IPSO - soirée débat

La reconnaissance de la nation par Harper : manipulation des symboles?

Suivi d'un compte rendu de la soirée

Canada-Québec - sortir ou rester ? <br>Il faudra bien se décider un jour...

[->WWW.ipsoquebec.org] Les Intellectuels pour la souveraineté (IPSO) vous invitent le mardi 4
décembre prochain à 19h00 au pavillon Athanase David de l’UQAM, salle
D-R200 à une soirée débat sur le thème : Stéphane Harper, la reconnaissance
de la nation québécoise et le règlement du déséquilibre fiscal : Avancée ou
manipulation des symboles?

Vous pourrez échanger avec :
- Jocelyne Couture (Département de philosophie, UQAM)
- Guy Lachapelle (Département de science politique, Université Concordia)
- Pierre Paquette (Leader parlementaire du Bloc québécois)
- François Rocher (Commentateur, École d’étude politique, Université
d’Ottawa)
Madame Andrée Lajoie du Centre de recherche en droit public de
l’université de Montréal présidera les débats.
Renseignements : Daniel Gomez 514-384-1179
WWW.ipsoquebec.org
ipso@cam.org
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Compte rendu
Stephen Harper, la reconnaissance de la nation québécoise et le règlement
du déséquilibre fiscal : Avancée ou manipulation des symboles?

La soirée-débat du 4 décembre a réuni une vingtaine de membres des IPSO
au pavillon Athanase David de l’UQAM pour échanger sur le thème de la
reconnaissance de la nation québécoise et du règlement du déséquilibre
fiscal par Stephen Harper. Ils se sont demandés s’il s’agissait là d’une
avancée pour le Québec ou d’une simple manipulation des symboles. S’est
posée également la question de la stratégie à adopter face à cette nouvelle
conjoncture. Jocelyne Couture du département de philosophie de l’UQAM, Guy
Lachapelle, du département de science politique de Concordia et Henri
Laberge, Président du mouvement laïc québécois, étaient les conférenciers
invités. François Rocher, membre du CA des IPSO, agissait comme
commentateur et Andrée Lajoie, également du CA des IPSO, comme
présidente.
Nous présentons ici une brève synthèse des interventions des trois
conférenciers en espérant ne pas trop déformer leurs propos.
***

Jocelyne Couture a ouvert la soirée en élaborant surtout sur la
manipulation des symboles et, plus spécifiquement, sur le mode de
fonctionnement de cette manipulation. Elle a noté que la reconnaissance
de la nation québécoise et le règlement du déséquilibre fiscal étaient des
symboles forts car ils sont emblématiques et en eux se focalisent beaucoup
d’aspirations des Québécois. La nation par exemple réfère à l’identité
culturelle, à la spécificité identitaire et à l’espace communautaire et
territorial.
Le déséquilibre fiscal est quant à lui une représentation emblématique de
la relation de dépendance et de domination que peuvent ressentir les
Québécois face au Canada.
La professeure de l’UQAM s’est également exprimée sur la manipulation des
symboles. Pour elle, la reconnaissance de la nation québécoise, sous la
forme que lui a donnée Harper, a permis de créer un nouveau symbole
canadien. En effet, pour le reste du Canada cette nation québécoise
n’existe maintenant que par rapport au Canada tel qu’il se définit. Elle
continue en notant que Harper propose de régler la question du déséquilibre
fiscal entre Ottawa et les provinces. Mais, en faisant cela il déplace les
symboles et les manipule puisqu’il occulte le fait que le déséquilibre
fiscal symbolise un rapport de domination entre Ottawa et Québec.
Pour madame Couture il ne semble donc pas y avoir d’avancée pour le Québec
dans cette nouvelle conjoncture. Mais elle se demande si en revanche tout
cela pourrait se traduire en avancée pour Harper et la Canada anglais face
au Québec? Elle se demande également si les québécois peuvent être dupes
de manipulations aussi grossières? Elle pense que cela se pourrait, car ce
qu’entend la population c’est que Harper a réglé le déséquilibre fiscal et
qu’il a reconnu la nation québécoise, même si la nation dont parle Harper
n’a rien a voir avec la nation telle que définie par les Québécois.
Finalement, conclut Jocelyne Couture, on n’a pas changé politiquement et
juridiquement les rapports qui existent entre le Québec et le reste du
Canada mais on a changé le langage. On a, dit-elle, confisqué le langage.
Mais cette manipulation est une arme à double tranchant. On peut
l’utiliser. Elle donne l’exemple des provinces de l’Ouest canadien qui ont
protesté lors de la reconnaissance de la nation par Stephen Harper car
elles l’avaient prise dans son sens initial. De même le pari du Bloc
québécois, qui a consisté à reprendre la notion conservatrice de la nation
et tenté de la faire accepter dans son sens initial par le reste du Canada.
C’est un pari risqué, souligne-t-elle.
***
« Il faut faire du millage sur la reconnaissance de la nation québécoise
plutôt que de dire que le gouvernement fédéral l’a utilisée d’une façon
incorrecte »

Henri Laberge
Henri Laberge n’abonde pas tout à fait dans le même sens que
Jocelyne Couture et quant à lui il en relativise la teneur symbolique du
déséquilibre fiscal. Il insiste surtout sur la puissance symbolique de
l’idée de nation. Pour lui, les symboles peuvent parfois être plus forts
que les représentations intellectuelles les plus sophistiquées. Mais, nous
prévient-il, chacun peut mettre ce qu’il veut dans ce concept. Autrement
dit, le contenu, le sens, de la nation peut varier selon les intervenants.

