La mauvaise réaction

Chronique d'André Savard

Vigile représente une grande somme de travail. La difficile tâche éditoriale de conserver une qualité de réflexion tout en accordant la latitude aux auteurs est un défi que ses artisans relèvent avec talent et bonne volonté.
Il n’y a pas une volonté prédéterminée d’encourager l’antisémitisme sur Vigile, un sentiment qui répugne à la plupart des indépendantistes québécois. Peut-être est-ce pour cela que beaucoup de ceux qui participent à Vigile ont vécu les accusations d’antisémitisme comme une injustice.
La réaction a beaucoup relevé du déni. Pour ma part, je ne crois pas que cette réaction fut la bonne.
Il a été dit notamment que Vigile est un laboratoire ouvert aux propositions nouvelles, aux expérimentations qui n’ont pas peur de percer l’écran, et qu’à cet égard, il aurait été le prolongement d’autres lieux d’expérimentation comme Facebook.
Sur Internet, les gens fréquentent beaucoup Facebook, réseau de pages personnelles. Facebook peut ressembler à un chassé croisé thématique qui fait des liens hasardeux. Souvent ceux qui y écrivent le font dans un but d’intrigue et de sensation. On ne s’attend pas alors à une goutte de vérité et si la grande cause c’est d’avoir le nombril vert entre copains, alors, qu’importe. Celui qui n’a que la responsabilité de sa page web perso peut s’enliser dans les complaisances qu’il veut.
Vigile n’est pas le prolongement des pages web personnelles. Il a le défi d’accorder la parole mais, dans le cas qui nous préoccupe, la pratique de cette latitude s’est butée sur une frontière au-delà de laquelle des dérapages malheureux ont lieu. La responsabilité de Vigile n’est pas d’offrir sa complaisance aux marottes de clans. C’est pourtant le tour que Vigile prend si des groupes y entretiennent des hantises et qu’ils balaient la possibilité d’une rectification.
Dans les cas où des erreurs surviennent, la meilleure façon de ne pas prêter flanc à la critique est de s’en dissocier par des rectificatifs clairs. On ne peut pas dire que, tout en ayant été évoqué maladroitement, le Protocole des Juifs de Sion voulait s’offrir hypothétiquement comme un modèle d’intelligibilité pour comprendre la mondialisation actuelle. Comme schéma spéculatif pour expliquer l’organisation du monde, vous trouverez beaucoup mieux, se fera-t-on répondre.
Il est important de noter d’emblée que le Protocole des Juifs de Sion est une commande de Nicolas II de Russie. On ne peut pas dire que le Protocole de Sion, est un document d’une fausseté probable. Il est faux, d’une fausseté démontrée.
Ensuite, je crois que c’est un manque de perspective que de dire que la condamnation du Comité Canada-Israël revient à monter en épingle deux textes problématiques. Ces textes ont poussé sur l’humus d’autres textes. Que vient faire sur Vigile ses suggestions d’hyperliens à des sites anti-israéliens?
On répondra peut-être que l’on a bien le droit de se rapporter à des textes nettement anti-israéliens. Malheureusement, les ligues anti-israéliennes sont souvent férocement imaginatives. En se référant à eux, on croyait assister au montage d’une documentation qui veut servir de preuve dénonciatrice des cénacles juifs, puissante pieuvre régentant la planète. Naïf que de croire que les observateurs extérieurs de Vigile allaient se voiler la face et y voir un simple développement d’une recherche théorique.
Vouloir redorer son image en se disant victime d’un libelle diffamatoire n’est sûrement pas la voie à suivre. Certains intervenants sur Vigile devraient s’interroger sur les motivations qui les poussent à faire la promotion de la propagande anti-israélienne par une abondance de références. Ils devraient aussi s’interroger sur cette manie de représenter systématiquement la judéité en termes d’oppression des faibles et de pouvoir occulte de l’argent.
Les mêmes intervenants devraient interroger leurs associations de pensée. Les intervenants habituels qui ont tourné le bouton pour s’aiguiller sur une thématique qui rattache pêle-mêle, privilège du nationalisme ethnique, détournement secret de la cause, mainmise juive, invasion interlope, comme s’il s’agissait des pièces d’un jeu d’enfants, auraient tout avantage à réfléchir sur les devoirs inhérents à l’expression. On voit où mène cette tache d’huile exaltée.
Au lieu d’entamer un examen de conscience, prétendre que l’on a eu juste le courage de vouloir sonder la vérité n’est qu’une stratégie d’évitement.
Une autre escalade de textes du même tonneau et la crise de confiance qui s’ensuivrait envers Vigile serait probablement impossible à redresser.
André Savard


