3e partie
Des investissements de 30 milliards $ à l’étranger en 2014
Pour nous faire avaler sans rien dire la vente de la société québécoise RONA acquise par l’Américaine Lowe’s au prix de 3,2 milliards $ canadiens: «Monsieur Couillard a dit que les entreprises québécoises ont effectué des investissements-acquisitions à l’étranger de 30 milliards $ en 2014». Voilà une façon primaire et bancale de laisser croire aux Québécois que la province en sort en gagnante en termes de fusions-acquisitions. Selon monsieur Couillard, nos firmes achètent plus de compagnies à l’extérieur que des étrangères acquièrent des entreprises québécoises. Si on se fie aux propos de monsieur Couillard, le Québec serait un pays impérialiste qui achète tout ce qui est à vendre dans le monde. En fait, le Québec et le Canada sont, parmi les pays occidentaux, ceux qui contrôlent le moins leur économie en termes d’importance relative des revenus générés et non du chiffre trompeur du nombre d’entreprises détenues. Par exemple, Wal-Mart, Esso, Pfizer et maintenant RONA valent des millions de petites et moyennes entreprises au niveau du volume d’affaires.
Déballer sans aucune gêne que les entreprises québécoises ont investi 30 milliards $ à l’étranger en 2014 afin de justifier un autre geste de colonisé du Québec est indigne d’un premier ministre.
Mais où sont les journalistes?
Me semble que les journalistes des médias écrits et parlés ne font pas le travail auquel la population est en droit de s’attendre afin de connaître la vérité.
Un journaliste aurait pu poliment demander à monsieur Couillard qu’elle était la source du fait qu’il avance? Statistique Canada, l’Institut de la statistique du Québec, l’OCDE, l’ONU, etc.? Mais non, son investissement de 30 milliards $, il a pris ça dans un simple article du National Post du mois de juin 2015. C’est vraiment pas sérieux. Au moins, il aurait pu faire vérifier la véracité de l’infirmation par des employés de l’État. Mais il ne l’a pas fait.
Deuxièmement, un journaliste aurait pu doucement lui demander, c’est justement sa job de poser des questions, ceci: Monsieur Couillard, qu’entendez-vous par entreprises «québécoises»? Des compagnies incorporées ici au Québec et détenues par des Québécois? Ou simplement des compagnies légalement incorporées au Québec détenues par des Québécois ou par des étrangers comme Esso Québec, Wal-Mart Québec, Pfizer Québec, Sobeys Québec, etc.? Des filiales de sociétés étrangères québécoises qui juridiquement sont des entreprises québécoises. Ça fait que ces compagnies «québécoises», filiales de compagnies étrangères, quand elles «shippent» chaque année des milliards de dollars en profits gagnés ici au Québec à leur compagnie-mère à l’étranger; ils sont comptabilisés comme des investissements de compagnies québécoises effectués à l’étranger, alors que dans les faits ça représente un appauvrissement de la collectivité québécoise. Mes amis journalistes, vous comprenez maintenant?
Dire que c’est ce même monsieur Couillard qui fait la leçon aux autres, comme dans «Forum des idées. Couillard critique le corporatisme des syndicats» et «La démagogie n’a pas sa place dans le débat» (La Presse, 28 septembre 2015 et Le Devoir, 4 mars 2015). Si Monsieur Couillard était que démagogue, mais hélas il est plus que ça.
Pas mieux que Philippe Couillard, la nouvelle ministre de l’Économie, que les médias nous ont présentée comme une étoile filante, madame la transfuge caquiste Dominique Anglade, qui nous largue, dans toute sa superbe, que la vente de RONA à des étrangers va nous enrichir. Ayoye! Peut-être une nouvelle théorie économique: l’enrichissement d’un peuple par sa dépossession ou plus t’es colonisé plus tu t’enrichis? Franchement, au Parti libéral du Québec c’est du n’importe quoi et ça se pense «smatte».
