionnalisés, l’institution universitaire vise la formation complète de l’étudiant, en conformité avec la vision que John Henry Newman avait avancée dans son célèbre discours de 1852. La mission fondamentale de l’université valorise en effet le savoir scientifique et la critique ainsi que la formation dans sa globalité.

On rétorquera que les orientations que se donne l’université sont toujours marquées par des idéologies à toutes les époques (« l’université au service de la classe dominante », « l’université au service du régime en place », « l’université sous l’emprise de la religion », « l’université à la solde du grand capital », etc.). Or, l’université est parvenue dans l’histoire à contrer ces dérives bien réelles justement en faisant appel aux grandes valeurs universelles qui la fondent depuis des siècles.

Besoin de sérénité

Revenons aux conflits qui touchent certains campus et certaines facultés universitaires. Je laisse de côté la question évidente de la légitimité des votes pris dans les diverses assemblées étudiantes, même si un examen sérieux s’impose afin d’en asseoir la légitimité.

L’objet des votes qui ont été pris en mars 2015 dans les universités québécoises est « la poursuite de la grève sociale ». Les militants qui en ont fait la promotion ont manifestement cherché à instrumentaliser l’université en visant à « créer un vase mouvement de mobilisation populaire contre l’austérité », comme le montre l’appel « aux forces sociales progressistes » dans les dépliants et manifestes diffusés par les protagonistes.

L’université québécoise (certaines facultés en fait) est ainsi prise en otage, ce qui n’est pas sans affecter sa mission propre rappelée plus haut, car la recherche et l’enseignement ont besoin de sérénité.

L’université est un lieu de liberté qui est en ce moment menacé par les casseurs, les militants masqués et les extrémistes qui veulent l’instrumenter. Les masqués n’ont pas leur place dans une institution publique de haut savoir. Si des milliers d’étudiants veulent suivre leurs cours et travailler avec leurs professeurs, la liberté universitaire exige de les laisser en paix.

Ne nous trompons pas. Non, ce ne sont pas les injonctions ni les recteurs — qui font appel en dernier recours à la police afin de protéger les biens publics et les personnes devant les casseurs intimidants — qui briment la liberté universitaire. Ce sont plutôt les individus masqués et les militants radicaux qui intimident les autres, verbalement ou même physiquement — et qui, par leurs actions et leur intrusion dans les salles de cours (espaces libres, je le répète), menacent la vocation même de l’université.


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