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2011

    Il est fort étrange qu'un gouvernement,une nation,une "élite" se torde le cerveau pour ne pas dire "ne pas". J'ai encore en mémoire le fait qu'on est reproché à un de nos député d'avoir dit une chose qu'il n'avait pas dite. Je trouve incroyable le fait que de dire "juif" suscite autant de malaise chez nos intellectuels. Une société qui se permet de dire que al-Kadhafi est un méchant, que l'Égypte était gouverné par un méchant tout comme l'Afghanistan, la Birmanie ...Appeler les choses par leurs noms et décrire les situations telles qu'elles sont, n'est qu'un acte de lucidité. Au Québec (et partout ailleurs),aussitôt que le mot juif est écrit ou prononcé il y a avalanche de protestations et de hauts cris, dénonçant notre antisémitisme et tuti quanti. Je refuse catégoriquement de telles accusations qui n'ont comme seul but que de réduire au silence les voix qui cherchent à exprimer la réalité.
    Pierre Paradis

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2011

    Monsieur Savard
    Toute cette orchestration sur l'antisémitisme ne serait-elle pas l'apanage du PLQ de Sir John James Charest pour créér une diversion suite au dernier budget du 17 mars dernier ce qui lui aurait évité d'être critiqué par des articles assez virulents qui auraient pu paraître sur le site Vigile? La question se pose selon moi; Charest c'est le spécialiste de la diversion!
    André Gignac pour un Québec indépendant, libre et républicain !!!

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mars 2011

    je suis personnellement d'avis que dans la grande majorité des cas les textes publiés sur Vigile sont d'excellente qualité. Évidemment c'est un site engagé qui ne cache pas ses couleurs.
    Et en fait s'il y en a que ça devrait déranger se sont davantage les fédéralistes que les juifs. Très franchement, je suis peut-être naïf, mais je ne vois pas bien comment on peut sérieusement qualifier le site Vigile.net d'antisémite ou d'anti sioniste. Dans les faits je ne fais pas bien moi-même la différence entre antisémitisme et antisionisme.
    Je ne connais aucun juif. Les seuls que j'ai jamais vu c'est soi dans un film, soit à la télévision. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais me délecter de propos haineux anti juifs ou antisioniste ou appelez-ça comme vous voudrez.
    Ça ne m'empêche pas de comprendre que l'État d'Israël me semble se comporter nettement comme un voyou et un malotrus vis-àvis ses voisins. Ce n'est pas difficile à comprendre il suffit d'écouter les bulletins de nouvelles et de lire les journaux.
    J'ai entendu dans certains reportages des Israéliens vociférer et tenir des propos haineux à l'endroit des Palestiniens. J'aimerais bien que les gens aux mains propres qui ne veulent plus toucher à Vigile qu'avec des gants redescendent sur terre.
    Mais un certain nombre de détracteurs font preuve d'une telle mauvaise foi, je pense en particulier à Joseph Facal, qu'il m'apparait évident que toute cette saga qui ne repose sur rien est soigneusement orchestrée. Qui est le chef d'orchestre ? Répondre à cette question permettrait probablement de démonter cette mécanique puante.
    Je partage entièrement votre point de vue. Je trouve cette histoire parfaitement injuste et ridicule.

  • Gilles Ouimet Répondre

    21 mars 2011

    La réaction a effectivement été la mauvaise. Beaucoup trop émotive. Comme c'est souvent notre cas, les sentiments l'ont emporté sur les opinions. Wilfrid Laurier disait que le Québec n'avait pas d'opinions, qu'il n'avait que des sentiments. Bien sûr, il caricaturait mais parfois la caricature n'est pas loin de la réalité.
    Vigile dérange. C'est évident qu'il y a bien des paires d'yeux qui scrutent tout ce qui s'y publie. Et le moindre faux pas devient un prétexte pour discréditer ce site encombrant. Plus de maturité dans la réaction n'aurait sûrement pas nui.