Près de 30 québécoises au Luxembourg et on en fait pas de cas
Ah ben, en 2014, grâce au Cosortium international des journalistes d’enquête, on a appris qu’environ 30 compagnies québécoises étaient présentes au Luxembourg et ailleurs afin d’y faire, je suppose, des investissements à l’étranger? (La Presse, 11 décembre 2014). Ah ben, on retrouve parmi ces «investisseurs» dans les paradis fiscaux, dans ce cas au Luxembourg, des joyaux québécois comme Valeant, Alimentation Couche-Tard, CGI, Saputo, Bombardier, Gaz Métro, Cogeco Câble, Dorel, Transat, Garda, etc. Bizarre, on ne retrouve pas Québecor et Vidéotron. Les limiers de Radio-Canada de l’émission Enquête n’ont pas jugé bon de gratter. C’est moins accrocheur quand ils ne peuvent accoler le nom de Pierre Karl Péladeau. Moins bon pour les cotes d’écoute de parler d’évasion fiscale dans les paradis fiscaux avec des noms comme Canadien National, Gildan, Cogeco, Cascades et Boralex de la famille Lemaire, Lassonde, etc.
C’est l’histoire du gars... François Legault
Il y a François Legault qui affirme qu’Air Transat, contrairement à Québecor, n’a jamais au grand jamais créé de filiales dans un paradis fiscal pour, cinq minutes plus tard, lorsque sa mémoire sélective lui revient, admettre que l’entreprise avait une filiale à la Barbade: «Legault se contredit sur les paradis fiscaux» (Le Journal de Québec, 25 janvier 2016). Mais pas seulement à la Barbade, mais aussi une au Luxembourg tel que mentionné dans le texte écrit par Sylvain Laroque. Et fort probablement ailleurs?
Québecor paie 12 % d’impôts, selon Radio-Canada
À l’émission Enquête de Radio-Canada, la journaliste Madeleine Roy, a affirmé que Québecor payait seulement 12 % d’impôts sur le revenu effectif en moyenne chaque année, laissant planer que c’est probablement dû au fait que Québecor avait des filiales dans les paradis fiscaux. Pourtant, si Québecor a payé seulement 12 % d’impôts sur le revenu c’est en raison des importantes pertes d’exploitation et en capital occasionnées, entre autres, par ses placements malheureusement dans Quebecor World et Sun Media.
Tiens, tiens, dans un intéressant dossier paru dans La Presse du 30 août 2014 intitulé: «Entreprises québécoises. Des milliards conservés à l’étranger», on apprend qu’en 2012, Jean Coutu a payé 12 % d’impôt sur le revenu en raison justement de l’utilisation de pertes fiscales liées à son ex-filiale Rite Aid. Ah ben, idem pour TransForce, qui en 2013, a supporté un taux d’impôts sur le revenu effectif de 13 % à cause de pertes fiscales subies aux États-Unis.
Il y a aussi la québécoise Gildan qui a payé 3 % d’impôts réels, en 2012 et en 2013, sur ses profits grâce à ses filiales étrangères localisées dans les paradis fiscaux comme le fait Alimentation Couche-Tard, qui a affiché un taux d’impôt consolidé de 11 % en 2012 grâce à ses filiales «étrangères». Non, pas celles localisées en Norvège ou aux États-Unis. En plus, il y a la québécoise Valeant qui a encouru des impôts sur le revenu de 36 % aux États-Unis et de seulement 3 % au Québec. Mais pourquoi donc? (Le Journal de Montréal, 27 août 2014: «Le Québec, paradis fiscal»).
Voilà d’autres cas similaires à Québecor. Est-ce que Enquête va enquêter sur ces dossiers «explosifs»? La morale de l’histoire est qu’il ne faut pas s’aventurer sur des sujets complexes de fiscalité internationale, d’états financiers consolidés, des concepts de bénéfice comptable, de bénéfice imposable, de prix de transfert, etc. Je suis comptable agréé, et j’ai travaillé six ans dans des cabinets d’experts-comptables, j’aurais peut-être pu aider au reportage?