Laberge fait ensuite un petit historique du qualificatif de nation
pour le Canada français et le Québec. Il insiste sur la tenue des États
généraux du Canada français vers le milieu des années 60. À cette occasion,
le terme de nation québécoise s’est imposé et le Québec a pu se considérer
comme une nation. Il disposait pour cela de tous les attributs nécessaires
à une entité nationale : territoire, langue, institutions, peuple, culture,
etc.
Selon le président du Mouvement laïc québécois, il faut apprécier
la résolution de la Chambre des communes qui reconnaît le Québec comme
nation. C’est grâce à l’initiative du Bloc québécois que ceci est arrivé.
Pour les conservateurs il s’agit certes d’une manœuvre politique, mais pour
les nationalistes québécois c’est une victoire au niveau symbolique.
Laberge pense que la deuxième partie de la résolution conservatrice, qui
précise « dans un Canada uni » n’atténue pas la portée de la résolution.
En effet, elle ne dit pas que la nation n’existerait pas, même sans Canada
uni.
Si le fédéral reconnaît la nation québécoise, il doit aussi
reconnaître tout ce qui vient avec : la Charte du Français, les lois et
compétences nationales québécoises : en matières internationales, sur
l’immigration, etc. Cela devrait même être inscrit dans la constitution. Il
faut forcer Ottawa à poser les gestes qui sont conséquents avec la
reconnaissance de la nation québécoise.
Le conférencier élabore beaucoup moins sur la question du
déséquilibre fiscal. Il souligne que le fédéral accumule des surplus
financiers alors que les provinces sont en quasi déficit. Il ne s’agit pas
là d’un simple symbole mais de quelque chose de concret. Il faudrait alors
qu’Ottawa se retire des champs de compétences provinciales et que les
provinces récupèrent des points d’impôt. Mais, conclut-il, ce n’est pas ce
qui est en train de se passer.
***
Guy Lachapelle poursuit dans le même sens que Henri Laberge. Il
reste sur le terrain de l’action concrète et pose la question de la
stratégie à adopter suite à la nouvelle conjoncture initiée par les
conservateurs.
Il note que pour les canadiens-anglais le terme nation est
l’équivalent de pays. Il soutient également que Stephen Harper essaie de
revenir à l’image du Canada bi-national telle que le pensaient Pearson et le
rapport Pepin-Robarts, ainsi qu’à la théorie des pouvoirs asymétriques.
Il pense donc que la meilleure stratégie pour le Québec consiste
à jouer le jeu à fond. Il faut pour cela poser des gestes concrets et
courageux : par exemple demander la reconnaissance du Québec sur la scène
internationale. Cela sera rendu plus légitime par la reconnaissance de
nation. Pour lui, l’initiative doit venir de Québec. Dans la même logique
stratégique, il salue l’idée de la citoyenneté québécoise du Parti
québécois.
Il s’attarde ensuite sur le déséquilibre fiscal, question plus
complexe, moins claire chez beaucoup de personnes. Le professeur de
Concordia nous dit que le système canadien de transfert fiscal est unique
au monde dans sa complexité. Il semble y avoir de grandes incohérences, par
exemple dans le domaine des prélèvements fiscaux et des champs de dépenses
: Ottawa et les provinces se partagent de manière à peu près égale
l’assiette fiscale alors que leurs champs de dépenses sont très différents.
Lachapelle élabore sur les différentes formes de transferts du
Fédéral vers le Québec. Ces transferts de péréquation représenteraient 9
milliards, sur un budget québécois de 52 milliards. Il s’agit d’un domaine
très complexe. Le gouvernement libéral québécois comptait sur le Conseil de
la fédération pour répondre à cette complexité; mais cela ne semble pas
avoir donné grand-chose.
Pour le conférencier, il existe au Québec une situation
particulière, plus difficile que dans les autres provinces : nous payons
plus d’impôts. Mais pour lui cela n’est qu’une apparence. En effet, si on
fait le calcul de l’impôt que les citoyens paient et des services qu’ils
reçoivent, on en vient à la conclusion qu’à la fin de l’exercice il reste
plus d’argent dans les poches des Québécois que dans celles de leurs
voisins canadiens. Il faut donc dire à la population qu’elle pourrait avoir
encore plus de services si le Québec avait plus de ressources.
Guy Lachapelle conclut en énumérant les multiples causes du
déséquilibre fiscal. Il insiste sur la péréquation, sa complexité et le
fait que ce soit un système unique au monde. Il y aurait 34 facteurs de
taxation.
Face à tout ça, que peut-on faire se demande-t-il? Ottawa nous
propose d’augmenter nos taxes. Lachapelle pense que l’on aurait pu
récupérer les deux points de taxes que le gouvernement central a
abandonnés. Bref, il faut être capable d’augmenter nos revenus. Il faut
également trouver d’autres moyens de gouverner, de façon à réduire nos
dépenses.
Pour le politologue, il semble que le prochain débat devrait tourner
autour du pouvoir fédéral de dépenser. On verra ce qu’Ottawa fera.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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