Payé par Québec, il verse ses impôts en Ontario

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Sébastien Ménard - Une des filiales de l’Université du Québec est dirigée par un haut fonctionnaire qui vit et paie ses impôts en Ontario, révèle une enquête du Journal. La situation choque plusieurs étudiants et professeurs, mais laisse indifférent le principal intéressé. «Je suis un Canadien, lance-t-il.
Le recteur de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Jean Vaillancourt, a beau administrer un établissement subventionné à hauteur d’au moins 40 M$ par les contribuables québécois, il ne paie pas un sou d’impôt dans la Belle Province.
Cet universitaire de carrière, à qui les contribuables du Québec ont versé un salaire et des avantages sociaux totalisant 166 000 $ l’an dernier, habite dans un secteur anglophone d’Ottawa.
Son automobile est immatriculée en Ontario et sa résidence est située à deux pas de la rivière des Outaouais, à une dizaine de minutes en voiture du campus de l’UQO à Gatineau.


Cela fait en sorte qu’il paie son impôt provincial en Ontario plutôt qu’au Québec, une façon pour lui d’économiser plusieurs milliers de dollars par an. Juste avant les Fêtes, le gouvernement Charest a renouvelé le mandat de Jean Vaillancourt à la tête de l’UQO. Cela a irrité certains employés de l’institution, qui en ont alors profité pour dénoncer la situation au Journal.
Ces professeurs jugent inconcevable qu’un «symbole » du Québec francophone, qui avait été inauguré par le gouvernement de René Lévesque en 1981, soit dirigé par un résident de l’Ontario. «Aucun inconfort avec ça »
L’UQO cultive le secret autour du lieu de résidence de son patron. Un porte-parole a soutenu que cette information n’était pas publique. Aucun des étudiants rencontrés sur place, au début du mois, ne savait que le recteur habite en Ontario.
Après plusieurs semaines d’enquête, cependant, le Journal est parvenu à joindre le haut fonctionnaire québécois dans sa résidence d’Ottawa. Jean Vaillancourt reconnaît qu’il ne paie pas d’impôt au Québec et dit qu’il n’a «aucun inconfort avec ça.»
«Je suis un Canadien et je paie mes taxes au Canada, lance-t-il. Je tiens à ce qu’on respecte mon droit, en tant que Canadien, d’habiter où je veux. » Des sources ont indiqué au Journal que M. Vaillancourt s’était engagé à s’installer au Québec, à la suite de sa première nomination au poste de recteur, en 2005, mais il nie que ce soit le cas. Il répète qu’il est avant tout «un Canadien » et estime qu’il pourrait vivre dans n’importe quelle province, tout en dirigeant l’UQO.
Jean Vaillancourt assure que sa décision de vivre en Ontario plutôt qu’au Québec ne vise pas à lui faire payer moins d’impôt.
«Si je voulais faire de l’argent et épargner sur l’impôt, il y a d’autres endroits en Amérique du Nord où on peut aller et où on n’en paie pas du tout », lance-t-il. Le recteur fait valoir qu’il était déjà installé à Ottawa lors de sa première nomination au poste de recteur. «Je suis marié, dit-il. Ça n’a pas été un choix individuel, mais un choix familial. »
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Avec la collaboration de Jonathan Larochelle, notre recherchiste à Ottawa
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Fonds publics
La ministre se porte à sa défense
Sébastien Ménard
Le Journal de Montréal
29/01/2010 05h22

La ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, ne voit aucun problème à ce qu’un des établissements du réseau de l’Université du Québec soit dirigé par un résident de l’Ontario.
Mme Courchesne est consciente que Jean Vaillancourt ne paie aucun impôt au Québec, mais elle ne s’en formalise pas.

«On considère que la vaste expérience du recteur lui permet de bien remplir ses fonctions.
Le fait qu’il réside dans la province de l’Ontario ne nuit pas du tout aux exigences de sa fonction », indique Tamara Davis, attachée de presse de la ministre.
En décembre dernier, le conseil des ministres de Jean Charest a confirmé le renouvellement du mandat de Jean Vaillancourt au poste de recteur de l’UQO.
«Il a bien servi son institution. C’est la raison pour laquelle le conseil d’administration de l’Université [a recommandé de renouveler son mandat]», fait valoir Tamara Davis.
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Fonds publics
Étudiants surpris et déçus
Sébastien Ménard
Le Journal de Montréal
29/01/2010 05h34


Plusieurs étudiants de l’Université du Québec en Outaouais sont surpris, mais également «déçus » d’apprendre que le grand patron de leur institution vit et paie ses impôts en Ontario.

«Je suis déçu d’apprendre que ce n’est pas un Québécois qui dirige l’Université. C’est un peu déstabilisant, en fait, dit Nicolas Boucher. C’est un peu comme si on apprenait qu’un ministre québécois est ontarien. Ce serait ridicule. C’est la même chose avec le recteur de l’Université », estime le jeune homme, qui étudie en psychologie.
Karine Picard est tout aussi surprise.
«Je pense qu’il devrait s’installer au Québec. C’est l’Université du Québec, après tout, lance l’étudiante. Ça devrait être géré par un Québécois.»
Mélissa Paquette juge quant à elle que le recteur devrait habiter au Québec «pour payer des impôts ici comme tout le monde.»
Une situation «normale », estiment d’autres étudiants
Ce ne sont pas tous les étudiants qui partagent cette opinion. Certains considèrent la situation plutôt «normale », dans une région frontalière comme l’Outaouais.
«S’il fait bien son travail, il peut bien habiter de l’autre côté de la rivière», croit Nicolas Langlois, un étudiant en enseignement.
C’est d’ailleurs ce que plaide le recteur. «On juge un arbre à ses fruits, dit Jean Vaillancourt, qui estime que l’UQO connaît «une très belle progression » sous sa gouverne. «D’ailleurs, tout le monde l’a reconnu en m’offrant un deuxième mandat très fort », fait-il valoir.
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