Même notre Caisse de dépôt dans les paradis fiscaux
Quand les politiciens du Québec et du Canada promettent de lutter activement contre les entreprises et les individus qui détournent des milliards chaque année, milliards en moins pour financer nos services publics et qui les amènent à nous dire qu’ils sont obligés «d’austériser» nos programmes sociaux, ils mentent encore une fois. Ils ne veulent pas froisser leurs amis qui financent leur parti politique et qui les embauchent après avoir effectué un service politique «émérite». Beaucoup plus facile et bien vu par leurs relations de s’attaquer au monde ordinaire qui s’adonne «illégalement» au marché noir en ne déclarant pas certains petits revenus ou en n’exigeant pas de facture de vente afin de «sauver» sur les taxes à la consommation. Faire ça, c’est illégal et passible de prison, mais les paradis fiscaux, ça c’est parfaitement légal et même nécessaire, que certains prétendent, afin que nos entreprises restent compétitives et actives. Sinon, elles fermeront leurs portes et seront obligées de congédier tous leurs employés. À les écouter, faut encourager les entreprises québécoises à pratiquer, à grande échelle, l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux car c’est supposément pour notre bien qu’elles font ça.
Tiens, il y a Bombardier qui est active dans les paradis fiscaux: «Bombardier n’est pas seule au Luxembourg» (La Presse, 11 décembre 2014). Ça n’a pas empêché monsieur Couillard, de donner 1,3 milliard $ de notre argent public à Bombardier, qui a, ne l’oublions pas, comme lobbyiste, l’ex-ministre libéral des finances Raymond Bachand (disons que ça ne nuit pas). Et, pas offusquée pour cinq cennes, notre Caisse de dépôt et placement du Québec ne s’est pas empêchée de placer un gros 1,5 milliard $ dans Bombardier avec notre argent qui doit payer nos pensions. Ils ont trouvé près de 3 milliards $ de fonds publics pour «investir» dans le canard boiteux Bombardier, alors que d’autres (Boeing, Airbus, etc.) trouvaient ça trop risqué, mais n’ont pas pu dénicher de l’argent pour investir dans RONA. En passant, la Caisse de dépôt, pour le mieux-être des cotisants, aurait dû prendre 1,5 milliard $ placés dans Bombardier et plutôt augmenter sa participation dans RONA. Me semble que c’est très élémentaire. Et pas seulement au profit des cotisants, mais aussi des fournisseurs québécois, des employés, des régions et, en somme, tout le Québec.
Incroyable mais vrai, la Caisse de dépôt et placement du Québec, une société d’État, fait, elle aussi, joyeusement affaire dans les paradis fiscaux: «La Caisse prête dans les paradis fiscaux pour le Ritz» et «La Caisse au Luxembourg pour payer moins d’impôts» (Le Journal de Montréal, 17 juin 2014 et La Presse, 12 décembre 2014). Et, mes amis, ça ne date pas d’hier, comme j’ai pu le constater en fouillant dans mes vieux dossiers d’articles de journaux: «La Caisse de dépôt admet utiliser des paradis fiscaux pour maximiser ses gains» (La Presse, 9 mars 2002). Et vous croyez encore que vos élus se battent férocement et courageusement pour vous afin d’instaurer des politiques fiscales équitables et afin de boucher les nombreuses échappatoires fiscales qui profitent strictement à la caste supérieure?
À la juge qui a fustigé les cols bleus
La juge de la Cour supérieure, madame Daneille Grenier, une autre «tough» qui s’est montrée cinglante envers les cols bleus de Montréal en déclarant: «Aucune excuse n’a été formulée, aucun regret d’une conduite qui transgresse les règles élémentaires de la vie en société [ayoye!]. Cette insouciance [tiens toé] est regrettable [je pleure] et ne présage rien de bon [j’ai peur]». Une énième personne haut placée qui fait la leçon aux travailleurs, aux assistés sociaux, aux chômeurs, aux étudiants, etc. Ses belles paroles adressées aux cols bleus, la magistrate et les autres de son genre devraient plutôt les adresser aux ripoux à cravate qui détournent chaque année des milliards de dollars dans les paradis fiscaux et à leurs politiciens complices. Et les cols bleus de Montréal ont entièrement raison de n’avoir aucun regret et de ne formuler aucune excuse. Ces syndiqués laissés à eux-mêmes luttent seulement pour leur emploi et un salaire décent. Pas pour le «droit» de détourner des milliards de dollars dans les paradis fiscaux ou de pratiquer de la collusion et de la corruption quand bon leur semble.
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