CLIMAT

Laurent Fabius en appelle au devoir des riches

Une entrevue exclusive avec le ministre français président de la Conférence de Paris

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Bonne chance quand même M. Fabius

Alors qu’aucun consensus ne semble encore se dessiner pour la conférence de l’ONU qui se tiendra en décembre à Paris, Laurent Fabius juge essentiel que les membres du G7, réunis à partir de dimanche à Munich, réitèrent leur engagement à limiter le réchauffement climatique en dessous de deux degrés Celsius d’ici 2050.

« Ce que vont dire les pays les plus riches est très important et très attendu », a-t-il déclaré aux représentants de quelques grands quotidiens étrangers (dont Le Devoir) réunis jeudi au Quai d’Orsay. « Nous souhaitons d’abord que le communiqué final s’engage à respecter une trajectoire globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre compatible avec l’objectif des 2 degrés à l’horizon du siècle. » Si Laurent Fabius semble juger peu probable que le G7 reprenne l’objectif ambitieux fixé par Angela Merkel le 21 mai à Petersberg (une réduction de 60 % des émissions), il n’en juge pas moins que « l’idéal serait qu’on puisse reprendre l’objectif mondial défini par le GIEC d’une réduction mondiale des émissions de carbone de 40 à 70 % entre 2010 et 2050 ».

Mais le président de la COP21 veut aussi que les pays riches s’engagent à respecter les engagements financiers pris à la conférence de Copenhague (2009). Il s’agit « de consacrer, en 2020, 100 milliards de dollars [publics et privés, précise-t-il] par an aux pays en développement. Pour beaucoup de pays, c’est la condition d’un accord à Paris ».

Enfin, Laurent Fabius juge essentiel que le G7 lance immédiatement deux initiatives concrètes : la généralisation des systèmes d’alerte face aux catastrophes climatiques (notamment pour les îles du Pacifique) et le soutien à un grand plan d’investissement dans les énergies renouvelables en Afrique. « Il est très important d’être concret et de pouvoir démarrer des initiatives dans la période 2015-2020 », précise-t-il, alors que les résolutions de la Conférence de Paris ne seront pas applicables avant 2020.

Le rôle du Québec et de l’Alberta

Fabius ne désespère pas de convaincre d’ici décembre un mauvais élève comme le Canada, qui s’est récemment donné pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % entre 2005 et 2030. Il mise pour cela sur le Québec, dont il juge les objectifs « remarquables », et même sur le nouveau gouvernement albertain.

« Moi, je fais confiance à la discussion et à l’intelligence collective, dit-il. Ce n’est pas à moi de donner des notes. Mais, ce n’est pas un scoop de dire que le gouvernement canadien, tout en acceptant l’objectif d’ensemble, a un certain nombre de réserves […]. Mais vous savez aussi que les premiers ministres de plusieurs [provinces], eux, ont pris des positions très avancées. Monsieur Couillard, qui était ici il n’y a pas très longtemps, a pris des positions qui sont tout à fait remarquables. Il n’est pas le seul. Il y a maintenant une nouvelle première ministre en Alberta qui elle-même a pris des positions plus avancées. »

Le ministre des Affaires étrangères compte sur les discussions à huis clos à Munich pour inciter le Canada au compromis. Il n’en rappelle pas moins que s’« il faut être pragmatique, il faut aussi se fixer des objectifs ambitieux. […] Si on veut réussir la COP21, il faut s’en donner les moyens. »

Plus généralement, le président de la Conférence de Paris se réjouit de voir de plus en plus d’entreprises s’engager dans la lutte contre les gaz à effet de serre. Il cite la Banque centraméricaine d’intégration économique (BCIE), qui s’est engagée à ne plus financer les projets utilisant du charbon, le groupe IKEA, qui dit vouloir consacrer plus d’un milliard de dollars aux énergies renouvelables, et Standard Poor’s, qui tient maintenant compte du risque climatique dans ses notations.

Au-delà des États

Pour la première fois, la COP va d’ailleurs demander à d’autres instances que les États de s’engager, précise-t-il. « Vous allez avoir pas mal d’entreprises et des régions. La Californie est quand même la huitième [économie mondiale]. Je ne dis pas qu’on pourra additionner tous ces engagements, souvent déjà pris en compte par les pays. Il va falloir trouver un mécanisme permettant de réévaluer ces objectifs. »

Laurent Fabius demeure certain d’arriver à un préaccord d’ici le mois d’octobre. Même si seulement une trentaine de pays ont rendu publics leurs objectifs de réduction des émissions, il croit que 80 % des 196 pays participants le feront d’ici l’automne.

Quant aux critiques adressées par sa collègue, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, selon qui « les négociations de l’ONU sont totalement inadaptées à l’urgence climatique », Laurent Fabius demeure impassible. « On est dans un certain cadre international qui a été décidé il y a très longtemps. […] Il faut essayer de tirer parti le plus efficacement de ce cadre. […] La lutte contre le dérèglement climatique, ce n’est pas un 100 mètres, c’est un marathon. »


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