  • L'engagé Répondre

    20 mars 2011

    Comme je l'ai écrit à plus d'une reprise, il faut lire «Pétrole brut» de Peter Maass et idéalement accompagner cette lecture d'un documentaire qui explique l'obsession de la sécurité des approvisionnement en pétrole au Moyen Orient.
    Une fois que l'on a compris le rôle du pétrole, et pas seulement comme un cliché, la politique extérieure américaine des dernières années et la relation entre Israël et les EU est plus compréhensible.
    Le Québec, lui, regorge de ressources et il est assujetti au Canada. Quel rapport me direz-vous? Permettez-moi de citez Mousseau (Au bout du pétrole) dans sa synthèse de «Tar Sand» de Nikiforuk :
    «Grâce à l’analyse de Nikiforuk, on découvre donc également à quel point le pétrole affecte la politique provinciale et fédérale au Canada.
    C’est à cause de cet argent facile que les Albertains ont presque abdiqué leur droit à un gouvernement responsable, se contentant de réélire, élection après élection, le même parti, pourtant à la solde des grandes pétrolières. Payant peu d’impôts et de taxes, ils ne se sentent pas vraiment impliqués dans la gestion de leur province.
    Avec l’élection des conservateurs, dont la base est en Alberta, la pétropolitique s’est solidement implantée au niveau fédéral (elle était déjà présente, bien sûr, sous les gouvernements précédents) et elle domine la politique du pays, bloquant toute tentative de moderniser l’économique canadienne qui se retrouve tout entière au service de l’industrie pétrolière.
    Ce coup d’état s’est fait sans déversement de sang ni d’encre. Sans annonce officielle ni programme. N’oublions pas que le Canada est le seul grand pays producteur de pétrole à ne pas disposer d’une politique énergétique nationale. Les décisions se prennent donc en l’absence d’un cadre officiel et public, au seul profit de l’industrie pétrolière, tant dans le secteur environnemental que du côté industriel, économique et de la recherche. Privés d’une vision plus large, les citoyens sont livrés à eux-mêmes, ce qui les empêche de comprendre comment cette série de décisions transforme le pays.»
    Où se situent les lobbys sionistes ou les organisations juives officielle là-dedans? Il me semble qu'ils sont au diapasons des lobbys sionistes américains : ils encouragent les gouvernements et les partis de manières à ce que la politique étrangère canadienne consolide l'hégémonie israélienne plus que la résolution pacifique du conflit entre Palestiniens et Israéliens. Cet alignement dans l'axe de la politique étrangère américaine s'accompagne de la consolidation d'un pouvoir pétrolier qui accomplit au Canada la même colonisation, et la même réaction autoritaire que dans les pays arabes, regardez ce que les conservateurs font à la démocratie canadienne pour vous en rendre compte.
    Ce conflit géopolitique a une grande incidence sur la politique intérieure du Canada. Et si le Québec devient souverain, c'est un instrument important de politique étrangère, le Canada tel qu'on le connait, qui va changer de visage d'une manière imprévisible.
    Par ailleurs, contrairement aux Québécois en général et au Québec Inc. qui ont placé leurs billes un peu partout sur l'échiquier politique, les accointances politiques juives comme les accointances italiennes et grecques, sont principalement libérales, il y a évidemment des exceptions. Il est naturel pour une communauté minoritaire de vouloir se rapprocher du pouvoir, de la majorité, et non s'allier à un groupe secondaire sur le plan politique politique.
    Cette communauté juive ne sera-t-elle pas alors naturellement portée à être instrumentalisée, surtout contre un groupe qui veut être «maitre chez lui»?
    Ce «maitre chez nous» est une affirmation politique pour recouvrer la mainmise de deux domaines incertains : la culture et l'économie.
    Pour éviter que les nationalistes québécois n'oeuvrent par eux-mêmes et récupèrent leurs ressources, il faut les discréditer; quoi de mieux pour y arriver que de montrer le danger qu'ils représentent. C'est ainsi que l'on utilise dans le débat linguistique l'arme de l'antisémitisme, c'est ainsi que l'on a discrédité Michaud.
    Que l'architecte de cette mise à mort politique soit le même individu qui représente aujourd'hui les gazières, qu'il s'agisse du même qui ne voulait pas que l'on redonne à la loi 101 sa virilité rend d'autant plus cohérente cette idée suivante :
    Il y a de l'argent facile qui se brasse au Québec, on vole littéralement le peuple Québécois. Lisez Mafia Inc. de Cédilot et Noël pour vous en rendre compte. C'est ainsi que ceux qui en profitent ne veulent pas que ce manège cesse et c'est la machine libérale qui est l'huile politique dans cet engrenage lequel comprend le blanchiment de l'argent, à la réfection des trottoirs, aux 2 hôpitaux universitaires, aux gaz de schiste et enfin aux réserves pétrolières québécoises.
    Cet argent facile au détriment des Québécois produit le même effet qu'en Alberta, changez le texte de Mousseau par une référence à cet argent facile : « [qui] domine la politique [de la province], bloquant toute tentative de moderniser l’économique québécoises qui se retrouve tout entière au service [d'intérêts particuliers plutôt que collectifs].
    On pose la question de la pertinence des liens antisionistes sur Vigile, mais est-il permis de se poser des questions sur le rôle d'acteurs pro-sionistes chez nos adversaires libéraux et fédéralistes? N'est-il pas naturel de se demander à qui profitent les accusations d'antisémitisme?
    Vous me répondrez aux fédéralistes, mais qui sont aujourd'hui ces fédéralistes? Il ne s'agit plus de Ryan ou de Trudeau, mais d'une autre clique.
    André Savard termine son texte sur l'idée d'une «tache d’huile exaltée ». J'aimerais reprendre son expression. Nos adversaires sont ceux de la tâches d'huile : les fédéralistes qui s'opposent à nous ne sont plus des idéalistes bilingues mais des profiteurs, des opportunistes qui se payent des mercenaires politiques.
    Comme dans les pays arabes, c'est pourquoi l'antisionisme n'est pas près de s'éteindre : il cristallise à la fois le sentiment d'injustice que nous ressentons par rapport au vol de nos ressources que notre rage de voir notre culture bafouée, et ce, avec l'assentiment de marionnettes que l'argent tient en place.
    Quand donc c'est le B'nai Brith ou le Comité-Canada Israël
    qui nous frappent, il faudrait apprendre à les voir comme un bâton et ne pas s'en prendre au bâton, mais à la structure qui en régit le fonctionnement.