Marois se retire

La députée de Taillon annonce sa démission «sereinement, sans amertume»

Pauline Marois quitte le PQ

Dutrisac, Robert
_ Le Devoir mardi 21 mars 2006
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Québec - Figure de proue du Parti québécois et de ses gouvernements, Pauline Marois a remis sa démission, hier, comme députée de Taillon à l'Assemblée nationale, «sereinement, sans amertume», sans fracas ni drame non plus, fidèle à sa manière.
«Le coeur n'y est plus», a déclaré Pauline Marois à l'Assemblée nationale dans son allocution qui signait avec émotion presque 30 ans de vie politique dont 20 ans comme députée. «Pour faire le métier que l'on fait, ça demande de la passion, ça demande un engagement sans limite et je l'ai toujours fait. Et le coeur n'y était plus, la motivation n'était pas là. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé», a-t-elle dit au cours de la conférence de presse qui a suivi.
Élue une première fois en 1981 sous un gouvernement de René Lévesque, Pauline Marois, à 56 ans, quitte la politique active, mais ne coupe pas les ponts avec son parti. «Je resterai militante, active et féministe.» Elle n'a d'ailleurs pas écarté, hier, un retour en politique.
Pauline Marois est l'élue - homme ou femme - qui occupé le grand nombre de fonctions ministérielles dans l'histoire du Québec. Et elle a été surtout à la tête de tous les ministères les plus importants: Finances, Éducation, Santé et Services sociaux, Conseil du trésor.
Dans son hommage à l'Assemblée nationale, le premier ministre Jean Charest, pince-sans-rire, n'a pas manqué de souligner cet accomplissement. «Un jour, sait-on jamais, peut-être un homme fera la même chose. Permettez-moi d'en douter», a-t-il dit.
Vice-première ministre dans le dernier gouvernement péquiste, Pauline Marois a mordu la poussière chaque fois qu'elle a voulu devenir chef du PQ. Sa dernière défaite avait fait mal puisqu'elle voyait s'évanouir sa meilleure chance - et sans doute la dernière - d'occuper la fonction de chef du PQ puis de premier ministre.
Toujours sans se montrer amère, Pauline Marois, après une période de repos et de réflexion de quelques semaines après la longue et épuisante course à la direction, avait choisi de rester en poste. Elle avait demandé à André Boisclair la responsabilité des relations internationales, ce qu'il lui avait confié sans hésiter. «Je peux vous dire que le chef du Parti québécois, André Boisclair, a été très accueillant», a dit Mme Marois, qui a tout fait, hier, pour ne pas porter ombrage à son chef. Ses relations avec lui étaient «excellentes, chaleureuses», a-t-elle affirmé.
Au cours d'un point de presse à Montréal, André Boisclair, a soutenu qu'il n'aurait rien pu faire de plus pour retenir la députée de Taillon. Tout en évoquant la «tristesse» que suscite son départ, le chef péquiste estime que c'est là «une occasion de renouveler les effectifs et de faire en sorte que le PQ ait ce dont il a besoin pour mériter la confiance des gens à la prochaine campagne électorale». Selon lui, «il existe des gens fantastiques» qui vont prendre la relève.
D'autres démissions au PQ sont à prévoir, et le député de Borduas, Jean-Pierre Charbonneau, laissait entendre hier, en commentant le départ de Mme Marois, qu'il était de ceux qui étaient en réflexion.
«Je vous indique qu'il y aura d'autres départs au PQ», a déclaré de son côté M. Boisclair, qui se réjouit de cette perspective. «Cela est sain», a-t-il dit. Le PQ est en pleine transformation, une opération de renouveau «délicate» qui se fait «sans heurts», estime-t-il. «Vous avez la démonstration que le Parti québécois, c'est un parti qui est en vie.»
Quant à l'entrée de M. Boisclair à l'Assemblée nationale, elle se fera à l'automne, a précisé le chef péquiste. La circonscription de Pointe-aux-Trembles deviendra vacante en juin quand Nicole Léger démissionnera comme elle l'a annoncé. Une élection partielle doit s'y tenir à l'automne. Pour la circonscription de Taillon, le premier ministre a six mois pour déclencher une élection, ce qui nous reporte en septembre. M. Boisclair a souligné qu'il verrait d'un bon oeil qu'une femme s'y présente.
À l'Assemblée nationale, Pauline Marois, comme «l'ultime expression de son privilège de députée», a demandé au gouvernement de préserver les centres de la petite enfance (CPE). «Je ne comprends toujours pas qu'une somme d'argent à la famille puisse remplacer l'éducation», a déploré la députée. C'est une recommandation «que nous recevons avec beaucoup d'ouverture», a dit Jean Charest par la suite.
De toutes les charges que Mme Marois a assumées, c'est celle de ministre de l'Éducation qu'elle a le plus appréciée. Parmi ses réalisations, elle a notamment cité, outre le réseau des CPE, le projet de loi sur les congés parentaux et l'amendement constitutionnel pour déconfessionnaliser les commissions scolaires. Les personnes qui ont compté pour elle en politique, c'est René Lévesque, «le plus admirable premier ministre» qui a dit: «On peut perdre ses illusions, mais jamais son idéal.» C'est Lise Payette pour qui «notre place de femmes en politique est évidente même si elle se réalise de façon différente». C'est Jacques Parizeau, «exigeant, précis» qui «voulait tout comprendre, tout savoir». C'est Lucien Bouchard, «charismatique et rassembleur, d'une énergie infinie», mais pointilleux aussi. C'est Bernard Landry pour qui elle n'a que des bons mots: «Brillant et stratège», «fidèle à ses convictions», «passionné». C'est enfin son amie, Louise Harel. «Louise, nous avons, ensemble, tenu aussi haut que possible la cause des femmes, la fierté de les représenter».
Dans son panégyrique, Louise Harel a souligné le mérite de cette «femme-orchestre», mère de quatre enfants, qui a réussi à concilier sa vie de famille et les exigences de la politique et à «conjuguer féminisme et féminité». Elle est de «la race des pionnières», a affirmé Mme Harel. «Lorsqu'elle fut élue en 1981, cela faisait à peine cinq ans qu'il y avait plus d'une femme qui siégeait en même temps dans ce Parlement», a rappelé la chef de l'opposition officielle.


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